Entretien avec Bastien Martins, le Tropeur de YouTube : “Toutes les histoires sont connectées et finissent par se rejoindre !”

Voilà depuis janvier 2016 que notre interviewé du jour explore, décortique et explique les tropes, ces dispositifs et conventions narratives que l’on retrouve dans absolument toutes les histoires ! Dans son filet de chasse, déjà plus de 200 vidéos, suivies par une communauté de presque 200.000 abonnés. A la fois auteur, comédien, monteur, vulgarisateur et même musicien, Bastien Martins est le maître total de ses vidéos, mêlant parfaitement humour, divertissement et pédagogie !

Quel a été le déclic de ta passion pour la narratologie, l’écriture et la fiction ? Est-ce lié à tes études ?

J’ai eu un parcours scientifique jusqu’au bac, en obtenant un Bac S. Puis, comme beaucoup, j’ai zigzagué au début de mes études : Beaux-Arts, fac de science, avant de finalement atterrir en  LEA (Langues étrangères appliquées). J’ai ensuite décroché un Master en traduction audiovisuelle, mais je faisais déjà des vidéos sur YouTube depuis plusieurs années. Donc en réalité, c’est ce que je faisais en parallèle de mes études qui a influencé ces dernières, et non l’inverse !

En fait, le déclic s’est produit lorsque je suis tombé par hasard sur un site : TV Tropes, un site communautaire qui répertorie des “tropes”, c’est-à-dire des procédés narratifs. C’est une vraie mine de connaissances sur la narratologie, et ce sur tous les médias ! Films, livres, comics, animés, jeux-vidéos etc. 

Mon obsession pour ce site m’a donné l’envie de partager mes nouvelles connaissances, et donc d’en parler sur YouTube.

Avec le site que tu mentionnes, TV Tropes, on devine facilement la racine de ton pseudonyme sur YouTube : le Tropeur. Cet intérêt pour cette figure de style du symbole et du détournement des sens, montre déjà une certaine conception de la fiction. Dirais-tu ainsi que la fiction se définit comme la présence systématique d’un sous-texte, et ce de manière volontaire ou involontaire ?

Il faut imaginer qu’il y a trois  textes. Tout d’abord, ce qu’il y a à la page, ou à l’écran pour le cinéma, ce qui est clairement en surface. Puis, le sous-texte, c’est-à-dire ce qui est sous-entendu par l’auteur. Et enfin, le contexte, nourri d’une époque, mais aussi de rencontres qui nous influencent sans nous en rendre compte. Je pense que même lorsque l’on n’essaye pas d’avoir un sous-texte, ce contexte va influer notre création. 

On peut clairement parler ici d’une forme d’inconscient. Les codes de nos sociétés, notamment notre langue, impactent notre vision du monde, et donc sa représentation que l’on retrouve dans la fiction. 

Nous pouvons prendre le cas des auteurs japonais, comme celui de L’Attaque des Titans, Hajime Isayama, que j’ai étudié dans l’une de mes dernières vidéos. 

En tant que japonais, il a grandi dans un contexte particulier, notamment éducatif, où l’on n’étudie pas dans les manuels scolaires les crimes commis par l’Empire du Japon durant l’ère Shōwa. Forcément, de par l’omission d’une partie cruciale de leur histoire, la vision qu’ont les citoyens japonais de leur État et du monde s’en trouve impactée. Le décalage est très visible d’une époque à l’autre. Par exemple, on n’observe pas du tout le même rapport à l’histoire pour Keiji Nakazawa, auteur de Gen d’Hiroshima, qui lui a connu la guerre et ses horreurs, et son adaptation environ dix années plus tard, où toutes les références au Japon impérial et à ses crimes ont été supprimées.

L’expression parfois involontaire de ce contexte dans une œuvre semble donc presque avoir un rôle cathartique à une échelle collective, pour toute la société, non ?

D’autant plus quand il s’agit d’une œuvre à l’immense succès commercial, comme l’Attaque des Titans justement. Les thèmes que l’on y retrouve résonnent forcément avec beaucoup de personnes, surtout des japonais (les mangas étant avant tout destinés en priorité à eux et non à nous, occidentaux !). Et dans l’œuvre on ressent justement cette lutte entre le nationalisme étatique et la distance non-idéologique que l’auteur tente de prendre par l’étude de l’histoire. 

