INALCO, Saint-Cyr, King’s College, les nouveaux double-diplômes de Sciences Po
Un article de Clara Marchaud et Ulysse Bellier
Le 19 septembre dernier, le Conseil de l’Institut a voté à l’unanimité la création de plusieurs double-masters lors de sa réunion mensuelle. INALCO, Saint-Cyr, King’s College : ces partenariats s’inscrivent dans une politique de développement des double-diplômes de l’institution parisienne, face aux succès de ceux préexistants. La Péniche s’est procuré le compte-rendu du Conseil.
INALCO, un double-diplôme pour former des spécialistes du Moyen-Orient
Sciences Po et l’INALCO, l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, s’associent pour mettre en place un double-diplôme en master. L’objectif est de “former des politistes spécialistes du Moyen-Orient au sens large, du Maroc jusqu’au Pakistan” a précisé en conseil Manuelle Franck, présidente de l’INALCO et membre permanente du Conseil de l’Institut.
À Sciences Po, les étudiants seront rattachés au master de Politique Comparée de l’École doctorale, en lien avec l’École des Affaires internationales, PSIA. Mais pour Laurence Louër, professeure au Centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI), “toute la philosophie de ce projet est d’offrir une formation personnalisée. Les étudiants piocheront dans un grand panel de cours et chaque année, en fonction de leurs besoins”, seul un séminaire de recherche à géométrie variable rassemblera les étudiants du double-diplôme.
“Le campus de Menton forme des étudiants en Collège, mais il n’existe pas de débouchés pour ceux qui voudraient continuer dans la recherche” a complété Laurence Louër. L’objectif est donc de préparer les étudiants à des thèses de recherche sur la région. Manuelle Franck ajoute : “Ce qui fera la particularité de ce master, c’est son extension et son ancrage disciplinaire fort dans les sciences sociales, particulièrement en sciences politiques et sociologie politique”, inexistant à l’INALCO.
Devant le Conseil de l’Institut, Frédéric Mion a souligné sa “joie de voir ce projet prendre aujourd’hui une tournure concrète”, après deux ans de négociations. Le directeur de Sciences Po, simple assistant à la séance, a affirmé la nécessité de formation dans ce domaine, car “l’aire moyen-orientale nous préoccupe tous aujourd’hui, et nous répondons à ce besoin avec une formation qui est, je le crois, très originale.” En cas de succès, il a laissé entrevoir de nouveaux partenariats tournés vers d’autres régions du monde.
Le double-diplôme concernera une dizaine d’étudiants par promotion, recrutés par un jury commun aux deux instituts. Les candidats devront justifier d’un niveau minimal dans la ou les langues étudiées. Si l’objectif premier est de former des chercheurs, la formation se pense également pour les secteurs de la défense, du privé, du journalisme et bien sûr pour le Quai d’Orsay.
Enfin, les deux écoles étaient déjà en partenariat pour l’enseignement des langues rares aux étudiants de la rue Saint-Guillaume, et même au-delà, puisque les étudiants du programme Europe-Afrique basés à Reims bénéficient d’un enseignement en swahili (en partie par correspondance) de l’INALCO.
Saint-Cyr, les militaires à Sciences Po
Sciences Po et Saint-Cyr, l’école militaire des officiers de l’Armée de terre, vont mettre en place un double-diplôme. Il permettra à dix étudiants, cinq de chaque école, de faire une année d’étude dans l’autre établissement, afin de décrocher les deux diplômes. Depuis 2002, un programme d’échange permet à quelques étudiants de faire un semestre d’échange, ouvert initialement au master International Security de PSIA et élargi en 2014 à l’École d’affaires publiques (EAP). Celui-ci sera maintenu en plus du double-diplôme.
Ce nouveau cursus pourra se faire, à Sciences Po, une fois intégrés les masters de l’EAP ou de PSIA. L’admission sur dossier est conditionnée à la réussite de tests physiques. La suite est précisée par Delphine Grouès, directrice exécutive des études : “ils iraient passer leur deuxième année de master à Saint-Cyr, sur deux semestres où ils peuvent choisir de rejoindre s’ils le souhaitent les rangs des officiers qui se rendent en Guyane. Les étudiants de Saint-Cyr, afin qu’ils s’adaptent au calendrier de ces écoles, rejoindraient Sciences Po pour une année de janvier à janvier, dans les effectifs de l’EAP ou de PSIA.”
