Entreprendre à Sciences Po : mythe ou réalité ?

Christian Dior Couture est proche du milliard d’euros de chiffre d’affaires annonce Challenges.fr début mars. En plus d’avoir sans doute été major du cours optionnel de couture cinq années consécutives, il représente le grand entrepreneur issu tout droit de Sciences Po. Il n’est pas le seul, la fondatrice de Nuxe a suivi une partie de sa scolarité dans notre école elle aussi. Vitrines de l’entreprenariat à Sciences Po, ces personnalités incarnent un côté méconnu de l’institut : la création d’entreprises. Si elle a toujours existé à Sciences Po, aucune structure ne permettait le suivi ni le soutien des projets prometteurs. Ce n’est qu’en 2008, sous l’impulsion de Richard Descoings et Nadia Marik, que Sciences Po Entrepreneurs est créé. À un moment qui peut paraître incongru : avec la crise l’entreprenariat s’enlise ; pourtant cette organisation siégeant au 84 rue de Grenelle n’a cessé de prouver son utilité. LaPéniche.net a rencontré Maxime Marzin, responsable de Sciences Po Entrepreneurs et d’une partie du master Finances et Stratégies, pour en savoir un peu plus sur cette organisation.

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Sciences Po Entrepreneurs est une association qui cherche à favoriser la création d’entreprises à la fois chez les étudiants et les jeunes diplômés (cinq années maximum après l’obtention du diplôme). La formation en 2008 d’une telle structure au sein de Sciences Po n’a pas été aisée. Malgré le soutien indéfectible de Richard Descoings et de Nadia Marik, le projet a dû affronter critiques et difficultés. Mais les résultats encourageants, affirme Maxime Marzin ont petit à petit donné un grand retentissement à l’initiative. Mais, comment donc expliquer que seuls quelques rares élèves puissent évoquer ne serait-ce que l’existence de Sciences Po Entrepreneurs ?

C’est en partie dû à la faible communication : un site internet avec les informations essentielles, présentant des locaux rue de Grenelle de l’autre côté du Boulevard Raspail, cachés près de la Société Nationale d’Horticulture. Impossible donc de se retrouver par hasard au sein de Sciences Po Entrepreneurs. Et pour cause, personne n’entre jamais au sein de la structure par hasard, et nul besoin d’une communication de campagne BDE pour forger le succès qui ne se dément pas. En effet, le manque de visibilité pourrait être interprété comme une faiblesse ou pire, comme un signe d’inefficacité, et pourtant jamais le responsable Maxime Marzin n’a été autant sollicité que dernièrement, nous confie-t-il. L’intégration de la structure au sein de Sciences Po y serait pour beaucoup, bénéficiant de l’image accolée à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

Ainsi, en 2013, Sciences Po Entrepreneurs est témoin d’un « carambolage » selon les mots du responsable. Le fonctionnement est inadapté, avec des délais parfois très longs. En effet, deux extrêmes se distinguent actuellement dans les projets qui affluent dans la boîte mail du responsable. D’une part, nombreux sont les élèves avec des idées concrètes mais un manque d’envie réelle pour entreprendre tandis que d’autres ont des projets particulièrement bien définis mais auxquels Sciences Po Entrepreneurs ne peut répondre rapidement : la structure arrive alors trop tard pour apporter la moindre aide. Cette situation s’explique peut-être par le faible nombre de responsables puisque l’équipe n’est composée que de deux personnes en la présence de Maxime Marzin et d’Aurélie Laval, qui reçoivent l’essentiel des suggestions de projets par mail.

Les délais parfois très longs créent une certaine frustration chez les étudiants, qui doivent se soumettre à une sélection drastique compte tenu du nombre de projets retenus. Mais, face aux insatisfactions, le processus de sélection va être amélioré par un aiguillage plus précis et efficace des divers projets. Discussions, rencontres, développement de prototypes, business plan, l’aide de la structure est adaptée à la demande des étudiants. Avec des cours en amont (dès la deuxième année du Collège Universitaire) et le soutien de l’incubateur en cas de sélection, Sciences Po Entrepreneurs est à la fois en amont et en aval. Si le cœur du projet n’est en aucun cas amené à changer, l’équipe souhaite une meilleure répartition sur les 5 années de scolarité à Sciences Po avec une initiation à l’entreprenariat, dès la première année, la préparation du business plan présenté au jury pour la sélection de l’incubateur, puis une aide juridique, marketing, comptable ou encore financière pendant et après celui-ci, le tout dispensé par des professionnels de l’entreprenariat, des cabinets d’avocats et des anciens « incubés ». Une liste de partenaires longue que complètent d’étroites relations avec les Alumni ou la Junior Entreprise. Finalement, tout semble être fait pour augmenter l’efficacité de l’aide précieuse que peut apporter cette organisation.

Depuis quatre ans, cinquante start-up ont vu le jour grâce à Sciences Po Entrepreneurs, donnée qu’il faut nuancer puisqu’un tiers d’entre elles n’existe déjà plus, qu’un autre tiers est chancelant. Le dernier tiers est définitivement tiré d’affaire, avec des start-up commençant à faire leurs premiers profits. Cette grosse quinzaine de start-up a permis la création de 250 CDI, grande source de fierté pour Richard Descoings à l’origine du projet. Les grandes réussites affichées fièrement par l’ensemble de l’équipe restent Les Dîners d’Héloïse par exemple d’Emmanuel Cotsoyannis, qui a atteint les 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2011, ou encore Ykone ou Clic-boutique. On pourrait se demander s’il existe un profil type que Sciences Po Entrepreneurs se plairait à aider, et pourtant c’est plutôt l’inverse maintient Maxime Marzin. Deux types de projets seront immanquablement refusés par la structure, les boîtes de conseils, qui n’ont besoin d’aucune aide logistique et les projets d’import-export. Pour résumer, l’intermédiation et la prestation sont à éviter. La raison officielle donnée par le responsable, plus spécifiquement tournée vers l’import-export, réside dans le manque d’innovations problématiques dans ce domaine. Cependant, une source proche de Sciences Po Entrepreneurs nous a confié anonymement que Sciences Po veut à tout prix éviter l’afflux incontrôlé d’élèves revenant de leur troisième année à l’étranger avec un projet d’import-export qui a peu de chance de se concrétiser dans tous les cas. Le projet reste donc très varié et adapté à la détermination dont font preuve les étudiants intéressés par l’entreprenariat.

Ce projet dynamique et utile gagne à être davantage connu. Au responsable du projet de conclure l’entretien par des excuses à tous les projets que l’absence de réponse avorta, et par une féroce détermination à améliorer, développer et étendre le système de Sciences Po Entrepreneurs et de l’incubateur.