Si l’on revient sur l’histoire de ta chaîne, on remarque que tes premiers grands succès en terme d’audience sont tes vidéos portant sur des univers très célèbres : Star Wars, Harry Potter, Retour vers le futur etc. Est-ce que ces œuvres sont de bonnes portes d’entrées à l’étude de la fiction, parce qu’elles sont connues de tous, ou est-ce qu’elles ont autant réussi justement parce qu’elles utilisent des archétypes universels auxquels tout le monde peut se référer ? 

Je dirais en effet que toutes ces grandes licences ont une forme de “racine commune”. On peut penser bien sûr à la célèbre théorie du monomythe de Campbell, qui peut être décriée pour de nombreuses raisons, mais qui donne malgré tout un cadre mythologique à la fiction, nous permettant de rapprocher des blockbusters à des œuvres antiques, car tous ces archétypes traditionnels de la fiction, comme la figure du héros ou de la quête, trouvent leur source dans ces récits pionniers. 

Ces grands univers de fiction résonnent ainsi en nous car ils reposent sur des concepts simples, à la fois parlant du point de vue historique mais aussi sur le plan individuel, puisque l’on a justement grandi avec ces histoires traditionnelles, de chevaliers, de pirates, de cowboys, ou de héros. 

Les œuvres très populaires font donc appel à un imaginaire très large, et parleront donc plus au public que des œuvres plus intimes et plus personnelles. En effet, elles  proposent non pas une expérience personnelle mais bien une expérience humaine, au sens de l’humanité en général. 

Les grands succès sont donc d’excellentes portes d’entrées pour ces deux raisons : à la fois ils suscitent plus facilement l’intérêt des auditeurs et permet donc d’introduire ensuite des concepts de narratologie, mais ils sont aussi d’excellents cas d’études puisqu’elles utilisent justement en permanence ces concepts traditionnels et universels que l’on retrouve dans le monomythe. 

Puisque l’on aborde la thématique du monomythe, dirais-tu qu’il y a une universalité des règles de fiction ? Une formule narrative perçue comme mauvaise, comme par exemple le deus ex machina ou le personnage Mary Sue, est-elle condamnée à être mauvaise de par son essence ? Ou peut-elle s’avérer bonne en fonction du contexte narratif ou historique ?

Est-ce qu’il y aurait une objectivité de la qualité d’un procédé narratif ? Personnellement, je ne pense pas. Par exemple, si on prend l’exemple de la Mary Sue, type de personnage insupportable car excessivement idéalisé, en réalité c’est un personnage que Bollywood adore ! C’est une histoire de code culturel. Je pense qu’en Occident nous sommes en réalité rentrés dans l’ère du post-modernisme. Nous avons tendance à avoir un regard critique sur ce que l’on regarde, du style : “Attends, c’est pas possible, c’est pas réaliste !”. 

Pourtant, si on se retourne vers nos origines théâtrales à Athènes, des formules narratives aujourd’hui détestées, comme le deus ex machina, étaient à l’époque plébiscitées ! Je crois que le déclin de ce procédé de l’intervention divine, de ce “dieu qui sort de la machine” pour résoudre une histoire, peut notamment s’expliquer par le déclin du spirituel en Occident. Donc, à mon avis, l’appréciation d’une formule narrative est purement culturelle. Il n’est pas impossible par exemple que le deus ex machina connaisse un regain de popularité dans quelques décennies en cas de renouveau du spirituel. Un autre exemple : il y a quelques siècles toutes les pièces étaient en alexandrins, il n’était pas question de faire de la prose ! Maintenant, au contraire, c’est difficile de refaire de l’alexandrin, car les attentes ont évolué ! 

Tout cela a même un caractère cyclique. Le postmodernisme commence lui aussi à avoir fait son temps. Pour reprendre l’idée d’un autre vidéaste, Bolchegeek, dans sa vidéo sur le film Everything Everywhere All at once, après le modernisme du “raconte moi une histoire”, puis le postmodernisme du “je prends du recul par rapport à ton histoire”, on entre doucement dans le métamodernisme du “raconte-la moi quand même”. 

