PPS 2019 #3 : une finale à la carte
Voici venu le temps de la finale : la chèvre de Monsieur Séguin a presque terminé son combat contre ce loup qu’est le jury, là-haut dans la montagne. Enfin plus exactement, les six chèvres. L’une d’entre elle se démarquera des autres orateurs cornus mercredi soir prochain à 18h, en Boutmy. D’ici-là, retrouvons les dans leur enclos, accaparées par l’exercice de l’écriture de leur dernier discours, broutant les mots à qui mieux mieux. Mais comme l’association de chaque finaliste à une race caprine n’est pas chose facile pour tous, La Péniche a décidé de révéler la vraie nature du Pokémon qui sommeille en chacun d’eux.
Martha – la véhémente Fée des motsS’il est un cheval de course sur lequel tout le monde misait dès les sélections, c’est bien Martha. Saluée pour sa présence certaine au sein de Sciences Polémiques, sa présence en finale reste une surprise pour l’intéressée, qui nous confie que ses amis ont « plus fantasmé sur [sa] capacité à aller en finale [qu’elle-même] ». Elle voulait qu’on l’apparente à Tortipouss, pourtant c’est bien à l’Elément Métal qu’on l’a associée ; sa maîtrise solide des ficelles du jeu du discours la caractérisent tout autant que sa franchise. Grande lectrice, Martha puise depuis peu son inspiration dans le rap francophone ou les textes de grands lyricistes.
Elle aurait bien aimé avoir Christiane Taubira dans le jury, mais son admiration pour la politicienne est telle qu’elle nous confie « qu’elle aurait eut beaucoup trop de pression pour réussir l’exercice sereinement » si cette dernière avait été présente. Son objectif ? Proposer à son auditoire quelque chose qui lui fasse plaisir à elle avant tout. L’émotion risque d’être de la partie pour cette oratrice qui nous livre que « c’est peut être là [son] dernier discours » avant son départ à Londres pour la 3A.
Antoine – l’inattendu et absurde LuronAntoine aime surprendre et faire rire. Proposer dès les sélections, et encore plus en demi-finale, des discours qui renversent les codes de l’éloquence s’est donc imposé comme une évidence pour ce talent de première année. Pour lui, « la liberté d’écriture, dans le cadre d’un discours, est immense, infinie… ce qui permet à l’orateur de participer à un mouvement de parole par l’assemblage de mots qui n’auraient pas forcément grand-chose à voir au début, mais qui finalement provoquent le rire ! ».
C’est parce qu’il s’est livré à cet exercice même au cours de son entretien avec La Péniche, dissertant sur l’objet de la Plante, que nous l’avons associé à cet Elément ; d’apparence tranquille, Antoine se révélera pourtant sur scène, en vous démontrant que les mots du sujets ne traduisent pas forcément ce qu’on attend d’eux, le tout à travers un format atypique : un véritable Bulbizarre.
Elyon – l’Artiste à la grande voixEn digne descendant de Brel, c’est sa voix qui vous marquera dès les premières phrases qu’il prononcera. Son timbre coulera dans vos oreilles comme l’eau vive d’un ruisseau, ou le bruit chaud des rouleaux d’une marée d’été. C’est un peu le poète de cette finale. Lecteur de Zweig ou Kundera, ce qu’il apprécie surtout dans les romans qu’il lit, c’est « quand l’auteur met autant l’Homme à nu qu’il peut le tourner en dérision ». Elyon, c’est aussi celui qui se présentait tout le temps aux élections des délégués sans jamais être élu ; « à force de faire des discours galvanisants en bougeant les mains et en parlant avec animation, les autres choisissent parfois de se tourner vers un élève qui semble plus sain d’esprit », nous confie-t-il.
Il trouve dans l’art oratoire un plaisir qui rejoint sa passion pour le rap. Pour lui, la maîtrise de la parole poétique, l’envie de se soucier au fond aussi bien qu’à la forme, qu’à la manière de dire les choses, est inhérent aux deux formes de parole. C’est pour cette raison qu’il serait heureux de voir dans le jury quelqu’un proche du monde de la musique. On ne peut qu’attendre de lui qu’il donne corps à ses mots comme le chant des grenouilles une nuit d’été. A cet effet, Ptititard, c’est lui !
Clément – le Penseur aux multiples visagesSa moustache et ses lunettes suffisent à elles seules pour décrire le personnage à l’allure de philosophe. Orateur à ses heures perdues, Clément est avant tout un grand lecteur. Lui-même le dira : il ne peut passer un jour sans avoir lu quelques lignes, que ce soit un article de journal, un page de roman ou une recette de cuisine ! « Camus, c’est ma came », nous avoue-t-il au détour de notre conversation, elle-même digne des Chemins de la philosophie sur France Culture. Le travail de l’écriture pour cet étudiant en deuxième année, est une véritable phase d’introspection. S’il se dit de nature assez réservée, Clément n’hésite pas, au moment de discourir, à empoigner le pupitre fermement, et à s’accaparer son texte. Pour lui, « c’est similaire au théâtre ; le rôle de l’orateur est de donner un visage à ses mots, on n’est pas vraiment soit. On présente les idées portées par notre discours plus que l’on ne se présente au public ».
