Interview : Julia Starnbacher et Philippe Perchoc, pour le Master Recherche

On continue sur la lancée de nos interviews d’étudiants en Master. Cette fois, deux étudiants, Julia et Philippe, viennent vous parler d’un Master un peu à part : le Master Recherche. Curieux, curieuses, venez découvrir ce Master souvent trop méconnu des étudiants en premier cycle à Sciences-Po. Vous préférez les études approfondies à une entrée précoce dans le milieu professionnel, vous souhaitez devenir enseignant, chercheur, lobbyiste, expert à la Commission européenne, agent secret ? Ce Master est fait pour vous !

Présentation rapide du Master :
Ce Master est en fait divisé en six mentions différentes :

  1. Gouvernance économique
  2. Histoire et théorie du politique
  3. Politique comparée
  4. Politique et société en Europe (elle-même divisée en sous sections : Europe, Politique publique, sociologie)
  5. Relations Internationales (économiques, historiques, en sciences politiques)
  6. Sociologie de l’action
  • Débouchés

La plupart des étudiants rentrés en Master Recherche ne continuent pas en thèse, et entrent directement dans le monde professionnel : certains deviendront enseignants en université, d’autres chercheurs dans des instituts de recherche ou dans un ministère….


Julia, 2e année du Master de Recherche en politique et société en Europe, spécialité politique publique :

  • LaPéniche.net : Comment s’organisent vos cours et la recherche durant ces deux semestres ?

Julia : Le premier semestre est dédié à la préparation du mémoire de recherche. Ainsi, les étudiants suivent des cours de méthodologie, et d’autres cours plus spécifiques selon la mention que l’on a choisie. Par exemple j’ai suivi des cours dans le domaine de politique publique. Durant ce semestre, il s’agit de préciser un thème et un titre pour notre mémoire, qui doivent être en général définitifs pour décembre.

Le deuxième semestre est entièrement consacré à la réalisation du mémoire de recherche. Les étudiants ne continuent de suivre qu’un ou deux cours différents. Pour moi, il s’agissait d’un atelier de recherche et d’un cours de politique comparée. L’atelier de recherche nous aide à réaliser notre mémoire et à le présenter.
Selon la mention, nous avons chacun un tuteur qui nous guide pour nous aider à développer ce travail de recherche. Pour ma part, je fais la recherche seule, mais ensuite je discute des points intéressants à conserver et à approfondir avec mon tuteur. Il approuve ou non les suggestions que je fais, il me dirige vers les points qu’il considère comme plus intéressants à aborder et développer. J’avais rendez-vous deux fois par mois avec lui.

Le mémoire doit être achevé fin août. Il doit faire maximum 120 pages.
Ensuite, nous devons faire une soutenance de notre mémoire un jury.

  • LaPéniche.net : Durant le premier semestre, avez-vous des devoirs à rendre, des examens ?

Julia : Oui, dans ma mention, nous avions des examens et des exposés de 20 à 25 minutes ainsi que des séances d’animation du cours d’une heure environ. Durant ce semestre, nous avons rendu des petits mémoires de 15-20 pages et travaux de groupe.

  • LaPéniche.net : Comment faire pour trouver une idée de mémoire originale, pertinente et convaincante ?

Julia : Au tout début, nous postulons pour l’une des six mentions, ce qui nous permet d’avoir déjà une petite idée. En ce qui me concerne, j’ai toujours aimé suivre des débats en rapport avec l’environnement et plus particulièrement les politiques liées à ce sujet là. De plus, je suis juriste, c’est pourquoi le droit et les politiques publiques me passionnent. Puis je voulais choisir un sujet centré sur l’Europe, et posant une question d’avenir, donc j’ai choisi le sujet de l’eau. Enfin, en automne, il y a eu une directive européenne sous les inondations. C’est de là que part mon sujet…

  • LaPéniche.net : Quels conseils donnerais-tu pour bien s’organiser et avancer intelligemment dans la réalisation du mémoire ?