Lorsque tu souhaites analyser un élément de fiction, un mécanisme, est-ce que tu pars d’un visionnage spontané qui va ensuite t’inspirer une idée d’étude, ou est-ce que tu commences au contraire par penser au mécanisme en question, pour après le décortiquer, par exemple en faisant des tableaux ?

Je ne fais pas de tableaux ! En fait, cela part d’un simple visionnage qui va me faire poser des questions, et qui va me motiver à aller chercher des réponses. Je pars ensuite chercher des informations sur TV Tropes, dans des interviews et entretiens avec les auteurs, car contrairement à une idée reçue, les auteurs sont souvent conscients des procédés narratifs qu’ils utilisent dans leurs œuvres. 

Ensuite, je pars explorer dans mes références préférées, notamment Roland Barthes. De recherches en recherches je finis par croiser les informations, en faisant aussi le lien avec mon ressenti. En effet, je ne prétends jamais être objectif, je présente toujours ma lecture personnelle ! 

En soi, lorsque tu écris et réalises tes vidéos, tu fais toi-même de la métafiction. En abordant un mécanisme narratif dans une vidéo, tu montres implicitement par la mise en scène de cette dernière, comme utiliser ledit mécanisme. Pour reprendre une phrase un peu bateau, dirais-tu qu’un beau dessin vaut mieux qu’un long discours ? Une petite vidéo pédagogique humoristique de quelques minutes est-elle plus efficace qu’une leçon magistrale de plusieurs heures ? 

Je pourrais seulement raconter une petite histoire, sans forcément prendre le temps de faire une chronique. Mais j’essaye de faire les deux, car chacun des formats a son avantage. Pour transmettre une connaissance, il faut impérativement deux choses : comprendre et savoir. La chronique, tout comme le cours magistral, permet de savoir, mais à mon sens, le savoir sans compréhension, ce n’est pas de la connaissance. C’est à cela que sert justement la chronique et en partie la fiction, offrir une illustration qui facilite cette compréhension.

La partie fiction de mes vidéos est toujours la plus plaisante pour moi à réaliser. La chronique représente plus de travail, mais c’est un travail de recherche qui part toujours d’une curiosité personnelle, et qui m’offre finalement davantage de savoirs théoriques, et me permet donc toujours d’apprendre à mes dépends. 

L’année dernière, Sciences Po a inauguré la Maison des Arts et de la Création, dont le but est d’intégrer davantage les arts dans l’identité de l’école. S’est posée notamment la question de la place de la culture dite populaire au sein de cette initiative. Le directeur a estimé à ce sujet qu’avant d’intellectualiser la “pop culture”, il convient d’avoir de solides bases classiques. Qu’en penses-tu ?

Je suis d’avis, au contraire, qu’il n’y a pas de porte ou de parcours obligatoire pour étudier les arts. En revanche, une fois plongé dedans, on se rend rapidement compte que par exemple avant Star Wars, il y avait Kurosawa, avant Kurosawa, il y avait les films de western, et encore avant les romans de chevaliers etc. Une fois rentré, il suffit d’être curieux pour remonter rapidement aux classiques.

Encore plus loin dans le temps, on peut bien sûr penser à L’Épopée de Gilgamesh, qui est en fait à peu près la base de tous les récits contemporains. En fait, on a perdu la plupart des premiers écrits fondateurs, des premiers “vrais classiques”. Donc, dire que le début de l’étude des arts doit se faire à partir de tel classique précis, en affirmant par exemple que le début de la culture français c’est Racine, je trouve cela absurde. 

En réalité, il faut juste regarder ce qui nous intéresse, car toutes les œuvres sont riches. Pourquoi sont-elles toutes riches ? Parce que tous les auteurs ont lu avant d’écrire. Cette richesse, même si elle est issue de copies infinies de recettes classiques millénaires, est d’autant plus agréable lorsqu’on la découvre avant d’aller remonter à l’idée originale. On peut ainsi plus facilement recontextualiser cette dernière.

Peu importe donc si Naruto est notre première imprégnation culturelle, ou n’importe quelle œuvre, même celles que je n’aime pas. Parce que du moment que l’on a un peu de curiosité, on peut en fait arriver partout, jusqu’aux “classiques”, car après tout selon Barthes, toutes les histoires sont connectées et finissent par se rejoindre ! 

