Direction de Sciences Po : Trois candidats sélectionnés, et des critiques sur le processus de désignation qui restent vives
Manque de transparence ou de représentation au sein de la Commission de proposition, Laurence Bertrand Dorléac, présidente de la FNSP, et Jeanne Lazarus, présidente du Conseil de l’Institut, répondent.
Ils ne sont plus que trois candidats à avoir été retenus suite aux auditions des huit candidatures qui se sont déroulées les 18 et 19 octobre devant la Commission de proposition chargée d’établir une liste de candidatures pour la nouvelle direction de Sciences Po. Olivier Faron, administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers, Christine Musselin, professeure à Sciences Po, et Matthias Vicherat, secrétaire général de Danone, sont donc les heureux finalistes. Bénédicte Durand, administratrice provisoire de Sciences Po, et Cornélia Woll, professeure en Science politique, ont été évincées.
Selon Laurence Bertrand Dorléac, présidente de la FNSP et Jeanne Lazarus, présidente du Conseil de l’Institut, « la qualité du projet et une vision du modèle de Sciences Po », « les compétences professionnelles » ainsi que « les qualités personnelles, le sens de l’intérêt général (…) et la réputation déontologique » ont permis de distinguer ces trois profils. « Après l’affaire Duhamel nous avons été très attentifs aux questions déontologiques et à la réputation de l’établissement. Nous avons demandé aux chasseurs de tête de travailler là-dessus aussi » tient d’ailleurs à souligner la présidente de la FNSP.
« On aurait aimés être mieux informés »
« Les critères [de sélection] sont publics, mais ils sont très larges. Il n’y a pas d’éléments précis, pas de comité d’appréciation » regrette cependant Titouan Le Bouard, président de l’UNEF Sciences Po et élu au Conseil de l’Institut. Un manque de précision qui reflète plus largement un « manque de transparence », régulièrement pointé du doigt par les élus étudiants.
« On aurait aimés être mieux informés » poursuit le représentant de l’UNEF. « Nous ne connaissions même pas le nom des candidats, leur projet, nous les avons appris dans la presse. C’est la presse qui nous apprend tout », assure-t-il. « Il y a tout un tas de choses sur lesquelles il n’y avait pas de raison de se cacher » concède même Raphael Zaouati, élu Nova et unique représentant étudiant au sein de la Commission de proposition, qui assure avoir « défendu la publication de certains éléments » craignant que « le manque de transparence crée la suspicion » et puisse « jeter un discrédit » sur le processus de désignation.
Le difficile équilibre entre secret professionnel et demande de transparence
Face aux accusations, la présidente du Conseil de l’Institut défend la « nécessité du secret professionnel et de la correspondance ». « La confidentialité est indispensable pour ce type de poste où les candidats prennent des risques en se présentant. Quant à la confidentialité des délibérations, nous avons besoin, à un certain moment de pouvoir discuter librement, hors micro. […] La démocratie nécessite aussi des moments confidentiels, nécessaires pour échanger des arguments, faire évoluer les avis, bref, aller au fond des choses » tient-elle à clarifier. « Les étudiants sont représentés dans les conseils et nous avons été en permanence en dialogue avec les conseils […] avec les élus étudiants pour leur expliquer l’avancement à chacune des étapes ».
« Alors que nous sommes dans un processus de transformation pour plus de démocratie, au fond ça ne suffit jamais » déplore pour sa part Laurence Bertrand Dorléac. « Nous sommes dans une espèce aussi, peut-être, d’ivresse de la transparence qui fait qu’on a l’impression qu’on nous cache toujours quelque chose. Nous sommes tellement habitués à avoir des informations sur tout et n’importe quoi, très vite, en temps réel, que finalement on ne supporte pas le tempo d’une commission qui travaille en conscience, en ouvrant la possibilité d’un dialogue » poursuit l’historienne de l’art.
Une commission représentative ?
Un autre reproche plane sur la Commission de proposition : celui du manque de représentation de la communauté étudiante. Sur ses 12 membres, seul Raphael Zaouati représente cette communauté pourtant majoritaire à Sciences Po. « 1 personne pour représenter 14000 étudiants, c’est assez juste » ironise l’intéressé.
Un procès en intention que peine à comprendre Laurence Bertrand Dorléac, qui rappelle que la commission a innové de manière « radicale » – en dehors de ses statuts – en donnant la possibilité à chacun d’adresser ses contributions aux candidats sur le site internet dédié. « Qu’on le veuille ou non, le dialogue a eu lieu entre les gens de Sciences po qui n’étaient pas dans la commission et les candidats. Il y avait la possibilité de ce dialogue par textes interposés ».
Une réponse qui ne semble pas satisfaire les élus étudiants, alors que 4 personnalités « qualifiées » extérieures à Sciences Po ont été désignées par le Conseil de l’Institut et le Conseil d’administration de la FNSP pour compléter la composition de la commission de proposition, dont Benoît Roger-Vasselin, directeur des ressources humaines du Groupe Publicis.
Les « élus étudiants avaient fait leur propre proposition [ NDRL : comme Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde, aux origines des révélations de l’affaire Duhamel ], mais aucune n’avait été retenue, bien évidemment » note -non sans amertume- Titouan Le Brouar. « Nous ne sommes pas opposés à des personnalités extérieures. Sauf quand elles sont un peu trop puissantes et un peu trop majoritaires. Sciences Po, c’est avant tout ceux qui la composent qui devraient dire comment ça fonctionne ».
Des accusations que réfute Jeanne Lazarus, assurant que ces personnalités externes « étaient là pour nous conseiller et non pas prendre des décisions à notre place. D’un côté, on nous dit « vous êtes l’ancien monde, l’entre-soi », d’un autre coté on nous dit qu’on fait venir des gens qui ne sont pas nous » s’étonne la sociologue.
Le conseil de l’IEP et le conseil d’administration de la FNSP voteront respectivement les 9 novembre et 10 novembre pour désigner le successeur de Frédéric Mion. En cas d’accord, les conseils soumettront leur choix à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Le nouveau directeur ou la nouvelle directrice sera ensuite nommé par décret par le Président de la République.
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