Ondine

La troupe de théâtre de Sciences Po, Rhinocéros, se produisait samedi et dimanche dernier au Funambule. Le Funambule est de ce type de théâtre qui concentre l’atmosphère d’un quartier. Tout comme le théâtre de la Madeleine représente le très cossu 8ème arrondissement, le Funambule est une esquisse de l’ambiance intimiste de Montmartre, propice au théâtre amoureux. Car oui, Ondine est une pièce amoureuse, où passion, fatalité et absurde se mêlent aux mythes. Rhinocéros a choisi de relever le défi d’adapter, avec brio, la pièce de Jean Giraudoux.

Photo: Yann Schreiber
Photo: Yann Schreiber

 

Un conte tragique à la sauce moderne

Ondine, c’est l’histoire d’un coup de foudre, des transgressions sociales et surtout de la passion aveuglante. Ondine, la fille adoptive de deux pêcheurs (jouée par Léna Mardi) tombe amoureuse d’un chevalier errant, (joué par Marcel Farge). S’ensuivent mille et une péripéties tissées de jalousie, étiquette et rivalités. Si Giraudoux a réussi à faire de ce mythe germanique une catharsis absurde, Rhinocéros a réussi à faire de cette absurdité une représentation poignante.

Il me faut avant tout saluer la performance des acteurs qui ont réussi pendant plus de deux heures à prendre totalement le public à parti, nous conduisant au fil de la pièce vers un dénouement déchirant. Loin du cliché des personnages (une Ondine tellement candide qu’elle en devient niaise, un chevalier tellement sûr qu’il en devient brute), les acteurs ont réussi à apporter une touche personnelle : véritables éléments de légèreté.

La mise en scène (par Salomé Attias et Laëtitia Fabaron) minimaliste mais fondamentale permet une approche épurée du conte, où le jeu des acteurs sert seul de cadre. L’apport des éléments audiovisuels, s’ils ne sont pas toujours nécessaires permet une touche de modernité bienvenue dans un texte simili-moyenâgeux, tout comme l’intégration de passages musicaux (chantés par les acteurs s’il-vous-plaît) permet de dérider des passages

L’exemple même de la scène de procès, lourde par la sentence, est traitée d’un ton si dérisoire et décalé que la chute est plus rude. Sans toutefois la rende niaise, Rhinocéros a fait d’une pièce sombre une pièce légère.

Photo: Yann Schreiber
Photo: Yann Schreiber

Un défi technique et des imprévus

Interrogé, Marcel Farge, le rôle masculin principal, est revenu sur les difficultés rencontrées tout au long de la préparation.

Tout d’abord, la longueur du texte initial était un vrai dilemme : trop long pour être adapté en entier, il a fallu sélectionner les passages sans pour autant rompre le charme de la pièce. En résulte toutefois une pièce de plus de deux heures et un nombre considérable de dialogues et d’échanges à apprendre. Ajoutée à la difficulté de trouver des salles de répétition, la pause de près d’un mois et demi de vacances est un obstacle supplémentaire. On peut affirmer que monter cette pièce en quatre mois a été une véritable prouesse.

Ensuite, il y a eu le problème de la première représentation samedi soir : la pièce précédente qui traîne en longueur, un retard qui s’accumule avec l’installation du décor, une salle étouffante de chaleur, autant de contraintes qui ne sont cependant pas arrivées à bout de la troupe.

Photo: Yann Schreiber
Photo: Yann Schreiber

 

Le dimanche, je peux dire aisément que la pièce était bonne, voire très bonne. Les acteurs étaient rentrés dans leur rôle, ils étaient à ce point imprégnés de leurs personnages que l’impression de réel était palpable.

Si vous n’avez pas vu Ondine, si vous souhaitez revoir Ondine, courez la voir samedi soir au Théâtre de l’ENS (représentation gratuite). Ne vous faites pas dire « Quel dommage ! Comment je l’aurais aimé ! ».

 


Quelques avis de spectateurs

« J’ai beaucoup aimé leur manière de moderniser la pièce en y introduisant des éléments audio, visuels, filmiques… Je ne pense pas avoir trouvé ça anachronique dans le sens où l’histoire mythologique a un côté intemporel. En revanche c’est vrai que j’ai trouvé qu’il y avait un décalage entre le langage plutôt soutenu du texte et la mise en scène parfois un peu disco et kitsch, mais j’ai trouvé ça neuf et je n’ai pas trouvé que ça portait préjudice au texte. […] S’il faut trouver un défaut à la pièce, je dirais que la mise en scène a parfois essoufflé la pièce, j’aurais peut-être parfois aimé qu’il y ait plus de lenteur, plus de pureté épurée, moins de décors, mises en scènes et blagues, pour laisser raisonner les mots et sentir d’avantage l’aspect tragique. […] J’étais franchement épatée du talent et du travail de ces étudiants qui, en parallèle de Pipo et tout le formatage qui l’accompagne, ont pris le temps d’apprendre ce texte, se l’approprier, le rendre dynamique et ludique. C’est plein de créativité ! » Faye Spence

 

« J’ai vraiment adoré la pièce ! Les comédiens ne se sont pas laissés déstabiliser par le retard de la pièce précédente et du rush pour tout installer et leur performance était remarquable ! J’ai trouvé que les rôles étaient très bien distribués ! L’histoire m’a vite captivée et la mise en scène était également très réussie et moderne ! (Le théâtre n’était en revanche pas climatisé !) » Lucie-Anna Oddon

 

« C’est une pièce hyper ambitieuse, très longue, le texte n’est pas toujours compréhensible donc il faut un travail des comédiens hyper important. En plus la metteuse en scène voulait relever le défi de mettre Ondine en scène autrement, pas de manière niaise comme ça se faisait d’habitude apparemment.

Quand je suis sortie de la pièce j’ai trouvé que la performance des comédiens avait été assez impressionnante. Il y avait plein de bonnes idées de mise en scène qui maintenait le rythme (la musique). On ne s’ennuie pas trop, à part à la fin y a eu un ralentissement de rythme. Ça devenait très long, il était minuit passé et il faisait très chaud donc c’était un peu dur.

De beaux tableaux, de belles scènes, quand le chevalier prend ondine dans ses bras par exemple. T’as du décalage et de l’humour, mais ça n’enlève pas le côté dramatique et tragique

Mais du coup parfois le décalage est un peu trop wtf : genre les Daft Punk tombent un peu comme un cheveu sur la soupe. » Soline Bouchacourt

 

« Le récit d’Ondine nous émeut tant le jeu des acteurs est sincère, exalté par une mise en scène surprenante et décalée. La pièce est un délice de créativité dont seule la longueur de certaines scènes, qui peut fait perdre un peu l’attention, fait défaut. Bravo à tous les artistes ! » Raphaël Huchot