De toute façon, en fonction de nos origines et passés, nous n’allons pas forcément être attirés par les mêmes choses. Venant de classe plutôt populaire, j’étais naturellement davantage attiré par les jeux vidéos et la culture populaire. Il ne faut pas forcer les gens, ne pas forcer des collégiens à lire du Balzac au collège lorsque cela ne les intéresse pas. Dans One Piece, on peut très bien trouver autant de commentaires sociaux ! Il faut juste donner une chance aux goûts des gens, et à partir de là on peut en tirer des leçons tout aussi riches, et stimuler ensuite la curiosité pour aller chercher ailleurs.

A propos de cette capacité à dégager des commentaires et des réflexions sur des œuvres, que penses-tu de la capacité de plusieurs d’entre elles à délivrer une quantité astronomique de messages insoupçonnés, voire parfois contradictoires ? Par exemple, pour rester dans le registre des animés, dans l’iconique Death Note ?

Death Note est un exemple parfait, puisque c’est justement l’une des œuvres qui a été comprise dans le plus de sens possibles ! Elle parle de justice, d’humanité, mais aussi de peine de mort. Or, dans un pays comme le Japon qui pratique encore la peine de mort, cela questionne. Beaucoup estiment qu’il s’agit d’une oeuvre pro-peine de mort, mais on peut très bien trouver des éléments allant complètement dans l’autre sens. 

Ce que l’on remarque dans ce type d’histoire, c’est que les sous-textes, et l’univers entourant l’intrigue principale, sont en fait assez peu montrés, on ne s’y attarde pas. Death Note appartient en effet davantage à la catégorie des œuvres psychologiques que sociologiques, puisque ce qui compte ici c’est avant tout l’évolution des personnages, et non de la société. Avec Death Note, on a typiquement l’exemple d’une œuvre qui part d’un pitch génial, et l’intrigue découle ensuite des conséquences de ce concept initial incroyable. Dans des cas comme celui-là, l’auteur finit ainsi par générer une grande quantité de messages, sans forcément le vouloir, ni même en s’en rendant compte. 

C’est comme cela que s’alimente les imaginaires entourant les œuvres originales, qui sont également fascinants, en particulier pour les œuvres populaires, parce qu’il y a justement un aspect moins “sacré” pour ces-dernières. Elles vont donc engendrer une multitude de fan fictions, de réécritures etc. C’est ce qui fait quelque part leur force ! Elles sont encore dans le jus de l’époque. 

A l’inverse, on ne peut pas toucher ainsi à Victor Hugo, parce que ce dernier est devenu sacré, tant son œuvre est ancrée dans son époque. Se la réapproprier, ce serait la dénaturer. Il faut nécessairement ici analyser le contexte historique, on ne peut pas lui faire dire n’importe quoi. C’est ce qui rend les “classiques” plus difficiles à investir pour les néophytes, vu que la marge de réinterprétation est forcément limitée. 

Au sujet de cette sacralité des arts et de leur enseignement, on a pu voir que le cinéma a beaucoup gagné en légitimité ces-dernières décennies, alors que d’autres arts issus de la culture populaire, comme le jeu-vidéo demeure justement plutôt snobé. Qu’est-ce qui manque à ce dernier pour avoir la même reconnaissance et la même légitimité culturelle que le cinéma ? Doit-on l’intellectualiser, l’enseigner à l’école en option tout comme le cinéma, ou est-ce simplement une question de temps ?

Lorsque le cinéma est apparu, c’était clairement un phénomène de foire, mais qui s’est diffusé très rapidement. Quand cela a commencé à toucher tout le monde, le cinéma est naturellement devenu un objet de discussion, à la fois pour les médias et pour les gens en général. Aujourd’hui, le jeu-vidéo est un sujet de discussion d’énormément de canaux de diffusion, ce qui fait que les médias mainstream et la télévision généraliste n’ont jamais eu à s’emparer du sujet, car il y a tout de suite eu des médias spécialisés. 


