Carnaval : une passion partagée

En cette période de carnaval, les bugnes grésillent, les carnavaliers ouvrent le cortège et les chars parés sont parés à parader. Vague de chaleur venant briser le froid hivernal, le Carnaval a de multiples origines. Du latin, Carne et levare, le carnevale signifie littéralement « enlever la viande ». Ce fait étrange est lié au carême mais illustre parfaitement le caractère parfois absurde de cette manifestation. Petit panorama du carnaval en France.

Dans l’ancienne Babylone, les citadins s’amusent à inverser les rôles établis entre maîtres et esclaves durant les Sacées. A cette occasion, un condamné à mort devenait roi avant d’être conduit au supplice. Loin d’être une exception, nombres de fêtes transgressant la hiérarchie sociale sont célébrées en Egypte, en Italie et en Mésopotamie. Les dirigeants donnent à voir une image glorieuse de la cité. En contenant les déchaînements passionnels, le carnaval permet d’éviter les révoltes.

D’abord rejeté, le carnaval est ensuite intégré aux pratiques catholiques. L’église se sert de ces fêtes pour sa propagande. En effet, la fête se termine juste avant la période d’abstinence. Le carnaval devient la fête du gras ! Tel un ours avant l’hibernation, les hommes s’empiffrent et se défoulent pendant ces quelques semaines. C’est ainsi que la manifestation païenne acquiert ses lettres de noblesse. Vers le XIXème siècle, la dérision s’exprime sur la scène carnavalesque. Le peuple tympanise les aristocrates. Le dimanche gras se célèbre déjà à Paris ! Pourtant, les cours royales organisent leur carnaval. Des artistes accourent à la cour de Versailles pour les décorer et les animer.

Aujourd’hui, l’événement démarre à l’épiphanie et se termine le mercredi des Cendres. La préparation de ces défilés requiert des mois d’organisation. Pour offrir un spectacle toujours plus grandiose, certains groupes s’y affairent dès la fin du carême venant clôturer le dernier carnaval. En effet, la concurrence est rude. En France, seule la ville de Nice parvient à hisser son carnaval au podium mondial. La Bataille des fleurs semble bien se placer dans cette bataille de défilés. Aux quatre coins de la France, la danse endiablée des habits bariolés et des chars agencés émerveille touristes et locaux. A Dunkerque et dans les Antilles, le carnaval brasse des millions d’euros. Au delà de l’aspect économique, ces jours de liesse créent du lien social et permettent aux participants de se réunir autour d’une manifestation d’euphorie collective. Troubadours et saltimbanques amusent le temps d’un feu de paille.

La diversité des carnavals sur notre territoire reflète la richesse culturelle française.
Le jeu de masques du carnaval vénitien d’Annecy n’est pas en reste par rapport à celui de son homologue vénitien. A l’autre extrémité de la France, les participants de la joyeuse cohue du carnaval de Dunkerque arborent leur meilleur clet’che et leur ciré jaune pendant que les harengs fumés et le homard en plastique attendent d’être lancés à la foule par le Maire. Quant au carnaval de Cassel, ainsi que les célèbres Reuze Papa et Reuze Maman, ils sont inscrits à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
En Guadeloupe, les habituels strass, paillettes et plumes des groupes à caisse claire (d’inspiration brésilienne) côtoient les roucou (peinture corporelle utilisée par les amérindiens et par les esclaves), paille, et feuillages endossés par les groupes à peau (plus identitaire). En effet, le carnaval est avant tout un lieu d’expression de la culture locale : mêlant influences européennes, africaines, indiennes et amérindiennes.

En France ou dans une autre région du monde, le carnaval est une fête intemporelle.
Selon l’historien Olivier Ryckebush trois facteurs expliquent ce succès : la cohésion sociale (égalité sous le masque), l’identité collective et la notion du sacré (lien religieux).

Une seule recommandation est de mise : quand vous assistez à un carnaval, ne restez pas dans les tribunes. Libérez passion et créativité, venez déguisé et préparez vous à danser !

Jôsl’ie-Fritz Belenus