“Tu pars où pour ta 3A?” Le périple avant l’heure des 2A, épisode 3 : Le premier jour du reste de ta 3A
Autour du 20 décembre, l’étudiant en 2A a quitté la rue Saint-Guillaume pour un bon mois, concluant son premier semestre par des examens intenses et inquiétants. Pourtant, une fois la capitale quittée, le charme des vacances de Noël reprend le dessus, engloutissant appréhensions et projets d’avenir. Pendant un mois, il n’est plus question que de dindes aux marrons, de voyages à Amsterdam et d’horaires de rendez-vous pour le Nouvel An. Les fêtes sont donc propices à faire oublier aux étudiants de deuxième année ce qui les a obsédés pendant tout l’automne : le destin de leur dossier de 3A, qui repose désormais sur les épaules d’un membre de Sciences Po International en vacances à Val Thorens.
Après l’effervescence de la constitution du dossier pour la 3A, les vacances de Noël sonnent comme une trêve dans la longue route vers l’aventure que constitue la deuxième année à Sciences Po. Le dossier est bouclé, et avec lui s’envolent les doutes, les angoisses et les hésitations qui ont rythmé tout le premier semestre. Au contraire, c’est une drôle de sérénité qui habite l’étudiant au cours de ce dernier Noël avant la 3A. La sérénité de l’enfance, des mêmes gens aux mêmes repas. Ce Noël 2018 est enfin, pour tous les 2A, le dernier Noël sans qu’on lui casse les pieds avec des questions plus ou moins pertinentes sur la Statue de la Liberté, la nourriture japonaise ou les femmes scandinaves. Le dernier Noël avant tout ce qui suivra, aussi : les stages, les masters, le marché du travail. C’est donc avec une étincelle de nostalgie et de plaisir que le 2A affronte tranquillement le mois de vacances offert par Sciences Po, sans trop penser au lot d’aventures que lui servira 2019.
Seulement, la 3A semble coller à la peau des étudiants, et fournit un sujet de conversation aisé et attractif aux différents individus susceptibles d’être croisés pendant les fêtes de fin d’année. Chacun y va de sa question, n’écoutant pas trop la réponse, retenant seulement le choix 1. Les commentaires vont ensuite bon train. Certains membres de la famille se la jouent spécialistes et prodiguent de précieux conseils, comme « si tu vas au Canada il FAUT que tu goûtes le sirop d’érable » ou « surtout visite la Place Saint-Marc ». Les débats s’enflamment vite, et dépassent le pauvre sciencepiste qui ne sait finalement pas grand-chose sur son avenir.
Retour à la réalité
Mais même les longues vacances d’hiver de Sciences Po ont une fin, et l’étudiant de deuxième année retrouve les chemins de Boutmy pour la traditionnelle pré-rentrée, cette année sous un froid polaire.
Entre les cours de méthodologie pour le Grand Écrit et la présentation des Masters de Sciences Po, la troisième année est déjà partout. Les questions aux voisins d’amphi, du genre « tu pars où toi ? », se font de plus en plus pressantes. Les professeurs référents s’inquiètent : « Vous savez déjà où vous partez pour votre troisième année? – non… – et vous savez quand est-ce que vous aurez la réponse? – Non ! ». Les parents, eux, peinent à comprendre nos réponses évasives : « début février, sans doute la première semaine, entre le 4 et le 8 je crois, mais ça dépend des campus ».
Le flou qui entoure la date de publication des affectations rend encore plus attendu le moment M, qui en devient mythique. Sur le groupe Facebook de la promo sont relayées des rumeurs diverses et plus ou moins pressantes, jusqu’à l’annonce finale : « Il paraît que c’est demain ! »
Jour J
1er février au matin : « J’ai entendu que les résultats allaient paraître aujourd’hui, tu y crois toi? – mais non c’est impossible ! Ils ont dit début février, pas 1er février ! »
Et pourtant, à 14h30, l’étudiant sort d’un cours d’introduction à la compréhension de l’administration française avec deux certitudes. La première : il a décidément beaucoup d’exposés à préparer ; la seconde : il faut qu’il se connecte rapidement à son espace étudiant car les résultats ont bel et bien été publiés.
Le site rame un peu en raison sans doute du nombre de connexions simultanées, mais ça y est, la connexion s’établit. Premier vœu accepté ! Mais l’étudiant hésite, relit avec application, en se faisant la réflexion que la couleur rouge du ‘tick’ qui valide la décision ultime, si elle sied à Sciences Po, convient beaucoup moins à ses nerfs. Et puis enfin, maintenant qu’il a relu trois fois la décision fatidique, il peut sereinement appeler ses parents, et publier sur ses réseaux sociaux une illustration volontairement caricaturale de la destination fantasmée.
Dans les couloirs de Sciences Po résonne une même rengaine : « alors ? tu pars où ? t’es content ? c’était ton premier vœu ? ». Il flotte un air palpable d’excitation ; la troisième année « hors les murs » n’a jamais été aussi proche.
Malgré l’émotion, le sciencepiste reste organisé et ne se laisse pas submerger facilement : fleurissent alors les groupes Facebook d’étudiants unis par une destination (« 3A au Brésil 2019-2020 : rejoins nous ! »), épicentres de l’entraide.
Seuls les étudiants de première année sont un peu lésés par cet élan de solidarité : les 2A ont la tête ailleurs et ne prennent plus le temps de répondre aux demandes d’idées et de bibliographies pour leurs exposés de science politique.
Le point de départ
Le week-end a passé entre coups de fil et euphorie. Les questions et réponses qui fusent dans les amphis du lundi matin semblent dessiner une vraie tendance. Les admissions se sont passées conformément aux attentes des étudiants et de l’administration. Entre 91 et 93 % des étudiants ont obtenu un de leurs trois premiers choix. Deux tiers des étudiants de la promotion 2022 vont prendre la direction de leur premier vœu, sacre suprême qui a fait verser tant de larmes en ce vendredi de février.
Côté Sciences Po ?
Certaines grandes lignes se sont dessinées quant aux goûts plus ou moins exotiques des derniers enfants du XXème siècle. Les Etats-Unis arrivent en tête, devant le Canada puis le Royaume-Uni. A elles trois, ces trois destinations incontournables des sciencepistes concentrent les vœux de plus de la moitié des étudiants.
Et si aujourd’hui, le 2A considère sans doute son affectation de troisième année comme l’aboutissement d’un long parcours de mûrissement du projet et de justifications administratives, ce billet pour la 3A n’est certainement que le simple embryon d’une nouvelle véritable aventure.
Louise Hébert et Simon Le Nouvel