Le résumé politique de l’été – Partie 1, la France
Avec deux mois (voire trois ou quatre…) de vacances, de farniente, de voyages, de grasses-matinées, de cocktails et d’apéros à tout-va, l’actualité politique de l’été est peut-être passée au-dessus de vos priorités. Mais pas de panique ! Pour être au taquet dans vos cours et débats sciencepistes, La Péniche vous a concocté un résumé en deux temps pour briller. Aujourd’hui, premier épisode : le résumé estival de la politique française en moins de huit minutes, montre en main.
De Rugy battu par les homards
L’année dernière c’était Benalla. Cette année De Rugy. Certes, l’affaire n’a pas duré tout l’été, mais elle est venue donner un nouveau coup de massue à un gouvernement déjà fragile, à peine sorti de la crise des Gilets Jaunes qui a animé la France pendant plusieurs mois. Tout commence le 10 juillet, au matin, lorsque Mediapart révèle que le désormais ex-Ministre de la Transition écologique et solidaire a reçu des proches une dizaine de fois lors de dîners payés aux frais de l’Etat entre 2017 et 2018, alors qu’il était Président de l’Assemblée Nationale. Sur la table : des homards, du champagne ou encore des vins de la cave du Palais Bourbon. Invité chez Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC deux jours plus tard, François de Rugy se défend sur le menu et affirme : « Je ne suis ni connaisseur ni amateur de grands crus. Je n’ai jamais acheté une bouteille de vin de plus de 30 euros de toute ma vie ! […] Le homard, je n’aime pas ça, j’ai une intolérance aux crustacés et aux fruits de mer ! Je n’aime pas les huîtres, je déteste le caviar. Le champagne, ça me donne mal à la tête donc je n’en prends pas ! ». Ces déclarations n’ont eu de cesse d’indigner l’opinion publique, surtout quand l’épouse de l’ancien Ministre d’Etat justifie ces dîners par la nécessité de « ne pas se couper de la société ». D’autre part, dans l’article du site d’investigation, l’ex numéro deux du gouvernement remet en cause la nature des convives. D’après lui, il s’agissait de « dîners informels liés à l’exercice de ses fonctions avec des personnalités issues de la société civile » et non des proches. C’est aussi ce qu’a conclu l’enquête parlementaire dont le rapport a été rendu public le 23 juillet dernier. Le journaliste Jean-Michel Aphatie a d’ailleurs reconnu avoir été reçu par le couple de Rugy.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là, au contraire elle ne fait que commencer. Le lendemain matin, Mediapart dévoile le prix des travaux engagés à la demande de François de Rugy dans son appartement de fonction entre fin 2018 et début 2019 : 63 082 euros pour refaire de la peinture, des moquettes et parquets, les salles de bain, et construire un dressing d’une valeur de 16 996 euros. Alors que Nicolas Hulot, ancien locataire du logement, assure que « l’appartement était nickel et surdimensionné, mais triste », de Rugy soutient que les peintures « craquelées » et les « taches et traces d’humidité » nécessitait des travaux.
Le soir, Mediapart publie un nouvel article et l’affaire de Rugy semble prendre la tournure d’une série. Cette fois, il s’agit d’un « logement à vocation sociale » que le Ministre loue depuis juillet 2016 à Orvault en Loire-Atlantique (où il a été réélu député en 2017) pour vivre avec ses deux enfants les week-ends où il en a la garde, sans respecter certaines conditions, notamment celle du revenu permettant d’y avoir accès. D’autant plus surprenant que la veille, il exigeait la démission de sa directrice de cabinet Nicole Klein après que Mediapart ait révélé qu’elle occupait un logement social à Paris depuis 2001, alors que de 2006 à 2018, elle ne vivait plus dans la capitale. A nouveau, le Ministre d’Etat s’est vu contraint de se justifier, arguant qu’il ignorait qu’il s’agissait d’un logement social, échanges d’e-mails et documents à l’appui : « Lorsque j’ai loué cet appartement, on ne m’a JAMAIS communiqué une telle information ».
Dans la foulée, Ouest-France révèle l’existence de « dîners secrets » non inscrits à l’agenda avec des lobbyistes, et Le Parisien rappelle que le Ministre a effectué des achats défrayés par l’Assemblée lorsqu’il y était Président : des appareils à raclette (200,57 euros), un vélo elliptique (768,99 euros), un troisième chauffeur pour le conduire à Nantes. De même, le quotidien ajoute que le couple de Rugy a acquis un sèche-cheveux doré à la feuille d’or de 499 euros « sur l’argent de l’Assemblée nationale ». Malgré de nouvelles justifications à ce sujet, un nouvel article est venu achever le Ministre de la Transition écologique et solidaire.
Le 12 juillet, Mediapart annonce en effet que de Rugy n’a pas payé d’impôts sur le revenu en 2015. Pour cause, pendant toute l’année 2014, il a versé 1 200 euros par mois à Europe-Ecologie-Les Verts (EE-LV), comme tous les autres députés du parti. Ces dons ont été retenus à hauteur de 8 477 euros par EE-LV, lui permettant une réduction d’impôt de 4 061 euros. Avec les crédits d’impôts liés à la garde d’un enfant, le total atteint un chiffre supérieur à la somme imposable des députés (5 713 euros à l’époque). Alors que de Rugy semble passer outre cet article lors du week-end, des questions de Mediapart sur son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) qu’il aurait en partie reversé à EE-LV (la pratique n’était pas illégale en 2014, elle l’est devenue en 2015), le poussent à démissionner lundi 16 juillet. Très vite, Elisabeth Borne, Ministre chargée des Transports, est nommée pour reprendre le poste. François de Rugy est quant à lui redevenu un député lambda.
