Un ténor introuvable dans Un bal masqué
L’Opéra de Paris nous offre une très belle production d’une oeuvre de Verdi peu jouée mais dont la partition est une des plus abouties. La distribution de ce Bal Masqué est alléchante, les décors très beaux, et l’orchestre irréprochable. Malheureusement, le ténor vedette, Marcelo Alvarez, souffrant, n’a pu se produire lors de cette première, et son remplaçant, Evan Bowers, souffrant lui aussi, n’a pu assurer tel qu’il se doit son rôle. On reste donc sur notre faim.
Un bal masqué est ici transposé dans les Etats-Unis de la deuxième moitié du XIXème siècle, avec pour trame l’assassinat du Président Abraham Lincoln, au lieu de celui, imaginaire, d’un gouverneur britannique de Boston à la fin du XVIIIème siècle. Une mise en scène belle et cohérente, avec une certaine ironie dans l’idée d’assassiner une nouvelle fois Lincoln dans un théâtre, fût-il lyrique.
Les décors, qui occupent allègrement l’espace offert par la scène de Bastille, sont beaux, signifiants, et pas trop tape-à-l’œil. Pour exemple le premier tableau, composé d’un amphithéâtre blanc au centre duquel trône un Riccardo dans son fauteuil calqué sur celui du mémorial Lincoln ; ou le premier tableau du deuxième acte, qui mêle figures mystiques occidentales et une esthétique vaudou, parfois un peu caricaturale. La quasi absence de couleurs peut parfois gêner, mais permet de geler la scène dans l’image d’une photographie noir et blanc qui fige un moment historique. On regrettera toutefois une direction d’acteurs minimalistes, et quelques lourdeurs, particulièrement dans le deuxième acte, chez Ulrica. La scène finale du bal reste cependant d’une très grande qualité, charmeuse, vivante et habile, dans le ton d’un carnaval vénitien.
Cette partition, justement, est absolument sublime, dans le ton des plus grandes œuvres de Verdi, tel Don Carlo. Ses chœurs sont splendides, certains airs inoubliables, et le final tout simplement grandiose. Elle est servie par un Orchestre de l’Opéra de Paris de bonne facture, dirigé par Semyon Bichkov, et surtout par un chœur, placé sous la direction de Peter Burian, juste et émouvant, rendant bien compte des subtilités mélodiques composées par le Maestro.
Du côté des interprètes, c’est beaucoup plus inégal. Déjà, ce ténor introuvable ne nous permet pas d’apprécier certains des passages les plus intéressants du Bal masqué, comme dans le deuxième tableau du deuxième acte. On attend avec impatience le retour de la star espagnole Marcelo Alvarez, ou alors le prompt rétablissement de son remplaçant, Evan Bowers, qui a tout de même fait preuve d’un grand courage dans ces conditions. A moins que Neil Shicoff, qui doit assurer les deux dernières représentations, ne puisseIl faut saluer la grande performance du baryton français Ludovic Tézier, agile et puissant, tout en finesse dans le rôle de Renato. Dans le rôle d’Amélia, la soprano américaine Angela Brown fait merveille, malgré une certaine faiblesse dans les graves, et fait des débuts prometteurs de ce côté-ci de l’Atlantique. Camilla Tilling est aussi très efficace dans les traits masculins d’Oscar, tout comme la mezzo Elena Manistina dans le rôle d’Ulrica. Les deux basses Scott Wilde et Michail Schelomianski, dans les rôles des comploteurs Tom et Sam nous offrent également une belle prestation.
Une très belle production, donc, en espérant qu’une solution soit rapidement trouvée pour le rôle du ténor qui, une fois n’est pas coutume chez Verdi, est central et essentiel dans cet opéra. Gageons qu’elle le sera, pour permettre à cette production d’être saluée à la mesure de sa très grande qualité.
Un bal masqué, melodramma en trois actes (1859) de Giuseppe Verdi
Direction musicale Semyon Bychkov, Paul Weigold (13, 16 juin, 7, 10, 13 juillet)
Mise en scène: Gilbert Deflo ; Décors et costumes: William Orlandi ; Lumières: Joël Hourbeigt ; Chef des Choeurs : Peter Burian.
Riccardo: Marcelo Alvarez / Evan Bowers (4 juin) / Neil Shicoff (7, 13 juillet) ; Renato: Ludovic Tézier ; Amelia: Angela Brown, Aprile Millo (7, 10, 13 juillet) ; Ulrica: Elena Manistina ; Oscar: Camilla Tilling ; Silvano: Jean-Luc Ballestra ; Sam: Michail Schelomianski ; Tom: Scott Wilde
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Opéra Bastille, les 4, 7, 10 (14h30), 13, 16, 19, 22, 25, 28, juin, 1er (14h30), 4, 7, 10 et 13 juillet 2007 à 19h30
De 5 à 150€
One Comment
bouchouna
oui on peut dire nimporte quoi sous condition de respecter les gergles de l ethique!