Forcément, le fait de ne pouvoir parler de jeu-vidéo que sur des plateformes spécialisées, lui donne une image de “contre-culture”. Mais cela est paradoxal, car le jeu-vidéo parle à tout le monde, puisqu’il y a trois milliards de joueurs sur terre ! C’est loin d’être une culture “underground”. D’ailleurs cette étrangeté est surtout visible en Occident, le jeu-vidéo étant pleinement reconnu en Extrême-Orient, comme au Japon ou en Corée du Sud. 

En Occident, on se retrouve donc dans cette phase intermédiaire bizarre. Tout le monde joue aux jeux-vidéos, mais assez peu de personnes les respectent. Cela peut aussi s’expliquer par la diversité des jeux, c’est un média extrêmement varié. C’est dur de traiter d’un sujet à la fois représenté par Candy Crush ou par The Last of Us

Tout cela fait que le jeu-vidéo n’est pas devenu un sujet de discussion mainstream. Quand il y a un nouveau film ou une nouvelle pièce de théâtre, la presse généraliste en discute, invite des acteurs ou des comédiens etc. Au contraire, lors des Game Awards ou quand un nouveau jeu-vidéo sort, les médias, même les programmes un peu jeunes comme Quotidien, n’en parlent presque pas. Quelque part, cela peut aussi s’expliquer par le mépris vis-à-vis du mot “jeu”, qui renvoie le jeu-vidéo à un simple loisir juvénile. Peut-être que le jeu-vidéo ne devrait pas essayer de s’embourgeoiser, mais poursuivre dans sa niche…

Récemment, dans l’une de tes dernières vidéos, tu as étudié le genre des dystopies. A une époque où ce genre d’histoires semble omniprésent en fiction, sous la forme de dystopie politique ou d’anticipation catastrophique environnementale, dirais-tu que nous sommes rentrés dans une ère du pessimisme, incapable de produire des utopies, et est-ce pour toi une mauvaise chose ? 

Il y a incontestablement un certain pessimisme actuel face à l’avenir. Les 20 dernières années ont été marquées par la réalisation d’un manque de contrôle sur nos destins, que cela soit par la faiblesse du politique et donc des élections, de l’accroissement du pouvoir des grandes entreprises, et la prise de conscience environnementale. 

Aujourd’hui, que cela soit par les dystopies, montrant la destruction, ou les œuvres solarpunk, montrant une reconstruction, on voit clairement qu’il y a une volonté d’en finir avec le monde d’aujourd’hui. Ce désespoir fait que l’on a fondamentalement l’envie en fiction de critiquer le monde d’aujourd’hui, ou d’anticiper sa chute pour rêver à un avenir meilleur.  

Le concept original de l’utopie de Thomas More, qui estimait que l’on pouvait améliorer le monde en donnant de meilleures idées aux hommes, serait aujourd’hui perçu comme naïf. On ne croit fondamentalement plus en l’utopie, qui d’ailleurs était l’apanage du socialisme en politique, aujourd’hui lui aussi en déclin. On préfère au contraire en fiction aller droit dans le mur, pour pouvoir imaginer après la chute un renouveau, et c’est ce que l’on retrouve dans le genre du solarpunk. 

Après avoir exploré des sujets très macros, nous pouvons terminer avec une dernière petite question tout à fait personnelle. Tu as déjà publié deux livres il y a quelques années. A force d’avoir durant toutes ces années tellement étudié la question de ce qui fait une histoire réussie, n’as tu pas la tentation de passer de la théorie à la pratique en publiant un nouvel ouvrage ?

Je suis actuellement en train d’écrire un light novel en ligne, mais quand j’écris, je déconnecte la partie analytique de mon cerveau, je ne la reconnecte qu’après avoir écrit mon jet. Je n’écris jamais en faisant un point sur les connaissances narratives que j’ai pu acquérir, car cela serait très frustrant pour moi ! Je perdrais le plaisir de l’écriture, alors que cela doit être avant tout une question de plaisir. 

Le jour où j’arriverais en me disant que j’ai enfin trouvé la recette magique d’une bonne histoire, je me serais définitivement renié en tant qu’auteur ! Ça serait sûrement une catastrophe ! (rires)

Propos recueillis par Liam Piorowicz

Crédits Photos : Marie Arnold