La Guerre est déclarée

La Guerre est Déclarée
On ne comprend pas très bien le titre, mais on fait semblant et ce n’est pas vraiment grave. Au fond, et sous ses airs arty, entre le film d’auteur un peu foireux et l’énième parodie de Christophe Honoré, ce film a en réalité beaucoup à donner.

On peut pourtant déplorer certains aspects, comme la performance de Jeremie Elkaïm, qui a parfois tendance à verser dans le guillaumecanisme larmoyant et apitoyant, en s’arrangeant toutefois pour ne jamais jouer à côté de ses pompes, ce qui n’a l’air de rien mais n’est toutefois pas si courant dans le monde du blockbuster germanopratin.

Le film a des prétentions. On ne fait pas un film sur l’amour et la douleur, la famille, et la joie, et on n’appelle pas ses amoureux Roméo et Juliette si on n’a pas un peu d’ambition au box office. On peut donc le juger ainsi ; et à ce titre, le film tient la majeure partie de ses promesses, à commencer par celle du film autobiographique, c’est à dire faire un film sur son nombril en parvenant à ne pas trop se le regarder, et en intéressant un peu son monde. Le parti pris de la narration en voix-off (gagnant dans environ un film sur deux) est cette fois réussi. Simple et subtil, pas tout le temps nécessaire mais globalement bien fait, c’est à dire bien rythmé, sans prétentions ni grandiloquence, le discours donne au film un ton chaud et familier sans pour autant tomber dans le néo-père castor.

La grande performance du film réside toutefois dans son rythme. Jamais lente, Valérie Donzelli sait prendre son temps quand c’est important, sait s’arrêter quand il faut, mais parvient aussi à nous faire rire quand on voudrait pleurer. Elle nous lie peu à peu à une bande hétéroclite de lurons qu’on s’était pourtant préparés à conspuer, tant elle paraît incarner l’éloge énervant d’une pseudo diversité parisienne, avant-gardiste et klapischiste. Du couple lesbien à la grosse amie noire, en passant évidemment par les grands parents tradi un peu pommés et le bon pote au prénom exotique mais pas trop, on frise le politiquement correct, et le politiquement correct, on n’aime pas ça. L’excuse assez solide de l’autobiographie balaye toutefois les doutes qu’on aurait pu avoir quant à la bien-pensance prosélyte de la réalisatrice. On accepte finalement si bien tout ça, qu’on finit simplement par se dire qu’on est tous des bobos, et qu’on aime ça. Qui plus est, tout ce monde là déambule à travers le cadre, la clope au bec pendant une heure quarante sur une bande originale qui porte bien son nom, particulièrement propre et audacieuse. On notera également, même si ça n’a l’air de rien, que le film comporte très peu de fioritures. Pas de plans inutiles, de gags vides, de crises annexes, de références maladroites. C’est un film qui a cerné son sujet, qui en parle tout le long et qui en parle bien. Le tout s’enchaîne avec simplicité et fluidité, et ça, c’est rare et appréciable.

Candide, audacieux, jamais misérabiliste, ce film est porté par un vrai souffle original, qui nous fait parfois frissonner comme la première fois qu’on a vu Casablanca. Une vraie réussite pour cette petite équipe qui n’oublie pas d’où elle vient et nous montre enfin qu’on peut faire du cinéma en France, même sans Kad Merad, en évitant de verser dans le néo-conceptualisme nombriliste et subventionné. Chapeau bas donc, aussi bas que le mérite l’audace quand elle remplit son contrat. On n’en sort pas nécessairement grandi, mais plus serein.

One Comment

  • cclol

    Pour ma part, une très bonne surprise.

    Peut-être juste une minuscule réserve quant au jeu de Roméo (deux trois scènes m’ont laissé sceptique) et la fin très décevante et téléphonée. S’ils s’étaient arrêtés à la scène de manège et de la voix-off, le film aurait été proche du sublime.