Dans le cabinet de curiosités des maquettes pédagogiques (1/2)

Du droit administratif à la broderie, toute « matière » est-elle politique ? Voilà qui pourrait faire un beau sujet de dissertation, et se prêter parfaitement à un plan en deux parties, deux sous-parties, etc., dans la plus pure tradition de la « maison ». Plus sérieusement, sciences pistes ou lycéens aspirants sciences pistes, la perplexité vous a sûrement déjà envahi(e)s à la lecture des maquettes pédagogiques de Sciences Po. De l’économie à l’histoire, en passant par la broderie (« Histoire de fil en aiguille », maquette pédagogique 2012-2013), les matières (au sens propre comme au sens figuré) se suivent mais ne se ressemblent pas à Sciences Po.

De même, le corps enseignant de l’école peut se prévaloir d’une grande pluralité. Avec près de 3 500 membres, il réunit professeurs des universités, chercheurs, maîtres de conférence, et professionnels d’organisations privées et publiques (institutions judiciaires, administrations publiques, entreprises, ONG…). À l’évidence, la diversité des formations qu’ont reçues tous ces professeurs influe sur l’organisation de leurs cours, et détermine grandement le choix de tout Sciences Piste au moment de procéder aux Inscriptions Pédagogiques tant redoutées.
Aussi, c’est pour percer le mystère des maquettes pédagogiques que La Péniche a reconstitué pour vous la genèse de ces cours qui font la réputation de Sciences Po.

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 Le recrutement des professeurs : « trouver les meilleurs » spécialistes

Tout commence dans les bureaux de la Direction du Collège Universitaire, où Jean-Luc Pouthier (Doyen du Collège Universitaire), Sylvie Herlicq (Directrice exécutive du Collège universitaire) ainsi que tous les chargés de mission sont en charge de proposer les enseignements. Là, ils étudient en détail les candidatures spontanées qu’ils reçoivent de quiconque projette de donner un cours à Sciences Po. Mais surtout, les responsables pédagogiques cherchent incessamment de nouvelles idées de cours et de nouveaux professeurs. L’objectif est de taille : il faut proposer des enseignements dans différentes matières qui correspondent notamment aux « majeures » des étudiants internationaux (économie, science politique et relations internationales, histoire, droit, humanités…) et, comme l’explique Sylvie Herlicq, « il faut trouver les meilleurs », spécialistes capables d’enseigner chacune de ces disciplines. Pour ce faire, les responsables pédagogiques assistent à des colloques, épluchent les CV, décortiquent la presse, engloutissent des kilogrammes de livres écrits par les chercheurs les plus en pointe, hachent menu ce qu’ils peuvent trouver à leur propos sur les sites Internet pour trouver les professeurs qui conviennent le mieux, et livrer aux étudiants (animés d’une soif gargantuesque de savoir) une maquette pédagogique aux petits oignons. En ce qui concerne particulièrement les enseignants des ateliers artistiques, qu’ils proposent un cours d’écriture, un enseignement d’arts visuels (photographie, cinéma, bande-dessinée, architecture…) ou bien une introduction au spectacle vivant (musique, danse, théâtre…), Sciences Po les sélectionne souvent sur la base de collaborations universitaires avec les écoles d’art de la ville de Paris, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, ou encore le Bal.

 L’élaboration des cours : une œuvre à plusieurs mains

Ensuite, la conception d’un cours magistral, comme celle d’un cours séminaire ou d’une conférence, est toujours pour le professeur le résultat d’un compromis – d’aucuns diront, d’une alchimie – entre ses propres attentes, celle des étudiants, et celle de l’administration de Sciences Po. En effet, les enseignants doivent eux aussi apprendre à s’adapter, et sont astreints à respecter certaines consignes pour élaborer leurs cours.Pour le professeur sur le point de donner un cours à Sciences Po, tout part d’une envie. Une envie de partager ses connaissances : sur l’État, les relations internationales, l’art du roman, le droit européen…

Image : L'étudiant.fr
Image : L’étudiant.fr


François Dosse, historien, épistémologue et professeur des Universités, a choisi pour sa part l’histoire intellectuelle de la France de 1945 à nos jours, qu’il s’est essayé à retracer dans un cours sur la French Theory au semestre d’automne 2013. En 1994-1995 Sciences Po faisait appel à lui pour la première fois, afin d’accompagner Pierre Nora pour son cours sur les Lieux de mémoire, à la fois en cours magistral et en conférences de méthode. Jusqu’en 2013, M. Dosse donnait donc un cours sur les mutations de l’historiographie contemporaine, et même s’il proposait chaque année quelques renouvellements de l’enseignement, il restait malgré tout dans la logique du cours magistral de Pierre Nora. Son cours de 2013 sur la French Theory a donc été un inédit. Il en a fait spontanément la proposition à la direction de Sciences Po, et s’est alors vu accorder le droit de le dispenser, non pas en tant que cours d’histoire, mais en tant que cours d’humanités littéraires, après intercession de Sylvie Herlicq (responsable pédagogique des Humanités).

 Adapter les maquettes pédagogiques aux préoccupations contemporaines : un défi sans cesse renouvelé

Ainsi, les cours dispensés à Sciences Po changent sans cesse, afin de s’adapter à l’évolution de la recherche, et afin de faire de l’école un lieu précurseur dans l’enseignement de certaines disciplines. Tel a été le cas des cours donnés sur le Développement Durable par exemple. Ceux-ci ont été mis en place il y a près de dix ans à Sciences Po, à une époque où parler d’un tel sujet aux étudiants n’allait pas forcément de soi. Ainsi, avant d’attribuer un cours à un professeur, les chargés de mission vérifient d’abord qu’il permette à ce dernier d’aborder l’objet d’étude sur lequel il désire actuellement faire des recherches. « Nous ne choisissons pas les professeurs qui nous disent qu’ils peuvent faire tel ou tel cours, mais plutôt ceux qui en éprouvent l’envie », explique Mme Herlicq. De même, les maquettes pédagogiques doivent se réactualiser au fil des années, afin de rester en phase avec les attentes des étudiants. Surtout, elles sont conçues pour permettre à ceux-ci d’acquérir les compétences qu’exigeront de leur part les entreprises sur le marché de l’emploi (maîtrise des outils multimedia par exemple).

 Sympathiques, donc, les maquettes pédagogiques ? Il semblerait que oui. Quant à savoir si elles sont logiques, c’est ce que vous apprendrez en lisant la suite de cet article, publiée demain !