Entretien Fabien Roussel : « Pour lutter contre la pollution de l’air, il ne faut pas taper sur les classes populaires »
La Péniche a reçu le candidat communiste Fabien Roussel qui, pour la première fois, se présente à l’élection présidentielle, son Parti s’étant rallié au candidat Insoumis Jean-Luc Mélenchon lors des deux élections présidentielles précédentes.
La Péniche : Le rapport Oxfam, publié récemment, a mis en lumière l’enrichissement des plus favorisés pendant la crise sanitaire. Alors que la dette publique s’accroît et que le pouvoir d’achat des plus précaires réduit, comment comptez-vous assurer plus de justice et plus de rendement ?
Fabien Roussel : Justement, en faisant en sorte, d’une part, que les plus riches contribuent à une juste hauteur à l’effort du pays. Nous avons donc besoin d’augmenter le budget de l’État pour avoir plus de ressources et pouvoir investir dans les services publics. Aujourd’hui les plus riches ont bénéficié de toutes les largesses de ce gouvernement : baisse d’impôts, suppression de l’ISF… C’est plus de 100 milliards d’euros par an dont ils bénéficient. Il faut qu’ils puissent payer un juste impôt : c’est ce que j’appelle la justice fiscale. Allégeons les impôts des petits et augmentons les impôts des gros. Et puis nous devons produire autrement, peut-être que les entreprises feront moins de bénéfices mais produiront en respectant plus les hommes, les femmes et la planète — donc ça coûtera plus cher.
La Péniche : Vous avez une candidature de gauche particulière, notamment avec vos positions sur la gastronomie française et le nucléaire. Certains médias vous décrivent même comme « le candidat communiste préféré de la droite ». Qu’en pensez-vous ? Portez-vous des mesures qui dépassent les fractures idéologiques ou qui, au contraire, divisent davantage ?
Fabien Roussel : C’est peut-être parce que j’ai mis les pieds dans le plat justement, en défendant la « France de la feuille de paye », le droit au bon de la gastronomie et au beau de la culture, pour tous. Ça veut dire démocratiser, augmenter les salaires et les pensions pour que chacun ait droit au bon et au beau. Ça ne plaît pas forcément à certains à gauche qui sont plus dans une vision punitive de l’écologie, mais c’est le débat, chacun choisit. Moi j’assume pleinement que pour lutter contre la pollution de l’air, il ne faut pas taper sur les classes populaires, mais faire avec elles : il faut les accompagner, leur permettre d’accéder aux transports collectifs gratuits, leur permettre d’avoir une voiture propre et pas chère. Ça ne se fait pas en disant « il faut augmenter le prix de l’essence », « il faut interdire la voiture », « il ne faut plus manger de viande »…
La Péniche : Outre le mix énergétique, comment comptez-vous oeuvrer pour la transition écologique ?
Fabien Roussel : La transition écologique on le fera en travaillant sur plusieurs leviers, en produisant différemment et en faisant en sorte de respecter les êtres humains, la biodiversité et la planète. Des entreprises et des grands groupes, certainement, réaliseront moins de bénéfices, mais ce sera davantage bénéfique pour tous et pour la planète. Ensuite, mon objectif, c’est une France décarbonée en 2050. Il faut se fixer cet objectif-là et réussir à sortir des énergies fossiles, c’est-à-dire ne plus utiliser le charbon, le fioul et le gaz, à terme. Pour ça, il va donc falloir produire beaucoup plus d’électricité pour compenser ces sources d’énergie dont nous devons nous passer. Si nous devons produire plus d’électricité, je veux produire une électricité décarbonée et stable, qu’on peut avoir quand on a besoin. Pour ça, on a besoin d’investir dans l’énergie nucléaire et hydraulique, qui sont deux énergies décarbonées et pilotables : quand on appuie sur un bouton, on a l’électricité. L’éolien, le solaire, la géothermie — et l’éolien et le solaire plus exactement — sont des énergies qu’il faut développer, mais qui sont intermittentes. Quand il fait très froid et qu’il n’y a ni Soleil ni vent, on ne peut pas compter dessus. Heureusement, dans ces cas-là, on peut compter sur une énergie nucléaire ou hydraulique décarbonée pour pouvoir répondre à ces besoins. Bien sûr, investir dans la rénovation des logements, c’est essentiel : c’est 10 milliards d’euros, c’est un gros investissement. Investir dans des transports collectifs et des pistes cyclables, garantir à tous d’avoir accès à des transports collectifs gratuits… On milite pour ça depuis des années et des années mais il y a urgence, il y a le feu sur la planète, il faut faire ça.
La Péniche : Selon le sondage de l’institut Elable pour L’Express et BFM TV, vous atteignez désormais 4% des intentions de vote exprimées, et de ce fait dépassez Anne Hidalgo et Christiane Taubira. Face à la multitude des candidatures de gauche, pourquoi la vôtre se démarque-t-elle des autres ?
Fabien Roussel : Certainement parce que j’incarne cette gauche populaire, sincère et authentique, que les gens attendaient et qui fait enfin de nouveau briller les yeux. Parce que je défends le droit au bonheur et au plaisir, je dis que c’est possible. Nous avons besoin de réformes heureuses. J’en ai marre, moi, de ceux qui nous donnent des leçons de morale tous les jours. Ceux qui ont tout et qui disent à ceux qui n’ont rien comment il faut se déplacer, manger, etc. Moi je veux respecter les choix de chacun, autant ceux qui sont végétariens, végétaliens… Je respecte milles fois. Que ceux qui le veulent puissent le faire et qu’ils aient accès à des bons produits locaux. C’est ce que je défends : vivre ensemble, avoir droit au bonheur et le faire pour tous.
Crédit photo : ©Léa Diop & Manon de Cabarrus