Les 5 points chauds du forum des municipales

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Photographie : Amal Ibraymi

« Un peu d’agitation est attendue dans l’après-midi » avait annoncé Frédéric Mion en ouverture du forum des municipales. Le directeur de SciencesPo ne croyait pas si bien dire : le rassemblement contre l’extrême droite ayant été perturbé par la venue de militants antifascistes, c’est une ambiance à mi-chemin entre American History X et Gangs of New York qui a gagné la péniche hier après-midi.

Une véritable démonstration en plein 7ème arrondissement qui n’a toutefois pas perturbé réellement le forum organisé hier par SciencesPoTV avec le Huffington Post : un évènement de grande envergure que tu regrettes bien entendu d’avoir loupé pour bosser ton exposé de science politique sur la violence en politique. Heureusement, LaPéniche a pris des notes pour une séance de rattrapage.

 

1 – SciencesPoTV et Benjamin Duhamel ont relevé le défi

SciencesPo TV est clairement le grand gagnant de ce forum des municipales. En organisant un événement dont la portée dépassait largement le 27 Rue St Guillaume et diffusé en direct sur Public Sénat (peut-être que ton grand père t’a vu à la télé, en bas de l’écran à  droite), l’association a fait preuve d’un réel professionnalisme. Pascal Perrineau, Christian Jacob, Jean-Christophe Cambadélis, NKM, Anne Hidalgo ou encore Arlette Chabot : le plateau proposé par la télé des élèves pour cet événement était d’un très haut standing.

Nicolas Davila, président de l’association s’est dit « très satisfait » du déroulement de l’évènement : « j’ai un peu couru de droite à gauche donc je dois dire que j’ai pas vu grand-chose mais pour nous, c’est clairement l’évènement de l’année ». Il faut dire que pour un président d’asso, après avoir prononcé un discours d’ouverture aux côtés de Frédéric Mion, « on peut mourir tranquille » comme dirait Thierry R.

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Photographie : Lina Skoglund

L’autre personne qui ne regrette pas sa soirée, c’est Benjamin Duhamel. Le présentateur tac-au-tac de l’interview Yahoo SciencesPoTV a interviewé avec brio chacun des candidats, n’hésitant pas à les bousculer à de multiples reprises, demandant à NKM si elle n’est pas trop démoralisée ou si Hidalgo avait conscience de ne devoir sa place qu’à Bertrand Delanoë. L’intervieweur vedette de SciencesPoTV n’a pas non plus hésité à pointer les contradictions ou les faiblesses des programmes des différents candidats.

Pour la journaliste du Figaro présente sur les lieux qui est allée le féliciter à l’issue du débat, Duhamel a relevé le défi avec brio. Pour autant, le sciencepiste assure ne pas vouloir se lancer dans le journalisme et souhaite entamer une carrière politique après un master Affaires Publiques. On en reparlera.

 

2 – Le logement au cœur des débats

Pour Danielle Simonnet, la tête de liste du Parti de Gauche, «  la lutte contre la spéculation immobilière et le montant des loyers sont la préoccupation n°1 des parisiens ». Au vu de la large place qu’a occupé la thématique du logement dans le forum, ce constat semblait être partagé par l’unanimité des candidats présents hier en Boutmy.

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Photographie : Amal Ibraymi

« Le logement, c’est la priorité que j’ai fixée » a ainsi assuré Anne Hidalgo. L’actuelle adjointe à la mairie de Paris a d’ailleurs défini des objectifs très ambitieux, en partie pour répondre aux exigences de ses alliés communistes dans le cadre des négociations avec Ian Brossat, le leader du PCF parisien : 60 000 nouveaux logements en six ans pour atteindre 30% de logements sociaux à horizon 2030. C’est beaucoup. Trop ?

Pour la direction du logement et de l’habitat  de la Mairie de Paris, le premier pallier de 25 % de logements sociaux à horizon 10 ans sera déjà très compliqué à atteindre : autant dire que celui des 30% est complètement utopique. Pis, seuls 30 000 logements ont déjà été identifiés et sont tous situés dans des arrondissements où le taux de 30% de logement sociaux est déjà largement dépassé : de quoi renforcer la ghettoïsation de certains quartiers…

Chez les autres candidats, les objectifs fixés en matière de logement ne sont guère plus tenables. Danielle Simonnet compte elle atteindre le seuil des 30% en seulement six ans et décider d’une baisse immédiate de 20% de l’ensemble des loyers, ce qui ne relève absolument pas des compétences du maire de Paris, comme l’a noté Benjamin Duhamel.

Nathalie Kosciusko-Morizet, elle, n’a clairement pas fait du logement social une priorité. Son objectif principal est de faire revenir les classes moyennes à Paris en facilitant notamment l’accès à la propriété et en s’assurant que chaque logement social crée corresponde à la création d’un logement intermédiaire. Mais pour nombre de spécialistes, construire autant de logements dans Paris est un vœu pieu : « les possibilités de construction en dur dans Paris sont très limitées » affirme Yankel Fijalkow, professeur en urbanisme, d’après qui ce n’est qu’en « raisonnant à l’échelle de Paris Métropole que l’on trouvera des terrains pour construire ».

