Valéry Giscard d’Estaing était-il un président centriste ?

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C’était un 27 Mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing aka « VGE » devenait le troisième président de la Ve République, succédant à George Pompidou. Il déclara ainsi, dans son discours d’investiture, ouvrir une « ère nouvelle de la politique française ». Quarante ans après, dans un entretien avec Franz-Olivier Giesbert pour Le Point, VGE revenait sur son mandat en se présentant désormais comme un « homme au centre » et non pas un homme du centre.

En effet, les « années Giscard » ont vu des réformes aux idéologies historiquement opposées, entre restriction de l’immigration et politique économique libérale et majorité à 18 ans et interruption volontaire de grossesse.  Mais alors, quel politicien était VGE ? Jules Bigey, représentant de l’Union des Démocrates et Indépendants à Sciences Po, parti dit « centriste », et Léo Castellote, vice-président de l’Union pour un Mouvement Populaire, parti dit « de droite », livrent ainsi leurs analyses respectives du mandat de VGE dans le « Face à Face » de La Péniche.

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VGE, membre à part entière de la famille centriste

par Jules Bigey de l’UDI SciencesPo

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En 1974, c’est bien un président du centre qui rentre à l’Elysée, ses premiers actes le confirment. Il avait depuis plus d’une décennie fréquemment critiqué la politique de De Gaulle, ce qui avait attiré à lui les centristes et nombres de déçus du gaullisme. Elu, il mène une politique qui tend à s’éloigner du clan conservateur. Parmi les membres de son gouvernement progressiste,  se trouvent Jean Lecanuet à la justice et des personnalités issues de la société civile comme Simone Veil à la Santé et Françoise Giroud dans un tout nouveau Secrétariat d’Etat à la Condition Féminine, une condition qu’il veut voir évoluer.

Sur les sujets de société, parfois contre l’avis de sa majorité et son électorat, Giscard se distingue par son objectif d’adaptation de la législation à l’évolution des mœurs et des réalités sociales. Le divorce par consentement mutuel est adopté largement par le Parlement, preuve d’une politique se construisant au-delà des antagonismes gauche-droite, rejoignant les positions de l’UDI, un parti qui se veut aujourd’hui être une force d’opposition « constructive ». En outre, la dépénalisation de l’avortement s’inscrit comme une réforme progressiste de la politique sociétale de Giscard, qui tourne le dos aux conservateurs de sa majorité sur de nombreux points.

La politique économique de Raymond Barre fut elle-même bel et bien centriste, voire même de centre-gauche. Elle est notamment jugée aujourd’hui par Jean-Louis Bourlanges comme la politique « la plus parfaitement social-démocrate » connue par la France : redistribution très importante, développement de la protection sociale, extension des bénéficiaires de la sécurité sociale, retraite à 60 ans pour les travaux pénibles. Cet ensemble de réformes du système social n’apparaissent pas comme « de droite », et la gauche, dans notre analyse, portera après 1981 ces réformes à un niveau déraisonnable. Giscard se situa ainsi au centre, en combinant un message d’encouragement aux entreprises et au capitalisme avec une redistribution sociale conséquente (rappelons la hausse de l’impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés en 1976).

Enfin, le projet européen de Giscard le laisse indéniablement dans la famille centriste, lui qui voulut bâtir, loin de l’utopie de certains, une Europe forte, basée sur un rapport d’égalité du couple franco-allemand, qui puisse s’affirmer dans la mondialisation qui s’intensifiait, une Europe unie, économiquement, socialement et culturellement, trop bien conscient des dangers du repli sur soi.

Le bilan de réformes du Président Giscard d’Estaing est aujourd’hui trop peu connu des français, alors que ce fut une période pendant laquelle justement les réformes par leur nombre, et leur caractère progressiste, furent le plus importantes.

Si un dernier élément peut être apporté à la démonstration des affinités d’idées, de valeurs et de façon de faire de la politique entre VGE et l’UDI, rappelons que lors de l’Assemblée Constituante de l’UDI, Valéry Giscard d’Estaing adressait son soutien à la jeune Union des Démocrates et Indépendants, heureux de voir se rassembler les femmes et les hommes allant du centre droit au centre-gauche derrière le projet d’une économie libérale de marché à forte dimension sociale. Et de conclure « essayez de réussir par vos idées, et non par des manœuvres », une phrase lourde de sens dans le contexte politique actuel.

