Androgynie, quand tu nous tiens…La chronique des GGDL
Bien le bonjour à vous , amis et lecteurs de « La Péniche ». Voici la première d’une longue série de chroniques écrites par les élèves de l’école du Louvre, les GGDL – gens gentils du Louvre- pour les intimes. Je laisse la place à Antoine pour vous expliquer le principe de cette chronique que vous pourrez dès à présent retrouver toutes les semaines sur votre webzine préféré.
Notre intention première n’est pas de vous présenter les œuvres canoniques ornant nos magnifiques salles – pardon pour cette déformation professionnelle- et reconnues par tous, qui font la fierté de nos conservateurs et autres historiens de l’art , mais plutôt de vous parler d’œuvres moins célèbres , mais intéressantes à plus d’un titre et surtout de vous donner l’envie de découvrir ce dédale de galeries et d’envisager le Louvre sous d’autres aspects. Donc fi de la Joconde (au placard l’hérétique Dan Brown et ses affabulations hasardeuses), des Rembrandt, et autres joyaux de la couronne, passons à quelque chose de plus distrayant…
Dirigez vous vers la salle des Caryatides, galerie jouxtant à la fois la cour carrée et la grande cour de la pyramide, dépassez l’élégante Diane de Versailles et approchez vous de cette jeune femme figée dans le marbre et savamment alanguie sur un matelas de boutons bouclés. Retenez vous messieurs , vous n’êtes pas au bout de vos peines ! Admirez sa plastique, le modelé parfait de son corps, toute la sensualité se dégageant de la composition. Bref un parfait résumé de « luxe, calme et volupté »…
Mais avant de vous méprendre sur le sens de cette sculpture , un petit rappel historique ne sera pas inutile.Dans la mythologie gréco-romaine , le dieu Hermès eut avec Aphrodite , déesse de la beauté éternelle ,un fils répondant au nom d’Hermaphrodite…Cela commence-t-il à vous mettre sur la voie ? Ce fils donc , réputé pour sa grande beauté , fut poursuivi par les assiduités de la nymphe Salmacis…Toutefois , ayant vu toutes ses avances refusées par Hermaphrodite , la nymphette revancharde décida d’adresser quelques suppliques devant le roi des dieux : Zeus. Elle lui demanda d’unir son corps et celui de son aimé pour toujours.
Zeus intrigué par la demande mais n’ayant jamais su résister aux implorations d’une jolie femme – et dieu sait qu’elles ont été nombreuses, Hera sait de quoi je parle , elle en a fait les frais !!- accède à la demande de Salmacis et réunit de sa toute puissance les deux corps ce qui donna naissance au mythe de l’Hermaphrodite.
Car oui messieurs , cette jeune femme que vous admirez d’un œil d’envie , et parfois égrillard il faut bien le dire , n’en est pas complètement une…Faites donc le tour de la sculpture et vous comprendrez ce que cette belle endormie a dans le pantalon, passez moi l’expression…
Au-delà de l’aspect humoristique de cette sculpture, elle constitue un parfait exemple de l’art romain du IIeme siècle, sous la Rome impériale . En effet , le goût de l époque pour l’étrangeté, l’humour des compositions , faisaient fureur dans les jardins des villas patriciennes du mont Pincio et de l’Aventin. Cela traduit le détachement progressif des artistes romains du style héllenistique classique, toujours présent , mais moins recherché en ces dernières heures dorées du faste romain.
Cet Hermaphrodite est donc intéressant en ce qu’il caractérise parfaitement l’art de l’époque, la virtuosité de l’artiste , mais également par sa double temporalité d’observation , offrant deux champs de vision différents , deux temps de lecture et qu’il ne manque jamais de surprendre le visiteur , averti ou non par ailleurs…
La figure en elle-même est un original romain d’origine grecque , comme la plupart des marbres romains conservés au Louvre , datant du IIeme siècle . Le matelas est quant à lui plus récent puisqu’il a été modifié au XVIIeme siècle à la demande du cardinal Borghèse, à Rome et taillé dans du marbre de Carrare.
Ainsi fait , Mesdemoiselles, Messieurs rendez visite à cet Hermaphrodite , qui j’en suis sûr , ne manquera pas de vous charmer…
Merci à vous d’avoir lu cette modeste bafouille, et à très vite pour de nouvelles découvertes louvresques…
Antoine Ferrand.
PS : Courrez découvrir Mantegna , maître parmis les maîtres de la Renaissance Italienne, qui prend ses quartiers d’hiver au Louvre…
One Comment
Gath
Je sens que je vais suivre ces chroniques avec assiduité. Merci de nous ouvrir au moins connu 🙂 et bravo pour le style