Retour sur le concert de Sciences Polyphonies en soutien aux femmes afghanes

À la mélodie captivante des plus beaux compositeurs européens de l’histoire, l’amphithéâtre Boutmy bondé a joint l’écho de femmes afghanes brimées et opprimées, en ce vendredi 26 novembre 2021.

Les musiciens ont accordé leurs instruments avec le chant sourd et inaudible de ces filles et femmes afghanes qui, depuis août, vivent à nouveau sous l’empire des talibans. Telle était l’ambition de la soirée : s’engager par la musique pour les droits de ces citoyennes en peine à se faire entendre. Pendant deux heures, étudiants, députés de l’Assemblée Nationale, invités et président de Sciences Po ont vibré au son des violons et encouragé un « engagement citoyen et humaniste » pour reprendre les mots de Mathias Vicherat, tout juste élu à la tête de Sciences Po. Retour sur cet événement organisé par Sciences Polyphonies, ONU Femmes France et SciencesPo Alumni.

Une science de la polyphonie

Pendant deux heures trop courtes, pianistes, chanteurs, violonistes et violoncelliste se sont succédés sur l’estrade de Boutmy, enflammant le public en réinterprétant des compositions classiques en formation de chambre. Tour à tour, nos camarades science-pistes ont repris Vivaldi, l’Ave Maria de Schubert en allemand, Brahms ou encore « Les Préludes » de Liszt. 

Elue initiative étudiante depuis deux mois à peine, Sciences Polyphonies a choisi, dès sa première sortie, de porter les voix des femmes afghanes pour qui le retour des talibans a réveillé la menace d’un retour en arrière, d’un recul de leurs droits qui rappellerait l’époque douloureuse de « l’avant 2001 » : l’interdiction d’aller à l’école, la dépendance financière et matérielle, l’exclusion de la vie publique. Cette menace s’est d’ailleurs matérialisée effectivement depuis le 15 août : désormais, la plupart des femmes se voient privées d’emploi, elles sont interdites de sortie si elles ne sont pas accompagnées par un tuteur masculin et les universités ont renoué avec la non-mixité. Dans ce contexte, le répertoire musical de la soirée a été minutieusement étudié et choisi pour répondre à la souffrance de ces millions de femmes et la porter jusqu’en France. Depuis le trio lyrique et passionné qui a ouvert la soirée avec Drones de Muse, jusqu’au quatre mains pianistique de haute volée tenu par Hugo Panonacle, président de Sciences Polyphoniques, et Nour Ayadi, musicienne professionnelle, sur Liszt, en passant par l’intervention musicale de David Bismuth sur le premier mouvement de la Sonate n°21 de Schubert, la musique aura été le relai de l’intense combat mené sur le front afghan pour la cause féministe. 

Union des nations contre les violences faites aux femmes

Le vendredi 26 novembre était également, comme tous les intervenants ont tenu à le rappeler, le lendemain de la Journée Internationale pour l’Élimination de la Violence à l’Egard des Femmes. Ainsi, le concert prenait place en pleine campagne internationale Seize jours d’action contre la violence liée au genre. Il bénéficiait également du haut patronage du Président de la République lui-même, Emmanuel Macron – ancien camarade de promotion de Mathias Vicherat à l’ENA. Le président de Sciences Po était d’ailleurs attendu ce soir à l’occasion d’une de ses premières prises de parole publique, auprès des étudiants de Sciences Po et sur un thème ô combien important au sein de notre établissement depuis le début de l’année 2021. À cette occasion, il a sobrement réitéré son soutien envers les femmes afghans et réaffirmé la lutte de Sciences Po contre toute forme de violence sexuelle et sexiste. Par la suite, Pascal Perrineau, à la tête du mouvement réunissant les anciens élèves de l’institution, Sciences Po Alumni, a également insisté sur la nécessité de venir en soutien à « la moitié du peuple afghan » pour qu’elle « retrouve toute sa place », mais également à « la moitié du monde » : « on ne peut pas faire comme si [cette moitié du monde, les femmes] n’existait pas ». 

À leur suite, l’amphithéâtre plein s’est ému d’entendre le témoignage de l’une de ces femmes venue d’Afghanistan : ancienne ministre de l’enseignement supérieur afghane, féministe courageuse et mère de 5 enfants, la Docteure Farida Momand faisait l’honneur à Sciences Po de venir y prendre la parole, traduite par les soins de Fahimeh Robiolle. En tant que première ministre femme à occuper ce poste entre 2015 et 2016, F. Momand a été à l’origine d’avancées majeures jusqu’à août 2021 : vote d’une loi officialisant l’interdiction des discriminations envers les femmes, mise en place du premier programme de Gender studies à l’Université de Kaboul, mise en place d’un accès biométrique à l’université… L’ancienne ministre nous a narré le climat d’insécurité qui a entouré sa candidature au poste de vice-présidente en 2019, les guerres et destructions vécues par sa génération qu’elle qualifie de « perdue », l’émancipation à front renversé des femmes de son pays. Mais la pédiatre de formation et médecin est également revenue sur sa fierté patriotique d’un peuple « qui n’est pas une nation vaincue », qui a combattu « l’obscurantisme, les talibans, Al-Qaida, Daesh ». Puis Farida Momand a fini sur une note d’espoir : « Je suis fière d’être avec vous qui représentez la jeunesse déterminée de la France ». 

Ne pas mettre à distance leur souffrance : faire un geste d’humanité à votre échelle 

Au terme des différentes interventions de la soirée, chacun a pu comprendre que chaque jour qui passe sans agir efface un peu plus les perspectives des filles et femmes afghanes de sortir de cette instabilité politique. Farida Momand a d’ailleurs rappelé la nécessité d’une aide humanitaire en Afghanistan : cette aide, c’est Céline Mas, présidente d’ONU Femmes France qui l’incarnait ce soir-là. Partenaire de l’événement, l’association a invité l’ensemble des participantes et participants à garder le coeur souple et à prendre avec soi la souffrance de ces femmes qui, bien qu’éloignées de dizaines de milliers de kilomètres, portent un combat et des valeurs qui sont tout autant celles qui nous animent ici en France, celles de liberté, d’indépendance et d’égalité homme/femme dans le vivre-ensemble. 

Pour porter ces valeurs et la cause des filles et femmes afghanes, chacun d’entre nous a la possibilité de se porter contributeur et d’agir, à son échelle, par l’intermédiaire d’un don à ONU Femmes France. Ces dons permettent, comme l’a rappelé Céline Mas, de financer le déploiement d’équipes sur le terrain même afin d’organiser une « réponse humanitaire », mais aussi de prévenir et d’éliminer les violences de genre tout en favorisant l’accession de femmes à des postes à responsabilité. Pour cela, rien de plus simple, il suffit de se rendre sur le site : 

https://donner-onufemmesfr.iraiser.eu/b/mon-don?_cv=1&cid=6

C’est grâce à l’association de plusieurs organisations aux intérêts croisés que le concert a été rendu possible : Sciences Polyphonies, ONU Femmes France, Sciences Po Alumni, Sciences Po. Le combat pour les droits des femmes et filles afghanes a été porté par la voix des musiciens et le cœur des intervenants de cette soirée, soirée qui a permis, pour reprendre les mots de Céline Mas, à « l’art d’élever nos âmes » et à « la beauté de nettoyer l’esprit ». 

Crédit image : ©Sciences Polyphonies, Facebook