 

3 – NKM y croit encore

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Photographie : Barnabé Tardieux

Pour NKM justement, présente en Boutmy pour la deuxième fois en moins de six mois, malgré les mauvais sondages qui s’accumulent, rien ne semblait être perdu hier après-midi. «Les parisiens ont un tempérament frondeur vis-à-vis du pouvoir en place et ils n’aiment pas que l’histoire soit préecrite » a-t-elle assuré, ajoutant qu’il y a « un grand sentiment de ras le bol vis-à-vis de ceux qui vivent sur une ville comme une rente ».

Dénoncer la main mise d’une oligarchie socialiste et son système de cooptation sur l’administration municipale depuis près de quinze ans, tel semble être le dernier argument recours de NKM. Cette dernière joue le tout pour le tout pour le mois de campagne à venir, étant bien mal embarquée dans la course à la mairie, en partie à cause des candidatures dissidentes de Charles Beigbeider, écarté par l’ex ministre de l’Ecologie.

NKM assume d’ailleurs totalement : « j’ai voulu impulser un renouvellement, même si ça ne plait pas à des gens qui étaient là et qui voulaient des places sur les listes : je n’ai pas voulu céder à leur chantage même si je comprends qu’ils soient déçus, c’est humain ».

Mais malgré son optimisme, la tâche s’annonce bien difficile. En se basant sur les résultats des dernières élections présidentielles, NKM n’obtiendrait que 38% des conseillers de Paris. Même en inversant complètement la tendance dans plusieurs « swing arrondissements », c’est-à-dire dans le 14ème, le 9ème et le 12ème, Hidalgo l’emporterait.

 

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Wallerand de St Just dans les coulisses du forum des municipales. Photographie : Lina Skoglund.

 

4 – Wallerand de St Just en terrain hostile

Le candidat du Front National, Wallerand de St Just n’arrivait pas en terrain conquis, échappant tant bien que mal aux échauffourées et au rassemblement contre l’extrême droite en péniche soutenu par l’UNEF, le PS Jean Zay ou Solidaires.

Il a néanmoins été mis en difficulté par Benjamin Duhamel au sujet d’Elie Hatem, tête de liste du Front National dans le 4ème arrondissement et anti-républicain assumé, n’hésitant pas à réclamer l’instauration d’ « un système qui garantisse la continuité de la gouvernance du pays, que ce soit les Orléans, les légitimistes ou quelqu’un qui vient à la Bonaparte restaurer une famille. ». Le tête de liste est d’ailleurs membre de l’Action Française, mouvement maurassien ouvertement royaliste et antisémite, ce qui, pour Wallerand de St Just n’est visiblement pas un motif suffisant pour l’écarter …

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Photographie : Barnabé Tardieux

Les questions des étudiants étaient également incisives : le candidat a notamment été interrogé sur son absentéisme record au conseil régional de Picardie, ce qu’il a âprement contesté. A tort puisque sur l’année civile 2011, Wallerand de St Just a été absent à quinze reprises, soit plus que l’ensemble des autres conseillers régionaux de Picardie.

 Sur le fond, le candidat frontiste, ancien membre du GUD et qui a occupé Saint Nicolas du Chardonnet avec les catholiques intégristes en 1977, a dénoncé à cœur joie « la pourriture du Parti Socialiste, un des mouvements les plus corrompus qui existe ». Avant d’ajouter évidemment un couplet sur la sécurité, déplorant que le « maire de Paris soit dans une situation inférieure à celui des autres villes : il faudrait que le maire de Paris puisse créer sa propre police municipale ».

 

5- Deux têtes d’affiche puis le néant ?

Les deux favorites des élections ont clairement monopolisé l’attention hier après-midi : lorsque le candidat d’Europe-Ecologie Les Verts Christophe Najdovksi est arrivé sur l’estrade, l’amphithéâtre s’est considérablement vidé. Il a fallu attendre la venue de NKM pour que les rangs de Boutmy se resserrent.

Une bipolarisation extrême, à l’image des échéances à venir ? Les trois concurrents aux deux dames fatales peinent en effet à trouver leur place. Pour autant, le rôle qu’ils joueront lors des prochaines élections pourrait être décisif.

Wallerand de St Just, qui a affirmé hier « vouloir dépasser les 10% dans le plus grand nombre d’arrondissements » aurait en effet les moyens de se maintenir au second tour dans plusieurs arrondissements, provoquant ainsi des triangulaires potentiellement désastreuses pour NKM. Dans le 14ème et le 15ème, les sondages indiquent que les listes FN pourraient se maintenir et ainsi ruiner toute chance de victoire pour la droite dans deux arrondissements indispensables à la reconquête de l’hôtel de Ville.

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Christophe Najdovski, tête de liste d’EELV Photographie : Barnabé Tardieux

A gauche, Anne Hidalgo devra également tenir compte du score réalisé par les listes du Parti de Gauche, en particulier dans le 20ème arrondissement où Danielle Simonnet pourrait dépasser les 20% des voix : Jean-Luc Mélenchon avait réuni 17% des suffrages exprimés dans l’arrondissement lors des dernières présidentielles.

Chez Europe-Ecologie Les Verts, l’objectif sera de dépasser les 5% des suffrages exprimés pour pouvoir fusionner avec les listes socialistes au second tour et obtenir ainsi le maximum de conseillers de Paris. Dans le 2ème arrondissement, l’écologiste Jacques Boutault tentera de conserver la seule mairie d’arrondissement tenue ni par l’UMP ni par le PS. La vraie mairie, elle, sera  jouera bel et bien entre deux femmes uniquement : verdict dans un peu plus d’un mois.