La délivrance pour Sciences Po après la libération tant espérée de Fariba Adelkhah

“Soulagement et bonheur:” tels ont été les mots de Sciences Po pour annoncer la libération de la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah ce vendredi 10 février. Depuis juin 2019, la directrice de recherche au Centre de recherches internationales (CERI) était détenue par les autorités iraniennes pour des faits de trahison. 

Plus de 1300 jours de détention…

C’est en fin de soirée ce vendredi que la nouvelle est tombée, rapidement relayée sur le compte Twitter de Sciences Po et par le compte militant pour sa libération. Le ministère des Affaires étrangères a confirmé dans un communiqué la libération de Mme Fariba Adelkhah. Directrice de recherche à Sciences Po depuis 2004, elle est spécialiste de l’anthropologie sociale et de l’anthropologie politique de l’Iran postrévolutionnaire. Ses travaux portent notamment sur les femmes et la Révolution islamique. Au moment de son arrestation en 2019, elle étudiait la circulation des clercs chiites entre l’Afghanistan, l’Iran et l’Irak.

Le 5 juin 2019, Fariba Adelkhah est arrêtée avec son collègue au CERI et conjoint Roland Marchal. En protestation, elle entame une grève de la faim de décembre 2019 à février 2020. Contrairement à Roland Marchal, libéré le 20 mars 2020, Fariba Adelkhah est condamnée en mai 2020. Les autorités iraniennes ne reconnaissant pas sa double nationalité, elle est jugée selon la loi islamique et condamnée à 5 ans de prison pour “atteinte à la sécurité nationale” et “propagande contre le régime.” Elle retrouve une forme de liberté conditionnelle pendant 15 mois jusqu’en décembre 2021 puis est de nouveau incarcérée à la prison d’Evin, à Téhéran, en janvier 2022. 

Pour l’instant, les conditions de la libération de Fariba Adelkhah restent floues. Dans son communiqué, le ministère des affaires étrangères a insisté sur la nécessité pour la chercheuse de retrouver l’ensemble de ses libertés, notamment celle de retourner en France. 

Selon la chaîne de télévision Al Jazeera, sept autres détenus occidentaux auraient été libérés. Cette décision du gouvernement iranien intervient à l’approche du 44e anniversaire de la Révolution de 1979. Le pouvoir iranien a accordé une amnistie partielle aux prisonniers arrêtés depuis le début des manifestations contre le régime en septembre 2022. En échange, ils doivent cesser toutes activités anti gouvernementales. Dès le début des contestations populaires suite à la mort de Mahsa Amini, la France a soutenu le peuple iranien, ce qui a exacerbé les tensions avec l’Iran. Du côté des familles des prisonniers, l’inquiétude était grandissante. 

… Mais aussi 1300 jours de soutien et d’action 

Dès les premiers jours suivant son arrestation en 2019, Sciences Po n’a cessé de s’engager et de militer pour sa libération et celle de Roland Marchal. Les chercheurs ont notamment pu avoir recours à un avocat iranien reconnu par les autorités iraniennes. Des rencontres, rassemblements, colloques, séminaires ont aussi été organisés. Un comité de soutien a été créé au sein de Sciences Po en lien avec le fonds d’analyse des sociétés politiques (FASOPO). Les rassemblements tout comme les banderoles avec le slogan “FreeFariba” accrochées dans plusieurs bâtiments de la capitale ont permis de rappeler sa situation et de lui assurer un soutien continu. 

Son histoire a notamment permis de sensibiliser au sujet des libertés académiques. En septembre dernier, Sciences Po organisait la semaine des libertés académiques, dans le but de mettre en lumière les difficultés et les dangers rencontrés par les chercheurs à travers le monde. Intimidations, contraintes dans l’exercice de leurs fonctions et même menaces de mort, la situation des universitaires en fonction dans les régimes autoritaires  est particulièrement préoccupante. Certaines tables rondes ont été des moments privilégiés pour les chercheurs concernés pour faire part de leur histoire et trouver des solutions afin d’assurer leur sécurité. Gustavo Gomes da Costa Santos, professeur assistant de sociologie à l’université fédérale du Pernambouc, avait notamment témoigné des propos dégradants et homophobes reçus du gouvernement brésilien, tout comme l’historienne chinoise Peidong Sun, contrainte de quitter la Chine pour poursuivre ses recherches. 

“Liberté, toujours plus de liberté, c’est le cri du siècle,” affirmait Emile Boutmy.

La liberté dans sa globalité mais plus encore la liberté académique est l’une des colonnes vertébrales du projet pédagogique de Sciences Po. C’est pourquoi l’institution aura mis un point d’honneur à défendre celle de Fariba Adelkhah et Roland Marchal tout au long de leur incarcération.