Julia : N’ayant pas encore rédigé mon mémoire, je ne peux que donner des conseils que j’ai reçu d’étudiants plus expérimentés que moi : la rédaction finale du mémoire ne commence qu’en juin. Avant, il faut faire un plan, se poser des questions. Quelle approche théorique adopter ? Par exemple, se demander : « Vais-je opter pour une approche micro, locale, ou au contraire une approche macro, au niveau des institutions européennes ? » Ensuite, pour mon cas, je me suis posée des questions de fond : « Pourquoi il y a-t-il eu une directive ? Est-ce pour entamer une politique environnementale, une politique de catastrophe, pour prendre en compte les nouveaux états-membres ? » et ainsi de suite.
Enfin, pour le côté méthodologique, j’ai eu également des entretiens avec des experts .

  • LaPéniche.net : Selon toi, quels sont les débouchés ?

Julia : Conseiller dans un ministère, professeur en université, lobbyiste, expert, travailler pour l’Union Européenne…Parfois, une entreprise peut être intéressée par notre sujet et nous proposer un poste.

  • LaPéniche.net : Certains choisissent de poursuivre leurs études pour continuer en thèse, n’est-ce pas difficile quand on ne gagne pas encore sa vie ?

Julia : Pour ceux qui veulent continuer en thèse et ne pas entrer directement dans le monde professionnel, il faut postuler pour l’obtention d’une allocation ou d’une bourse privée. La thèse dure trois ans minimum. On peut commencer à enseigner dès la deuxième année de thèse. Beaucoup de doctorants donnent des cours de sociologie en premier cycle à Sciences-Po, par exemple.


Philippe Perchoc, en 1e année de thèse à l’Ecole doctorale de Sciences Po

  • LaPéniche.net : Bonjour Philippe, pourrais-tu nous résumer ton parcours scolaire jusqu’à aujourd’hui ?

Philippe : Bonjour ! En fait, je suis rentré directement en M2 recherche, sans être passé par Sciences Po, après avoir fait une maîtrise d’Histoire en Angleterre à King’s College London, puis un Master d’études européennes en Belgique, à Louvain.

  • LaPéniche.net : Il y a-t-il une sélection à l’entrée du Master recherche ?

Philippe : Pour entrer en M1 : Lorsqu’on est issu d’un premier cycle à Sciences-Po, oui, il y a une sélection sur dossier avec une lettre de candidature. Mais en réalité, très peu d’étudiants qui ont fait Sciences-Po entrent en Master Recherche. Disons au maximum 4 étudiants dans chaque spécialité. Pour les étudiants non issus de Sciences Po, il faut passer le concours de l’IEP.
Pour entrer directement en M2 : il s’agit d’une sélection sur dossier avec entretien. Le sujet du mémoire conditionne en quelque sorte ton entrée…Il s’agit aussi de vérifier la cohérence de ton parcours. Enfin, il faut avoir un projet professionnel.

  • LaPéniche.net : Pourquoi parle-t-on de double diplôme pour les étudiants du master recherche ?

Philippe : En effet, les étudiants en première année du Master recherche obtiendront un double diplôme : le diplôme de Sciences Po et le Master recherche de l’IEP de Paris. Le master de recherche s’obtient en 120 crédits ECTS, dont 30 obtenus avec le travail de recherche.

  • Lapéniche.net : Peux-tu nous expliquer les différents types de cours suivis par les étudiants du Master recherche ?

Philippe : Tout d’abord, il y a les cours du tronc commun, c’est à dire les cours suivis par l’ensemble des étudiants en Master. Les cours du tronc communs regroupent sciences sociales, enjeux politiques, enjeux européens et internationaux, économie. Plus d’info ici

Ensuite, il y a les cours du Master recherche :
– les cours obligatoires (communs à toutes les mentions). J’ai ainsi choisi « méthode quantitative « (logiciel de traitement de sondages) et « méthode qualitative » (entretiens scientifiques). Nous devons également choisir un séminaire.
– les cours à option.
– les rendez-vous avec le directeur de mémoire.

  • LaPéniche.net : Et toi, quels cours as-tu suivi ?

Philippe: J’ai choisi la même mention que Julia « Politique et société en Europe ».Au premier semestre du M2, j’avais un cours sur les institutions européennes avec Renault Dehousse, un cours sur les questions d’européanisation, un cours sur la transition comparée entre les Balkans et l’Europe centrale et orientale. Comme cours de méthodologie, j’ai choisi « discours et image ». Il s’agissait d’apprendre à décrypter les images de la campagne présidentielle et à analyser les discours des candidats.

