La vie devant soi… Rencontre avec les comédiens

LA_20VIE_20DEVANT_20SOI_20_1_.jpgNoël est fini mais vous en redemandez encore ! Du bon sentiment qui dégouline, de l’amour fraternel et de bonnes vieilles leçons de tolérance. Pour vous fournir tout ça sur un plateau, je me suis dévouée pour aller rencontrer les comédiens de la pièce adaptée du roman de Romain Gary La vie devant soi, récompensé aux Molières 2008 pour la Meilleure pièce de théâtre privé, la Meilleure adaptation (Xavier Jaillard) et la Meilleure comédienne (Myriam Boyer). L’histoire de Mohammed (Momo pour les intimes et les autres), fils d’une prostituée et élevé « dans la religion musulmane » par Madame Rosa, une vieille femme juive, nostalgique de ses heures de gloire sur les trottoirs et traumatisée par la rafle de l’Occupation.

Au sous-sol du Théâtre de l’œuvre me rejoint d’abord Xavier Jaillard, sourire paternel et rassurant, regard rieur, auteur de l’adaptation du roman à la scène et interprète du docteur Katz. Arrive ensuite Aymen Saïdi, le fameux Momo, qui, à seulement 21 ans compte déjà plusieurs films à son actif ainsi qu’une nomination aux César en 2006 dans la catégorie Meilleur Espoir masculin pour son rôle dans Saint Jacques …la Mecque. Enfin, se joint à nous Magid Bouali, le père de Momo sur scène, bel homme d’une quarantaine d’années avec une certaine expérience du cinéma derrière lui.

Subtilités d’adaptation

Adapter un roman au cinéma ou au théâtre revient toujours à l’interpréter. Comme l’explique Xavier Jaillard, le travail d’adaptation a nécessité quelques changements afin de rendre la pièce plus crédible et touchante. Le docteur, qui n’apparaît qu’épisodiquement dans le roman est bien plus présent dans la pièce. Il s’agit ici de souligner l’importance du rôle du docteur, le père que Momo n’a jamais eu, un homme calme et serein qui apaise les angoisses de Madame Rosa et comprend Momo mieux que personne. De même, si Momo a treize ans dans le roman, on lui en a donné 15 dans la pièce. Volonté de souligner l’intemporalité du texte en réussissant à l’ancrer tout aussi bien dans les années 70 et qu’en 2008. Car en 2008, un garçon de 15 ans est un garçon qui pourrait quitter le foyer, abandonner Madame Rosa. Xavier Jaillard a choisi de souligner ainsi l’attachement de Momo à Madame Rosa.

« C’est un enfant qui a une mère, qui l’a enracinée au fond de lui et qui n’en savait rien. »

Malgré la qualité de l’interprétation d’Aymen Saïdi, le Momo de 13 ans, malicieux et rusé du roman cède parfois la place sur scène à un adolescent de 15 ans un peu empoté. Interprétation tout aussi émouvante mais qui peut surprendre le spectateur ayant aussi lu le roman.

Construire son personnage…

Pour préparer son personnage, Aymen Saïdi n’a pas lu l’ouvrage de Romain Gary qu’il ne compte d’ailleurs commencer qu’après la tournée. Il a cependant beaucoup observé les enfants entre 13 et 15 ans dont il a repris certains gestes et certaines réactions.

« J’y ai été sans réfléchir en fonçant tête baissée. J’ai appris le texte puis ai laissé ma spontanéité s’exprimer comme j’ai l’habitude de le faire. »

Aymen, pour qui La vie devant soi est une première expérience théâtrale, exprime aussi sa joie d’avoir découvert le théâtre, la possibilité de mieux cerner son personnage dont l’appréhension avec le cinéma est parfois rendue difficile par le manque de temps. Sur scène, le jeu évolue au fil des représentations. Xavier Jaillard approuve :

« Nous essayons de donner de l’épaisseur à nos personnages. Ce serait terrible de jouer par habitude, on s’ennuierait sur scène. Au contraire, nous revivons chaque soir, épluchant le personnage de fois en fois. Tout cela est une évolution très lente. Les recherches ne se font pas d’un soir sur l’autre. Plus ça va, plus on va vers le vécu, plus on s’éloigne de l’interprétation. Le travail se fait malgré nous de l’intérieur.»

Et Magid Bouali de résumer : « Nous aspirons à une sobriété plus riche. »

Une aventure humaine

la_vie_devant_soi_theatre_diaporama_portrait.jpgL’ambiance de cette interview est des plus agréables. Les acteurs sont souriants, détendus, allant jusqu’à me poser des questions sur mon orientation (dont je vous épargne ici les détails). Les liens très forts qui unissent les comédiens sont tangibles, un petit coup de jeune au lancinant leitmotiv de « la grande famille du théâtre ». Une proximité évidemment nécessaire pour un texte d’une éternelle actualité où se retrouvent condensés les problèmes les plus aigus de notre société : les sans-papiers, la pauvreté, l’euthanasie… mais à laquelle une mise en scène riche et bien maîtrisée a su ajouter une forte dimension poétique.

…Je sors du théâtre en même temps qu’Aymen Saïdi. C’est avec un garçon simple et timide, attachant pour tout dire que je remonte la rue de Clichy dans la nuit.

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