Les esprits s’échauffent en vue de la présidentielle de 2022
À l’appel de différents collectifs présents à Sciences Po, une réunion publique a eu lieu mardi dernier afin d’empêcher l’implantation de l’extrême-droite dans les universités.
Ni Zemmour, ni toute initiative ayant de près ou de loin rapport avec le fascisme : tel était le mot d’ordre des associations à l’origine de la réunion du mardi 19 octobre. De Garces à Attac, en passant par les partis et les syndicats de gauche, les étudiantes et étudiants ont jeté les premières pierres d’une riposte antiraciste, féministe et antifasciste.
Un écoeurant “débat d’idée”
Le verdict rendu par le Conseil de la Vie Étudiante le 4 octobre, validant l’initiative étudiante Génération Z – les jeunes pour Zemmour -, à laquelle on peut ajouter celles de Sciences Poléon ou du Printemps Républicain, a enclenché une réponse immédiate. Surtout, il interroge. Pendant les prises de parole, plus que l’avalisation de telles initiatives par l’administration, c’est sa figuration parmi les initiatives retenues qui inquiète. Comptablement parlant, cela signifie qu’au moins 120 étudiantes et étudiants “sciences pistes” ont voté pour elles. Ce résultat vient corroborer “le climat actuel des débats, qui est de dire : ‘au pire, Zemmour, ça va’”, confie l’un.e des membres de l’inter-organisation.
À ce titre, les critiques adressées à l’égard de l’administration ont fusé. Depuis le blocus du campus parisien en avril 2018, les étudiantes et étudiants avec le plus d’ancienneté font état d’un glissement sécuritaire de la part des membres administratifs de l’école et, en creux, d’une certaine ambiguïté. D’un côté, la sécurité s’est affermie, avec des contrôles strictes d’identité, une surveillance excessive de la communauté étudiante ou des interdictions de réunion non-mixtes, qui donnent l’impression d’un véritable “flicage de la vie étudiante”. De l’autre, un jonglage permanent entre les accusations de “wokisme” ou d’islamo-gauchisme et l’acceptation sans scrupules d’une organisation ouvertement porteuse d’idées islamophobes, racistes, sexistes. L’horizon électorale interne, avec la nomination de la direction qui se déroulera du 9 au 10 novembre prochain, pèsera certainement dans les futures décisions relatives à cette intrusion extrème-droitière.
L’échange s’est structuré autour de deux axes : l’état actuel des rapports de force et les moyens d’action pour confronter une dynamique autoritaire aux accents délétères. Sur le premier point, les élèves ont majoritairement réfuté l’argument phare de la masse estudiantine, qui consiste à faire valoir le “débat d’idée”, démocratique par essence, selon elle. Toutefois, de tels propos mortifères, qui mettent en danger certaines populations (personnes racisées, femmes, LGBTQIA+), ne peuvent s’y faire une place ; à moins de tolérer des discours récusant des droits acquis aux prix du sang et de la lutte. Les tactiques et les modes d’action souvent revenus sont assez traditionnels (pétitions, blocus, sit-ins…) mais deux aspects méritent attention. D’une part, l’importance cruciale de se rendre audible auprès de la communauté étudiante, en imposant des valeurs et des thèmes au potentiel réellement émancipateur. D’autre part, construire ensemble de nouvelles sémantiques, issues des combats contre les rhétoriques réactionnaires – ce qui implique également de revoir les liens entretenus avec la sphère médiatique, qui donne l’onction à ces dernières.
Perspectives sociales et émancipatrices
Sans s’étaler trop longuement sur les interférences et les tensions qui ont animé la réunion, il convient néanmoins de les analyser au prisme des perspectives d’avenir de la mobilisation. Des membres du Printemps Républicain et, surtout, de Génération Z, se sont infiltrés au sein de la réunion puis fait exclure à l’unanimité. Dans un communiqué larmoyant, les premiers ont été attristés de voir “la volonté de certaines formations publiques de briser l’union républicaine contre l’extrême-droite”, reprenant-là les vieilles antiennes partisanes. Cela laisse présager une contre-offensive qui consistera probablement à empêcher ou détruire tous projets socialement fondés. Dans un autre registre, les dissensions inter-militantes, au-delà de nourrir la division, devront être résolues ou concertées. Passé ces freins, les perspectives de riposte ouvertes lors de cette réunion sont prometteuses. “Je suis très contente de voir qu’il y avait plus de monde que je ne l’espérais”, témoigne l’une des participantes. Le nombre, s’il ne fait pas forcément la force, apporte de l’espoir et “construire une riposte de gauche, au-delà de construire quelque chose en simple réaction à E. Zemmour, c’est encourageant”, abonde l’un.e des inter-organisateur. rices. Maintenant que les esquisses de la lutte sont tracées, il reste à les rendre victorieuses.
Crédit image : ©SOS RACISME / SESL / GARCES / UNEF / LFI / PS / ATTAC / EQUAL / EELV / UEC – SCIENCES PO