Son autre atout, que pointent du doigt ses camarades finalistes, c’est sa capacité à délivrer un discours à la teneur certainement sociale, sans pour autant verser dans la moralisation. Il vient plus partager une réflexion, quelque chose d’injuste ou de paradoxale, dont il a envie de discuter avec son auditoire. Sa facilité à donner des imitations de n’importe quel politicien ou personnalité publique sur demande, autant que son approche intelligente des mots, se couple à une grande humilité. C’est un peu la flamme bleue de la gazinière : discrète, mais efficacement ardente. C’est le Pyroli de notre finale.
Romane – la Fougue au galopRomane est vraiment inspirée par son sujet de discours ; vraiment beaucoup. Les mots de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik trouvent un écho en notre finaliste, qui apporte à cette finale une franche fraîcheur poitevine. Sa rencontre avec l’art oratoire se produisit durant ses premiers jours à Sciences Po. Pour s’introduire auprès des premières années durant la semaine d’inté, SPK Poitiers leur projetta le discours de Simon Hervé, (vainqueur du PPS 2016). Romane fut immédiatement charmée ; depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et elle occupe la coprésidence de l’antenne poitevine de Sciences Polémique avec Noé (qu’on salue pour sa performance en demi-finale 2019). Pour Romane, tout le monde doit pouvoir s’exprimer ; c’est d’ailleurs un des ses chevaux de bataille à Sciences Polémique Poitiers. En organisant le Descoings 2019, l’association a effectivement choisi de sujets qui puissent être porteurs d’engagements. Romane est pareillement pleine d’engouement pour cette course à l’émancipation de la parole féminine à Sciences Po. Elle veut apporter la lumière sur des réalités tues, avec autant d’étincelles que la crinière de Ponyta.
Elle déplore une chose en revanche ; elle dit ne « pas réussir à faire rire dans [ses] discours. Mais justement, la finale n’est pas le moment de s’inventer une nouvelle identité dans l’éloquence ». Si provoquer le rire du public lui semble un défi de trop grande taille, elle peut toutefois compter sur son sens de l’engagement qu’elle a déjà réussi à exprimer en demi-finale. Elle aurait bien aimé voir Florence Foresti siéger parmi les jurés, elle qui « a su prendre la parole dans un monde d’hommes ». Pour l’avoir vue performer en demi-finale, on ne peut qu’avoir confiance en sa capacité à partager ses doutes et convictions, avec une esthétique proche du sentimental.
Hicham – le Cadet rayonnantOn ne vous le présentera plus… Tout le monde le connaît… En fait non. Ce n’est pas parce qu’on remporte avec brio les triplétades et qu’on s’impose rapidement comme un bon orateur qu’on peut se passer de présentation. Hicham est en première année, et son sourire communicatif et son sens de l’humour ne masquent pas un réel talent, à l’image du reste des finalistes. Pour lui, « c’est toujours un plaisir de faire des discours avec des sujets drôles. Si j’écris peu d’habitude parce que je n’en ressens pas le besoin, cela me plaît d’interpréter, de me mettre en scène derrière les mots. ». En vue de la finale, il se dresse toutefois un autre challenge, celui d’écrire un discours qui « change de d’habitude ». Il se prépare à la finale avec l’idée de ne pas rester dans un moule, et de s’accommoder à la formalité de l’exercice.
Hicham vient d’une famille où on parle beaucoup ; pas surprenant que « trop bavard » soit la mention que l’on retrouve sur tous ses bulletins ! Parler donc, oui, mais blaguer, encore plus. On retient en tout cas pour le moment des discours d’Hicham un contraste recherché par rapport aux codes préétablis. Un parti est pris, quand il nous fait voyager dans notre enfance, en colorant ses textes de références à nos bêtises et autres questionnements d’écolier. Et c’est avec la diction « inconsciemment empruntée » à Nora Hamzaoui – qu’il verrait bien dans le jury – qu’il nous délivre des paroles d’un parfait angélisme, avec le regard de Psykokwak.
Une chose nous est garantie : chacun de ces finalistes a un style différent, propre à lui-même, qu’il ne manquera pas de mobiliser pour vous transporter dans son discours et vous faire vibrer de sa parole. Tous les six ont un message à vous faire passer, il ne leur manque qu’un auditoire – vous – pour que mercredi soit mémorable. Vous êtes donc attendu pour passer la soirée en bonne compagnie, que ce soit pour admirer le talent de nos éloquents camarades, ou découvrir les membres d’un jury de qualité qui les attend de pied ferme.
Etienne de Metz
Photos de Louise Raillard
NB : La Péniche ne se tient pas responsable de l’outrageuse méconnaissance des Pokémon de ses rédacteurs.