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Un président libéral, mais pas centriste pour autant 

par Léo Castellote, vice-président de l’UMP SciencesPo

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Valéry Giscard d’Estaing était-il centriste ? Voilà bien une question dont la réponse semble de prime abord évidente. N’était-il pas européiste lui qui, tout jeune, a rêvé les Etats-Unis d’Europe, lui qui a avancé sur la voie du fédéralisme en soutenant l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, lui qui a préparé l’euro en créant l’ECU et le Système Monétaire Européen ? N’était-il pas libéral lui qui, dès 1965, a soutenu la règle d’or, lui qui a privilégié l’épargne et l’investissement à la consommation, lui qui a soutenu le libre-échange face au protectionnisme ?

N’était-il pas progressiste lui qui, plus jeune Président de la République à son entrée en fonction, a modernisé la communication politique, lui qui a permis l’IVG et le divorce par consentement mutuel, lui qui a abaissé l’âge de la majorité à 18 ans ? N’était-il pas surtout membre de l’UDF, lointain ancêtre des centristes d’aujourd’hui, ancêtre d’ailleurs non pas de l’UDI de centre-droit mais du MODEM de centre-gauche ? A toutes ces questions, la réponse est bien sûr positive.

Et pourtant, Giscard n’était pas centriste. Ses prises de position n’ont rien à voir avec celles de ceux qui se revendiquent aujourd’hui du centrisme : son attachement à l’Algérie française, à la peine de mort ou au droit du sang risqueraient d’en choquer plus d’un à l’UDI. Ses alliés politiques d’alors ne se reconnaîtraient probablement pas au MODEM d’aujourd’hui : il soutint le Général de Gaulle en 1968, Georges Pompidou en 1969 et Nicolas Sarkozy en 2007 comme en 2012.

Mais cela ne suffit pas à démontrer que Giscard n’est pas centriste. Pour ce faire, définissons d’abord ce qu’est le centrisme. Le centrisme, ce n’est ni une politique ni une idéologie, c’est une attitude. Le centrisme, c’est la recherche du consensus à tout prix, c’est la politique du compromis à l’extrême, le centrisme, c’est François Hollande qui navigue au jour le jour sans cap défini ni ligne directrice. Giscard était européiste, libéral et progressiste. Mais cela ne faisait pas de lui un centriste.

Ainsi, l’extrême-droite néopaïenne promeut-elle le fédéralisme européen. Est-elle centriste pour autant ? Ainsi, Margaret Thatcher était assurément libérale. Etait-elle centriste pour autant ? Ainsi, la gauche libertaire a-t-elle fait du progressisme sociétal son principal cheval de bataille, est-elle centriste pour autant ?

Quant à l’UDF, elle rassemblait de nombreux partis, loin d’être tous centristes, dont celui de Giscard (le Parti Républicain devenu Démocratie libérale) qui quitta l’UDF et participa à la création de l’UMP en 2002 sous l’impulsion d’Alain Madelin.  Non, Giscard n’était pas centriste. C’était un Président de droite, d’une droite orléaniste et non bonapartiste, mais de droite tout de même.

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4 Comments

  • VGE

    Très chère Anne-Aymone,

    je flaire chez vous un coté professoral habitué aux appréciations et aux commentaires volontairement condescendants, je me permets donc d´adapter mon discours et d´adopter le ton précieux que vous affectionnez. Pour répondre à votre critique sur le manque de légitimité, je me contenterai de la lecture de l´ensemble autobiographique de VGE dès le lycée, notamment afin de mieux comprendre le personnage que j´allais avoir la chance de rencontrer. A ces ouvrages fort intéressants s´ajoutent en effet d´autres biographies, plus critiques, en particulier celles de Jean Bothorel, mais aussi de plus anciennes comme celles de Lancel ou Conte.

    Je suis très décu par votre volonté de ne pas critiquer le fond, mais bien de vous focaliser sur la forme et l´exigence académique requise (que vous ne respectez pas vous-meme par ailleurs). Le but de mon commentaire a été de démontrer que malgré les volontés de s´accaparer l´héritage giscardien, celui-ci a été réalisé par les bouleversements de son temps, le marasme économique, la « puissance moyenne » francaise, etc… C´est aussi une autre droite conservatrice que notre parti politique de droite actuel, fouillis de courants libéraux et politicards divers. L´héritage giscardien s´est perdu dans les méandres du néo-gaullisme chiraquien et malheureusement je ne vois aucun parti qui puisse se targuer d´adopter la meme ligne de conduite aussi révolutionnaire.

