Petite nouvelle mordante : Carmilla, un amour de vampire.
Ça n’arrive pas souvent parce que l’on sait la méthode risquée. Mais parfois c’est comme ça on n’a plus le choix. On ne sait plus quoi lire. Et c’est important d’avoir un livre en fil rouge pour les moments de lassitude. Alors on rentre dans une librairie et on en prend un par hasard, comme ça, parce qu’il n’est pas cher ou parce que la couverture a l’air sympa. Et mine de rien c’est comme ça que l’on fait parfois des découvertes extraordinaires.
Je suis rentré dans la librairie, sanctuaire du plaisir intellectuel et Am, Stram, Gram j’ai choisi Carmilla. Je ne regrette pas mon choix.
Carmilla ce n’est pas de la grande littérature, c’est une créature littéraire atypique qui mérite d’être découverte. Sortie de l’imaginaire torturé d’un auteur irlandais du XIXème siècle, on pourrait s’attendre à la logorrhée ô combien rébarbative de Bram Stoker ou d’Oscar Wilde, l’angoisse de l’exacerbation sentimentale à outrance sur des phrases trop longues pour être crédibles. Non, franchement ce genre de choses en Irlande ça ne vaut rien. Carmilla au contraire est moderne, elle ne vieillit pas avec son style lapidaire et son scénario à l’origine déjà dépassé. On ne sait pas trop si l’auteur se moque du monde ou s’il cherche à nous effrayer mais le suspens de cette nouvelle a quelque chose de tragi-comique : rien qu’en regardant la couverture, on le devine : cette gamine a le teint trop blanc et les yeux trop rouges pour être normale. Et pour cause, je vends la mèche : Carmilla est un vampire.
Mais attention, je ne suis pas de ceux qui conseillent des livres clichés ! Je me suis endormi sur Dracula, mais pas sur Carmilla, parce que Carmilla, petite dévoreuse de mortels fragiles, maladive et continuellement lasse a une particularité qui met du sel à un roman du XIXème : elle préfère les jouvencelles au jouvenceaux !
Et là régalez vous ! Dans l’Irlande ultra catholique, apostolique et romaine de la très correcte période victorienne, un dublinois visiblement déséquilibré nous compte les aventures d’une vampirette qui courre les jupons ! Dans les manuscrits d’origine Carmilla était un petit garçon qui peu à peu devenait homme en se nourrissant de l’amour et du sang de la narratrice. Puis Sheridan le Fanu a changé le sexe de son vampire. Il n’a pas jugé utile de justifier son choix ce qui laisse la voix libre a toute les interprétations. C’est peut-être par exemple pour compliquer l’intrigue et accentuer l’horreur du personnage dans une société marquée par son incompréhension vis à vis de l’homosexualité. Carmilla est une jeune fille qui parvient à séduire une autre jeune fille. Entre elles se tisse un amour apparemment sincère et réciproque.
Et là je vous mets un petit extrait trié sur le volet : « Elle me déplaisait grandement dans ses humeurs mystérieuses. J’éprouvais une étrange exaltation, très agréable, certes, mais à laquelle se mêlait une vague sensation de crainte et de dégoût. Je ne pouvais penser clairement à Carmilla au cours de ces scènes ; néanmoins j’avais conscience d’une tendresse qui tournait à l’adoration en même temps que d’une certaine horreur. Je sais qu’il y a là un véritable paradoxe, mais je suis incapable d’expliquer autrement ce que je ressentais. »
Ah qu’il est déléctable de suivre de si près ces joutes entre demoiselles, de voir la victime peu à peu mourir d’un amour contre-nature ! Carmilla avant d’être une nouvelle est une atmosphère, la Transylvanie, la brume, les confidences dans le manoir sombre et la séduction destructrice. C’est aussi un remède aux déconvenues amoureuses : la victime n’a pas de nom, appelez-la comme bon vous semble !
Voilà donc une petite nouvelle fantastique toute à fait charmante dont s’est inspiré Amélie Nothomb pour Mercure. Un classique qu’il faut prendre comme ça par hasard, au détour d’une mélancolie passagère et que l’on repose rassasié, à moitié goguenard, avec quelques petits frissons bien agréables.
Carmilla de Joseph Sheridan le Fanu, le livre de poche, 2004
5 Comments
Charles
oh mon dieu ce que je peux haïr oscar wilde…le personnage est sympathique et son combat desespéré en tant qu’homosexuel est noble. But oh my gosh ce que ces bouquins sont long et/ou ennuyeux, et comme il ne s’y passe rien; mais c’est meme pas de la lassitude sympathique au coin du feu comme dans jane austen, c’est malsain et lancinant et ca s’accelere sur 5 pages et ca retombe comme un soufflet : bref c’est naze ! oui je critique oscar wilde ! ouvertement et en connaissance de cause !
grr
On ne critique pas Oscar Wilde !!!!!!!!!!!!!
Sali
mais non c’est très libéral à la péniche! super l’article (tout comme celui qui l’a écrit…)
Charles himself
aaaaah les scènes érotiques sont tellement glauques que je pense la péniche les aurait censurées…
Nathalie
Très chouette ton article, j’aime beacoup beaucoup. Par contre, t’abuses, t’aurais pu mettre du plus croustillant en extrait.. Là, avec tes promesses lubriques, je suis déçue déçue..Pfffffffff quoi ! Petit joueur.