Plus que jamais, et au terme d’un mouvement de Gilets Jaunes particulièrement intense, le besoin de transparence et d’exemplarité dans la vie publique s’est fait ressentir. Cette exigence a été d’autant plus forte que François de Rugy, lorsqu’il est arrivé au poste de Président de l’Assemblée, s’est montré intransigeant sur l’image renvoyée des députés aux Français. Après la démission de Nicolas Hulot à la fin août 2018 et celle de de Rugy onze mois plus tard, l’affaire interroge également sur la capacité du gouvernement à mener des mesures en terme d’environnement.
Greta Thunberg fait polémique à l’Assemblée
D’ailleurs, c’est aussi l’environnement qui a été au cœur de cet été 2019. A plusieurs reprises, la question du réchauffement climatique s’est posée. Avec les deux épisodes de canicule, dont le premier à contraint le Ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse à repousser les épreuves du Brevet des Collèges, mais aussi avec la venue de Greta Thunberg en France pour faire passer son message auprès du public et de la classe politique.
Initiatrice des grèves scolaires pour le climat, la jeune suédoise s’est vue remettre le Prix Liberté à Caen le 21 juillet en compagnie de deux vétérans ayant pris part au Débarquement de Normandie, Léon Gautier et Charles Norman Shay, ainsi que du président de la région, Hervé Morin. Lors de son discours, la militante a ainsi déclaré : « Le minimum que nous puissions faire pour les honorer est d’arrêter de détruire cette planète pour laquelle Charles, Léon et leurs amis se sont battus pour nous sauver ». Mais alors que beaucoup se félicitent de l’engagement de la jeune activiste, la droite et l’extrême droite se sont montrés très réticents à sa venue à l’Assemblée Nationale quelques jours plus tard.
Sur son compte Twitter, Guillaume Larrivé, député et candidat à la présidence des Républicains (LR), a appelé au boycott du discours de Greta Thunberg à l’Assemblée, de même que son collègue Julien Aubert, et a écrit : « Pour lutter intelligemment contre le réchauffement climatique, nous n’avons pas besoin de gourous apocalyptiques mais de progrès scientifique et de courage politique ». Au-delà de ses discours attisant la peur, c’est la légitimité de la Suédoise à venir dans l’hémicycle qui a été remise en question. « Ce terrorisme intellectuel […] est bien symbolisé par la petite Greta, cette gamine de 16 ans devant laquelle il faut plier le genou […] et qui vient faire la leçon aux politiques. […] Ce n’est qu’une enfant de 16 ans qui ferait bien d’étudier », s’énerve Sébastien Chenu, député du Rassemblement national (RN) au micro de France Inter. Son autisme a lui aussi été pointé du doigt. Face à ces critiques qui ne sont pas nouvelles, Greta Thunberg avait déjà réagi en février dernier sur Facebook : « Si tout le monde écoutait les scientifiques et entendait les faits que j’évoque constamment, personne n’aurait à m’écouter ou à écouter les centaines de milliers d’autres écoliers en grève pour le climat dans le monde. On pourrait tous retourner à l’école ». A l’inverse, les députés de gauche n’ont pas émis d’avis défavorables à la venue de la militante suédoise. Ces attaques seraient-elles alors une stratégie de la droite pour réaffirmer un clivage gauche/droite ? C’est en tout cas ce que pense Daniel Boy, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) : « Cette dualité reste pertinente aujourd’hui pour comprendre la perception des enjeux environnementaux sur l’échiquier politique. La droite ne nie pas le réchauffement climatique, mais elle y a toujours été moins sensible que la gauche ». Sauf que certaines personnalités identifiées à gauche ont aussi taclé Greta Thunberg, à l’image d’Isabelle Attard, ancienne écolo et membre de Nouvelle Donne de 2013 à 2015. Dans une tribune publiée dans Reporterre en février 2019, elle écrit que la militante serait l’ambassadrice cachée de « We don’t have time », start-up cofondée par Ingmar Rentzhog, accusé de « greenwashing ».
Quoi qu’il en soit, Greta Thunberg a prononcé son discours à l’Assemblée Nationale le 23 juillet, a appelé les politiques à s’unir derrière les scientifiques et a été applaudie. Avant que les députés ne votent le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) l’après-midi même.
Des permanences LREM dégradées
Et il faut dire que ce vote ne plait pas à tout le monde. Le nombre de dégradations de permanences des députés de la République en Marche (LREM) ayant accordé un bulletin favorable à l’accord en témoigne. Chaque matin, ce n’est plus une surprise d’apprendre que la permanence de tel ou tel député LREM a été taguée, emmurée, parfois presque incendiée. Le 7 août, on pouvait lire « CETA faute », « C’est une trahison » ou encore « CETA mère la pute » sur la devanture de la permanence de Sira Sylla, députée LREM de Seine-Maritime. Mais alors fqui e cache derrière ces actes ?
Pour la plupart, ce sont des agriculteurs, mécontents et inquiets de voir leurs produits concurrencés par une agriculture canadienne qui dispose de normes plus souples. Interrogé par France Bleu, le secrétaire adjoint de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles de Haute-Garonne-Garonne (FDSEA 31), déclare : « Aujourd’hui, cet accord est suicidaire pour nous les agriculteurs et fera baisser toutes les normes de qualité, au détriment de notre agriculture, qui sera toujours plus concurrencée ». Ce sont aussi des Gilets Jaunes, qui au-delà du CETA, visent les dirigeants politiques et leur façon de gouverner.
Alors que le nombre de dégradations des permanences ne cesse d’augmenter et que le projet de loi de ratification du CETA n’est pas encore passé au Sénat, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a appelé à l’apaisement sur BFMTV, dès la fin du mois de juillet. Affaire à suivre.
Lucie Dupressoir