Au second semestre, nous suivions un séminaire plus ou moins méthodologique. En réalité, chacun parlait de son sujet de mémoire, de ses difficultés.

  • Lapéniche.net : A propos, peux tu me parler de ton mémoire ?

Philippe : La différence fondamentale entre un mémoire de recherche et les travaux que l’on peut rendre habituellement à Sciences Po, c’est l’exigence d’apporter des données nouvelles. Pour ma part, j’avais choisi de traiter de la politique étrangère lettone après 1991. Je me posais cette question : Pourquoi les pays baltes sont-ils les seules anciennes Républiques soviétiques à être entrées dans l’UE et l’OTAN, et pourquoi ces dernières les ont-elles accepté ?

En mars, je suis parti en Lettonie pendant 10 jours. J’ai eu une quinzaine d’entretiens avec des diplomates, des députés, des ministres et professeurs d’université. Ensuite s’est posée la question de savoir si j’allais retranscrire ces entretiens intégralement ou pas.
Puis la construction d’un plan s’est imposée, et enfin…l’écriture ! En réalité, mon écriture a été interrompue par un second séjour balte beaucoup plus long mais qui m’a permis de recouper en partie mes données avec des données estoniennes et lituaniennes, mais aussi de participer à un projet de recherche plus global de l’IEP.

  • LaPéniche.net : Tu as choisi de faire une thèse après ton Master recherche…Pourquoi ?

Philippe : Pourquoi vouloir poursuivre en thèse ? C’est bien la question fondamentale posée par le jury qui ouvre ou non la porte de l’école doctorale. Car la thèse n’est pas une fin en soi. Elle est nécessaire mais pas suffisante pour se diriger vers le monde de l’enseignement supérieur d’une part, de l’autre elle ouvre de plus en plus la porte du monde de l’expertise et des think tanks aussi.

Pour ma part, j’ai choisi de faire une thèse avec l’idée de me diriger plutôt vers l’enseignement, mais ceci dit, je suis en première année : je ne soutiendrai pas avant trois ans !

  • LaPéniche.net : Faire une thèse nécessite de l’argent. Comment obtenir une allocation ?

Philippe : Tout d’abord, très peu d’étudiants issus du Master recherche sont admis en thèse. Les places sont réduites : aux alentours de 20%. Sur 14 étudiants dans ma section, seuls 3 sont en thèse à présent. Un seul a pu avoir une allocation. Pour ma part, je suis boursier du Centre Européen de Sciences-Po.

De mon point de vue, faire une thèse en 3 ou 4 ans, sans bourse, c’est quasiment impossible. Beaucoup travaillent en même temps et beaucoup abandonnent aussi : seuls 50% des inscrits soutiennent effectivement.

Pour les financements, c’est un jury qui attribue ceux reçus du Ministère de la recherche. Sciences Po finance aussi quelques bourses et quelques autres financements existent, comment celui du Centre Européen. Il faut présenter à ce jury assez nombreux (7 professeurs dans mon cas) son mémoire durant dix minutes ; s’ensuit une discussion de 30 minutes.

Le nombre des allocations est très faible, le moins qu’on puisse dire est que la compétition est féroce ! La question des financements reste aujourd’hui très sensible, il suffit de constater que les posts consacrés à la recherche à Sciences Po sur le blog de Richard Descoing sont les plus commentés.

  • LaPéniche.net : Que font tes collègues qui ont fini leur master aujourd’hui ?

Philippe : Certains ont vraiment réussi ! J’en connais un qui est à la direction européenne de Microsoft, un autre au collège d’Europe à Varsovie, d’autres dans différents think tanks comme la Fondapol , et aussi une autre qui a réussi le concours de la Commission européenne !

LaPéniche.net : Merci Julie et Philippe pour toutes ces précieuses informations !

2 Comments

  • Philippe

    Oui bien sur ! Je n’avais pas oublié D. !
    Le charme de l’interview, c’est les oublis d’une part, les coupures de l’autre !

  • Frederik Kostov

    Y en a même deux, Philippe, de ta promo du master Europe qui ont fini au Collège d’Europe: The Big Niew et miss "rire qu’on entend à dix kilomètres"