Frédéric Mion s’est dit “réjoui” de ce double-diplôme, qui répond “à une demande croissante de formation sur les questions de défense”. Le directeur de l’enseignement de Saint-Cyr, Éric Gherardi, place la formation dans une aspect directement militaire. “Il y a véritablement la perspective d’une construction d’une culture, si ce n’est commune, au moins proche avec une parfaite connaissance de ce que font les uns et les autres. C’est très important dans la perspective de ce que sont actuellement les missions de l’armée de terre.”
A Saint-Cyr, sur le camp de Coëtquidan en Bretagne, les étudiants parisiens auront le choix parmi environ 150 cours différents, en français ou en anglais, avec notamment des cours de stratégie militaire. Vanessa Scherrer, directrice exécutive de PSIA, se félicite : “c’est très intéressant pour les étudiants puisque cela leur permet de trianguler et de gagner en puissance d’analyse et de compréhension sur leur sujet.”
École militaire oblige, ce double-diplôme sera réservé aux étudiants français, car ceux qui l’intégreront devront se placer sous un statut de militaire (réserviste ou volontaire aspirant). Contrairement à ceux de Saint-Cyr, les étudiants venant de Sciences Po ne pourront pas accéder directement, à la fin de la formation, au corps des officiers de l’Armée de terre.
King’s College, un partenariat à Londres malgré le Brexit
King’s College London a été le premier à proposer à l’institut parisien de “renforcer une coopération ancienne et intense afin de mettre en oeuvre une formation qui combinerait les approches françaises et britanniques dans le domaine des affaires internationales” a expliqué au Conseil Aurélien Krejbich, directeur du Centre Europe à la Direction des Affaires Internationales et des Échanges (DAIE).
Le partenariat, négocié “main dans la main” par la direction des affaires internationales et l’École des Affaires internationales, part d’un constat : King’s College est le partenaire le plus important de l’institut, avec 35 étudiants qui vont y effectuer leur troisième année. C’est le département War Studies qui a pris l’initiative de la coopération, même si au-délà de ce département “ce sont aussi d’autres unités pédagogiques qui sont impliquées dans ce projet de formation” a précisé M. Krejbich. Ainsi, sept masters de PSIA et près d’une trentaine de King’s College sont concernés.
La première année de ce double-master s’effectuera à Paris et la deuxième à Londres. À l’issue de cette formation, les étudiants obtiendront deux diplômes et la première rentrée est prévue en 2017. Il y aura un comité de sélection commun afin que “l’admission soit concomitante aux deux établissements”. Par ailleurs, les étudiants du programme pourront combiner le master de leur choix à King’s College avec leur cursus à PSIA. “Cette combinaison servira leur projet professionnel puisqu’elle sera au plus près de leurs intentions et du projet auquel ils se destinent” a affirmé Aurélien Krejbich.
Par ailleurs, “les élèves admis dans ce programme bénéficieront d’une priorité en termes de choix de cours dans le cadre de la première année effectuée à PSIA” a ajouté le directeur. L’école doctorale ne sera pas en reste dans ce partenariat puisque des séminaires doctoraux entre les deux institutions seront organisés.
Concernant les frais de scolarités, les étudiants du programme s’acquitteront des frais de Sciences Po la première année et de ceux de l’université partenaire l’année suivante, des bourses seront également misent en place. Par ailleurs, les alumni de Sciences Po, qui ont une association caritative à Londres aidant les étudiants à financer leurs cursus au Royaume-Uni “ont accueilli très favorablement ce projet de double diplôme”. “Ils souhaiteraient déployer un programme de bourse spécifique pour accompagner le lancement de cette formation” a rapporté Aurélien Krejbich.
Un point d’ombre soulevé par Vincent Martigny, maître de conférences à Sciences Po et producteur sur France Culture, demeure cependant. Qu’en sera-t-il des partenariats entre l’école de la rue Saint-Guillaume et les universités britanniques quelques mois après le divorce annoncé entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne ? Interrogation à laquelle a fermement répondu Frédéric Mion : “Dès le lendemain du vote sur le Brexit, beaucoup de nos partenaires universitaires nous ont écrit pour nous dire leur attachement à toutes les formes de coopération universitaire et à leur inscription dans un paysage européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont ils ne souhaitent pas se voir exclus du fait de cette décision”. Selon le directeur, “il est trop tôt pour dire de quelle manière […] les universités britanniques pourront absorber ce choc”. M. Mion a cependant précisé qu’il n’y aurait pas de changement au niveau des droits des étudiants à King’s College à la rentrée prochaine.
Le conseil de l’Institut est la principale instance de décision de Sciences Po. Toutes nos précisions dans un article précédent : http://lapeniche.net/reforme_sciencespo/