Réponse à l’interview de Thomas Vautrin, président des “Engagés – Sciences Po Paris”

À la suite de notre appel au boycott des associations souhaitant convier des représentants de l’extrême- droite à Sciences Po, le journal étudiant « La Péniche » a lancé le débat « L’extrême-droite peut-elle entrer à Sciences Po ? » avec deux entrevues : Thomas Vautrin, président des « Engagés – Sciences Po Paris », et Sarah Bonvalet-Younès, membre de l’Union des Étudiants Communistes (UEC). Ce débat est essentiel et ne doit pas être évité. Nous souhaitons donc remercier la Péniche de lui permettre d’avoir lieu.

Parlons-sérieusement des faits.

Revenons quelques instants sur ce qui s’est passé et sur le décalage avec l’exposé fait dans l’article de la Péniche. Nous devions débattre entre sections politiques à l’invitation des « Engagés – Sciences Po Paris » et d’un média étudiant. Nous avons appris l’invitation d’Éric Zemmour et avons décidé collectivement de boycotter le débat.

Comment l’avons-nous appris ? Des discussions internes aux Engagés auraient fini par revenir à nos oreilles et pris d’un accès de rage, nous aurions décidé de boycotter. Vraiment ? Non pas vraiment. Des membres de l’UNEF Sciences Po ont été contactés. La demande était simple. Une invitation avait été lancée à Éric Zemmour pour le 25 novembre , l’UNEF devait s’engager à ne pas appeler au blocage en récompense de quoi ils auraient l’honneur de poser une question lors de la conférence… Si l’on nous demande des preuves, nous serons en mesure de les fournir.

Quelle réponse adopter face à l’extrême-droite ?

Nous voulons d’emblée couper court aux accusations injustes qui consisteraient à voir en nous des organisations sectaires, incapables de tolérer des différences de points de vue politiques.
On nous accuse d’avoir appelé au boycott d’une association car elle est apolitique et défend le débat démocratique plein et entier. En Allemagne, le tribunal constitutionnel fédéral peut interdire une organisation qui menacerait la démocratie. En France, le Président de la République a dissous « Génération identitaire » au motif notamment qu’elle promouvait un discours de haine. Sommes-nous ici face à des démocraties tronquées ? Ou des républiques qui, sûres de leurs valeurs, s’affirment contre leurs ennemis ?

Soyons sérieux. Le débat est un des exercices démocratiques par excellence, il permet d’apporter la contradiction, de confronter des idées, d’éprouver leur résistance à la lumière de celles de l’adversaire. Cependant, il suppose un élément fondamental : avoir des bases communes, des valeurs en commun. En France, ce sont celles de la République, héritées de la Révolution et des Lumières.

Le débat requiert de se fonder sur la raison. Peut-on dire que c’est le cas lorsque les chiffres sont presque toujours faux ? Les auteurs convoqués pour justifier des choses qu’eux-mêmes rejettent ? Et cette absence de rationalité sert des démonstrations sans honte de thèses intolérables, odieuses et finalement contraires à tout ce que la République porte depuis deux siècles. Non, les Dreyfusards ne sont pas coupables d’avoir divisé la France en défendant l’innocence d’un homme accusé à cause de sa religion. Non, le Maréchal Pétain n’a pas sauvé les Juifs français.

Si l’apolitisme ne permet pas de définir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, il devient dangereux. Les valeurs de la République doivent être à chaque instant notre boussole. On peut ne pas prendre parti entre la gauche, la droite et le centre, dans toutes leurs nuances, mais également considérer que l’extrême droite et son discours ne sont pas acceptables.

L’extrême-droite ne cesse de réclamer le débat pour diffuser son poison partout dans la société. Les résultats de notre lâcheté sont sans appel : d’après les sondages, 30% des votants seraient prêts à donner leur voix à l’extrême droite. Pourtant, les parangons de démocratie viendront nous expliquer que nous refusons le combat. Il est temps de vous demander qui est responsable de ce désastre. Pendant ce temps, nous continuerons à nous battre sans relâche face à la haine.

Europe Ecologie – Les Verts Sciences Po Union des Étudiants communistes de Sciences Po Génération.s Sciences Po Parti socialiste de Sciences Po

Crédit Image : ©Les Engagés (@lesengages_sciencespoparis)