    Votre éducation supérieure et votre condescendance me trouveront le parti capable à la fois des plus grandes réformes sociétales (IVG), de l´audace militaire (Kolwezi), qui cautionne un plan Barre mais aussi un controle de l´immigration renforcé et une politique pro-européenne décisive.

  • Anne-Aymone GE

    « VGE, fais les valises, on rentre à Paris. »

    Commencez doucement, vous risqueriez de vous essouffler, pérorer n’est pas ce qu’il y a de mieux pour un début de remarque ; en ce sens, se présenter afin de mettre – ou plutôt tenter de mettre – en relief une légitimité présupposée est assez maladroit. Peu importe, continuer en appuyant son propos personnel sur une expérience de lectures de nombreuses autobiographies (?) Permettez-moi, l’hyperbole m’a tuer. C’est accessible à quiconque prenant le temps de se documenter correctement, VGE a publié ses mémoires « Le pouvoir et la vie », en trois tomes.
    Un choix de partis qui, à mon avis, n’est pas aussi « pourri » que ça, VGE se disant lui même « Homme au centre – mais issu de la droite conservatrice -, son parcours politique en atteste (FNRI, UDF – racines de l’UDI -) !
    Les deux critiques que vous formulez, bien qu’à première vue suscitant mon intérêt, se révèlent être seulement un jugement personnel que vous essayez d’appuyer sur un ouvrage pour vous donner de la consistance ; c’est bien dommage, elles avaient le mérite de pousser un peu. C’est pourquoi je vous rejoins sur la superficialité que l’on pourrait imputer ; seulement c’est une tribune et non pas un mémoire de recherche, le but est différent. Ici, je pense que l’idée est d’émettre son jugement personnel sur un sujet en gardant une dimension politique, système de partis oblige.

    Pour la prochaine fois, recopiez-donc en cent exemplaires à faire signer : « Donner son avis, c’est intéressant et parfois constructif, être dédaigneux pour autant, c’est sérieusement manquer de personnalité et de respect. »

  • Deleu

    Bravo pour ces 2 tribunes.
    J ai ete particulierement convaincue par celle de jules Bigey qui rappelle à quel point VGE a aidé à faire avancer la condition féminine.
    Valérie Deleu

  • VGE

    Auteur d’un mémoire de recherche appuyé sur la lecture de nombreuses autobiographies et biographies de Valéry, je ne peux que constater la pauvreté de cet article, à la limite du ridicule. Non seulement il met en scène deux partis tentant de s’approprier l’héritage giscardien alors qu’il n’y a aucun parallèle possible, mais en plus le choix des intervenants est franchement pourri.

    Je vais m’appuyer ici sur plusieurs ouvrages dont Un Jeune Président de Jean Bothorel pour déconstruire plusieurs affirmations de cet article :

    Jules : VGE n’a jamais critiqué le gaullisme, il en est lui-même un produit, ayant été son secrétaire d’état puis son ministre des Finances. Il dit du Général avant 1962 que c’est un grand homme et approuve sa politique. C’est avec le dénouement de la guerre d’Algérie qu’il confesse sa déception et regroupe autour de lui les déçus du gaullisme et ses amis technocrates (sans connotation) pour créer le parti des indépendants. J’approuve le reste de ton article, mis à part l’apparentement avec l’UDI qui est bien lointain…

    Léo : sa politique « libérale » est bien forcée par le contexte actuel de désindustrialisation de la France et par les chocs pétroliers qui se succèdent. Il comprend qu’il doit ménager les ménages et a la tentation de se réfugier dans le service public, le protectionnisme et les entreprises stratégiques (soutenues massivement). Très peu libéral tout ça… Ensuite il dit conserver une « aversion profonde » pour la peine de mort. Son Garde des Sceaux Alain Peyrefitte tentera même de l’abolir mais abandonnera face à l’opposition des députés gaullistes. Enfin, son « attachement à l’Algérie française » n’a rien d’anodin : comme des millions de Français, lui qui a été souvent détaché en Algérie ne comprend pas les massacres d’Oran et de Sétif ainsi que la solution des accords d’Evian. Lui proposait un Etat algérien et un Etat européen autour de Constantine. Ça ne fait pas de lui un mec de droite ou du centre, seulement quelqu’un attaché à l’héritage de la République.

    Très déçu par cet article de la Péniche, j’espère voir mieux la prochaine fois que des insanités et de la masturbation intellectuelle..