Rock’n’roll : le cocktail de Twin Peaks préparé aux petits oignons
Fraîchement rentrés de leur tournée européenne, les sales gosses de Twin Peaks, originaires de Chicago, nous offrent un joyeux mix de garage rock et de punk lo-fi, qui fait office d’une bonne décharge électrique. Leur secret pour l’album« Wild Onion »? Deux guitares, une basse, une batterie. N’enterrez pas le rock tout de suite, il a tout juste 20 ans.
« Wild Onion » de Twin Peaks : le nom de la ville de Chicago vient de la déformation d’un mot amérindien (« sikaakwa ») par les Français en « Chécagou », ce qui signifie « oignon sauvage ». Habile.
Le deuxième album « Wild Onion », sorti en novembre dernier aux États-Unis, et difficilement trouvable en Europe avant ce mois-ci, se présente comme un enchaînement de shots survitaminés en guitares fuzz et en lourdes batteries. Cette succession de bombes rock rappelle des groupes garage récents tels que Foxygen, The Black Lips, The Orwells ou encore des touches psyché qu’on entend chez Tame Impala. Les gars de Twin Peaks sont quand même plus convaincants et auraient très bien pu figurer sur la mythique compilation « Nuggets » qui recensait des titres garage rock des années 60, généralement de qualité.
Formé pendant leurs années high school, Twin Peaks nous délivre une énergique dose d’antidépresseurs. On reste assez pantois devant ce retour aux sources rock les plus évidentes mais qui continuent à fonctionner à merveille. Les titres très courts qui caractérisent « Wild Onion » (les morceaux dépassent rarement les 3 minutes) laissent présager que le quatuor ne se ménage pas en live.
Le clip de « Making Breakfast », chanté par Clay, qui nous fait un peu penser à l’artiste Mac DeMarco. Rappelez vous que le petit-déj, c’est le repas le plus important de la journée. On retrouve cette idée dans un morceau optimiste, sorte de rage de vivre matinale où on réalise enfin que tout est possible quand on a vingt ans.
Les rythmiques rock assez minimalistes et autres power chords bien saturés n’empêchent pas nos gaillards de surfer sur une vague de succès et de sueur avec des concerts tenus des deux côtés de l’Atlantique.
De gauche à droite : Jack Dolan (basse et chant), Cadien James (guitare et chant), Clay Frankel (guitare et chant), Connor Brodner (batterie) tous entre 20 et 21 ans. Crédit Photo : Pooneh Ghana (tumblr).
Mais d’où peut bien venir leur nom ? Évitons tout de suite les hypothèses douteuses qui commencent à lasser les quatre membres. « Twin Peaks » est le titre d’une série policière américaine créée par Mark Frost et David Lynch qui fut diffusée au début des années 90. Le chanteur du groupe, Cadien, souligne pourtant que le choix du nom est le fruit d’une coïncidence (son frère regardait la série et Cadien trouvait le nom simplement cool en tombant sur la jaquette du DVD) dans une interview donnée pour l’émission « Minimal Talks ». Twin Peaks est malgré ce choix hasardeux l’invité en avril de la David Lynch Foundation à LA, ce qui montre que le réalisateur de la série culte n’a pas l’intention de poursuivre le jeune groupe pour usurpation des droits d’auteur mais qu’il leur donne plutôt sa bénédiction !
La vidéo un peu débile et juvénile du très bon titre « Flavor » sur l’album « Wild Onion » (Communion Records)
Dans plusieurs interviews, les membres du groupe affirment avoir profité d’un environnement plutôt prospère pour l’expression et la diffusion de leur musique. Ils décrivent la communauté de Chicago comme un large réseau d’amis qui ne souhaite qu’assister au succès de leurs confrères — par exemple le duo White Mystery ou The Funs. Twin Peaks commence à se produire dans des endroits Do It Yourself comme des garages, des bars et chez des amis lors de soirées (les fameuses « house parties » qu’ils ont réussi à exporter lors de leur tour au Royaume-Uni). Entré dans la cour des grands mais toujours attaché à la scène qui l’a enfanté, le quatuor ne laisse pas pour autant aux vestiaires ses chemises aux effluves pas très nettes ressemblant étrangement à celle du grunge de Seattle à ses débuts. On ne va pas se le cacher, le rock n’ roll de Twin Peaks est un peu crade, en sueur et finalement à l’image festive et insouciante des quatre garçons.
Le clip de la chanson d’intro « I Found A New Way », ode au futur heureux et insouciant des jeunes gens, légèrement assombri par l’entrée dans la vie adulte
Le design de leur album est pour eux comme « une cerise sur le gâteau », quelque chose de bien évidemment secondaire par rapport à leur musique mais qui a tout de même son importance vu l’ampleur que prend leur projet. Du côté des textes qu’ils écrivent à trois mains, n’allez pas vous méprendre. Ils dégagent simplement les préoccupations de jeunes hommes sur le chemin de la vie adulte, en bref quatre branleurs qui pensent tout le temps aux filles mais aussi à l’expérience de la défonce et aux joies de l’alcool. Le plus important semble que l’on reste bercé du début à la fin par les chants braillards de Jack, Clay et Cadien ainsi que par la chère disto que crachent leurs amplis.
Twin Peaks dans le Cereal Killer Café (Brick Lane, à Londres) au moment de leur tournée au Royaume-Uni (photo de gauche) et le bassiste Jack à Glasgow (photo de droite). Crédit Photo : Pooneh Ghana (instagram).
Les gars de Twin Peaks revendiquent sincèrement leurs influences 60’s-70’s (The Rolling Stones, les Beatles pour les incontournables) aussi bien dans leurs solos endiablés que dans leur mélodie pop accrocheuse. Le titre quasi beatlesien « Mirror of Time » est un exemple de ce retour volontaire aux racines rock et punk qui permet de poser des notes et des mots sur le thème récurrent de la rupture amoureuse. Les paroles pleines de charme sur l’amour éternel à la fin de la chanson sont bien la preuve de ce déchirement qu’a connu la plupart d’entre nous. Le groupe cite parmi un des albums déclencheurs de leur aventure le fabuleux « Pet Sounds » (1966) des Beach Boys. Le morceau « Hold On » est également une pépite heavy pop aux guitares de Clay et Cadien mêlant chorus et effet flanger, très différente du reste de l’album certes varié. Il laisse à ses auditeurs le même doux souvenir que des groupes comme WU LYF ou Noah And The Whale.
Le morceau « Mirror of Time », retour dans le passé du rock
Affaire à suivre de très près et à écouter sans aucun respect pour vos tympans. En attendant, le nouveau titre écrit par Clay « In The Morning (In the Evening) », dispo sur SoundCloud, révèle tout leur talent, toute leur ambition et leur désir de composer davantage de morceaux sur bande analogique.