Comment obtenir le droit d’asile en France ?

Jeudi dernier, nous avons eu la chance de recevoir Pascal Brice, directeur de l’OFPRA, à l’occasion de la leçon inaugurale des étudiants de deuxième année. L’Office français de protection des Réfugiés et des Apatrides s’occupe notamment de délivrer le statut de « réfugié » à ceux qui demandent l’asile en France. Cependant, pour obtenir ce droit d’asile, il faut passer par une procédure administrative puis par un entretien. Au terme de ce processus, un officier de protection OFPRA doit statuer sur le sort de ceux qui s’y présentent. Mais comment se déroule-t-elle ? Pour mieux le comprendre, c’est à travers le témoignage de A. (#), un migrant soudanais, que nous tenterons d’expliciter toute cette démarche.

La file d’attente semble interminable, mais aujourd’hui, beaucoup de choses sont en jeu pour chaque personne présente. Nous sommes au mois de juillet dernier, A. fait partie de ceux qui ont accompli tout le parcours administratif pour obtenir ce rendez-vous à l’OFPRA (l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). L’entretien est essentiel. En effet, il peut lui permettre, à terme, d’obtenir le statut de réfugié et ainsi de régulariser sa situation en France.

Un dossier aux airs de récit

Au préalable, pour accéder à l’entretien il y a une procédure administrative à suivre. Après avoir obtenu un rendez-vous en préfecture, il faut remplir un formulaire de demande d’asile en français. Pour cela, A. est accompagné dans ses démarches dans le cadre d’un dispositif HUDA (L’Hébergement d’Urgence pour les Demandeurs d’Asile). Ce dispositif permet aux personnes d’origine étrangère qui souhaitent faire une demande d’asile en France d’être hébergées, mais aussi de bénéficier d’un accompagnement spécifique en attendant l’obtention d’une place dans un Centre d’Hébergement pour Demandeur d’Asile (CADA). L’OFPRA traite alors le dossier et détermine si la demande est recevable ; si c’est le cas, l’intéressé est convoqué à un entretien.

Le dossier à remplir en préambule de l’entretien est extrêmement important. A. décrit dans celui-ci l’intégralité de son parcours, avec la plus grande précision possible. Contraint de quitter le Soudan en 2014, il souhaite dans un premier temps rester en Libye mais, victime de discrimination, d’esclavage et de torture, il part pour l’Italie avant de se rendre en Allemagne. Finalement, il atteint la France en juillet 2016 et séjourne à Calais. En octobre, lorsque la Jungle est démantelée, il est transféré dans une commune du nord-est de la France.

Le formulaire est complété en français, avec l’aide d’un traducteur dont la langue a été choisie au préalable par le demandeur d’asile et de l’assistant social chargé du dossier. Dans le cas de A., la langue choisie est l’arabe. Après avoir précisé son état civil et son itinéraire, vient la rubrique la plus importante, celle qui concerne son récit. Ce dernier ressemble une dissertation, dans laquelle on argumente pour convaincre à tout prix le correcteur de nous accorder une bonne note. Sauf qu’ici, c’est la sécurité de A. qui est engagée. Il argumente en évoquant les persécutions auxquelles il risque d’être exposé s’il retourne dans son pays d’origine, en espérant que cela pourra convaincre l’agent de l’OFPRA de lui accorder un entretien. En effet, une situation de trouble ou de guerre au sein d’un pays n’est pas suffisante pour rendre recevable un dossier de demande d’asile. C’est l’histoire personnelle de chacun qui compte.

Une nuit sans hébergement

Pour A. le grand jour est arrivé, le Pôle d’Intervention Sociale qui s’occupe de son dossier lui fournit un billet de train pour se rendre à son entretien à Paris. Cependant, de nouvelles difficultés surgissent. Tout d’abord, s’il obtient un billet pour se rendre dans la capitale, aucune nuit dans un hôtel ou autre lieu d’hébergement n’est prévue pour le soir de son arrivée. De plus, il n’est jamais venu à Paris et les locaux de l’OFPRA se situent à Fontenay-sous-Bois. Lorsque l’on connaît la ville, on sait que pour s’y rendre, il faut passer par un trajet en RER. Or, aucun billet n’est prévu pour cette partie du parcours. Heureusement, A. peut compter sur un bénévole qui l’accompagne. Les réseaux sociaux jouent ici un rôle très important, notamment le groupe « Hosting in Paris for OFPRA and CNDA interview » qui regroupe des volontaires prêts à héberger le temps d’une nuit des migrants se rendant à leur entretien et même à les y accompagner.

A. se présente devant les locaux de l’OFPRA près d’une heure avant l’ouverture. Plus d’une dizaine d’autres candidats sont déjà présents. L’attente est longue, mais les officiers de protection OFPRA doivent faire passer un nombre important de participants dans la journée. La durée de l’entretien est d’ailleurs très aléatoire : dans le cas de A., celui-ci a duré près de 45 minutes. Pour d’autres candidats, il peut atteindre 4 heures.

Du Soudan à Calais : une odyssée mortifère

C’est finalement au tour de A. Dans la salle sont présents un officier de protection de l’OFPRA et un interprète. Les questions s’enchaînent. Il commence par décliner son identité, chose qui n’est pas simple lorsqu’on ne peut présenter un acte de naissance ou n’importe quelle autre pièce officielle. S’ensuit le récit des pressions et des menaces dont il a été victime au Soudan, de la course contre la mort qui s’est engagée pour échapper à ses persécuteurs. A. évoque la désillusion libyenne, provoquée par le racisme omniprésent. Enfin, c’est l’horreur de la traversée en bateau pneumatique qui est relatée, le moteur qui cesse de fonctionner, les cris des femmes et des enfants qui, dans la panique, basculent par-dessus bord. Par chance, ce jour-là, il échappe au triste sort de ses camarades. L’odyssée n’est pas terminée pour autant. C’est ensuite un long périple européen de plusieurs mois qui l’attend, avant la découverte de la jungle de Calais. Les conditions de vie sur place se dégradent si rapidement que l’évacuation est un soulagement. Aujourd’hui, sa situation est plus calme mais encore incertaine. Pour s’installer durablement, le statut de réfugié lui est indispensable.

A ressort lessivé des locaux de l’OFPRA. Remuer le passé est une épreuve douloureuse. Dans un premier temps, c’est l’angoisse qui prime, la crainte que son dossier n’obtienne pas une réponse positive. Il est envahi par le sentiment de ne pas avoir pu dire tout ce qu’il voulait, de l’avoir mal formulé et même d’avoir été coupé. Selon A., il est compliqué de faire entendre sa pensée lorsque celle-ci est traduite par un intermédiaire. Mais très vite, ses craintes se dissipent pour laisser place au soulagement d’avoir franchi cette épreuve. Maintenant, c’est l’attente qui paraît interminable, insoutenable, tant l’enjeu est grand. S’il existe des entretiens qui peuvent changer une vie, celui de l’OFPRA est de ceux-là.

(#) Le nom de A. ne peut être donné en intégralité puisque l’OFPRA n’a pas encore statué sur sa demande.