PPS 2019 #2 : Derrière chaque grand orateur, il y a de grandes organisatrices
Mercredi prochain + Boutmy + 1 jury d’exception + 6 talents + des mots à en faire oublier les maux de chacun = la finale du Prix Philippe Séguin. On ne vous la présente plus. Vous avez évidemment compris où vous êtes convié, que vous soyez ancien concourant, demi-finaliste, vainqueur d’une édition précédente, ou même étudiant international souhaitant parfaire sa maîtrise de la langue de Clemenceau ou de Taubira, de Piaf ou de Brel.
En amont de la demie, La Péniche est donc partie à la rencontre de Salomé Lecroc (Présidente de Sciences Polémique et ancienne finaliste 2016), et Manon de Cabarrus (Vice-présidente organisatrice du Prix 2019, et ancienne finaliste 2018). La troisième organisatrice, Lucie Truchet, n’était pas présente, mais ses deux collègues ont tenu à rendre hommage à son travail.
La Péniche : Un PPS, ça prend combien de temps à organiser ?
Manon : Ça se prépare toute l’année, mais le gros du travail commence en janvier. Il y a toute une partie administrative à faire, puis il reste à contacter les jurés, créer les formulaires… A partir du moment où on lance les événements, le boulot s’intensifie : il faut répartir, donner un sujet à chacun, trouver un créneau pour chaque personne… On ne réutilise (presque) jamais les mêmes sujets.
Salomé : Le PPS, ça occupe ton esprit tout le temps parce que tu sais que ça va être la plus grosse douille de ton année associative ! Concrètement, on commence en janvier pour le calendrier et les partenaires. Dès début février, ça devient plus intense encore, avec le contact des campus pour organiser les sélections, il faut réfléchir aux visuels, programmer la communication sur Facebook… Je dirais que ça prend trois mois, et un an de charge mentale. Nos partenaires sont Vae Solis et La Française qui nous accompagnent depuis maintenant 7 ans, et EY depuis 2 ans. Ces partenaires promeuvent eux-mêmes au sein de leurs entreprises la prise de parole ; soutenir le Prix Philippe Séguin est un moyen concret de le faire à l’extérieur. Ils sont absolument essentiels, parce que sans eux on ne pourrait rien faire, on a besoin d’eux pour envoyer nos jurys dans les campus, faire venir les étudiants en région à Paris pour la demie et la finale, pour financer le trophée… Ce dernier est réalisé par Bernard Venet, et gravé chaque année avec une phrase en hommage à l’éloquence. C’est un objet assez prestigieux !
LPN : Et les sujets, où les dénichez-vous ?
M : Pour les qualifications, ils sont issus de la conférence du Barreau, et ont été utilisés par des apprentis avocats. Ça nous permet d’avoir de bons sujets, sachant que c’est compliqué d’en trouver 150 différents ! Pour la demie et la finale, on prend chaque année un thème qui nous tient à cœur. Cette fois, nous avons choisi la Poésie. Pour la demie, les candidats étaient confrontés à des poètes, et la finale, ce seront des poétesses…
LPN : Justement, on a ouï dire que les sujets de la finale sont inspirés de femmes célèbres, pourtant on constate qu’il y a toujours plus de candidats que de candidates, même si on connaît l’existence des formations l’Oratrice, ces modules mis en place par Sciences Polémiques… Quel est votre message à toutes ces talentueuses étudiantes qui s’auto-censurent ? Et encore plus, en tant qu’anciennes finalistes ?
M : C’est vraiment dommage, parce qu’on a eu des soirées de sélections avec très peu de filles… et beaucoup de garçons qui prenaient vraiment de la place. C’est regrettable parce que je pense qu’il y a derrière un vrai problème : une fille va se sentir moins légitime de prendre la parole devant une assemblée, de se dire « je mérite d’être écoutée ». C’est quelque chose que je déplore énormément, surtout quand on voit le ratio homme/femmes à Sciences Po : plus de femmes que d’hommes dans l’école […]. D’ailleurs on n’a jamais eu de finale paritaire. Chères candidates, vous n’êtes pas moins légitimes que vos confrères ; votre parole compte, votre parole sera écoutée, et vous avez un message à faire passer. Chaque expérience vécue va nourrir votre pensée, votre discours, et vous servira toute votre vie. Si je m’étais pour ma part posé trop de questions, ça m’aurait freinée : aujourd’hui encore j’ai une sorte de réflexe d’autocensure, et je dois me répéter que si je me suis retrouvée en finale, c’est que ma parole avait autant de valeur que celle d’une autre personne. Tout le monde mérite d’être écouté.
S : Je leur dirais qu’il faut faire un pas dans le vide, parce qu’un pas dans le vide, c’est déjà un pas en avant ! On aura beau faire preuve d’exemplarité, essayer nous même de nous montrer en tant que femmes qui prennent la parole en public, c’est aussi à elles de le faire. On a été à leur place : moi-même en première année j’étais extrêmement inhibée, je ne voyais que des références masculines en tant qu’orateurs, et c’est vrai qu’il faut quand même parler. Commencez par choisir un domaine qui vous est cher et dans lequel vous vous sentez à l’aise ; par exemple faites un premier discours engagé, très sérieux si c’est là que vous trouvez votre confort. C’est à mesure que vous vous sentirez à l’aise que la poésie et l’humour viendront. Mais il faut que vous vous lanciez parce que c’est en montrant que vous parlez que vous encouragerez d’autres femmes à parler à leur tour. C’est pour ça justement que le thème de la finale est bien « les poétesses d’ici et d’ailleurs ». Pour nous, c’est un moyen de mettre la parole féminine en exergue.
LPN : On parle beaucoup du PPS en ce moment. Selon vous quelle place occupe-t-il déjà à l’école, et quelle place voudriez-vous lui donner cette année, en tant qu’organisatrices ?
M : Cette année c’est la neuvième édition du prix, et je crois que c’est la première fois qu’il est organisé par trois femmes. C’est quelque chose que je trouve vraiment beau. Au sein de l’école, le PPS est déjà une Institution ; je me souviens l’avoir vu la première fois en 5e ! Et quand j’ai rencontré Fatoumata (deuxième prix en 2017), j’ai totalement paniqué, j’étais super intimidée ! Je pense que ce PPS 2019, je vais tout autant l’aimer, même si il aura forcément une saveur différente : l’année dernière j’étais dans la course, j’étais candidate, je ne dormais plus, je révisais mon discours jusqu’à point d’heure… Cette fois-ci, je pense avoir gagné en maturité, je vois les choses différemment. Ce que j’aime particulièrement cette année, c’est le coaching ! Chaque demi-finaliste a un coach, et hier soir par exemple, on a fait une répétition sur les quais de Seine jusqu’à minuit… Cela me permet de garder les pieds sur terre, sur ce que c’est le PPS, et ne pas de me perdre dans l’organisation. Le PPS était extrêmement bien géré l’année dernière, cette année on veut faire au moins aussi bien, et j’espère que ça sera mieux encore ! Pour moi de toute façon, ces deux éditions sont très différentes, mais les deux auront été exceptionnelles.
S : Pour moi, le Prix a une importance profonde. J’aimerais qu’il symbolise la démocratisation de la prise de parole. Comme on peut le voir dans les résultats de la demi-finale, il y a beaucoup plus de personnes du Collège Universitaire qu’auparavant, il y a un peu plus de filles… ça fait plaisir de voir que l’art oratoire, ça plaît aux gens, et que ce Prix est une plateforme pour s’exprimer de différentes manières. C’est-à-dire qu’on n’attendra pas un type de discours ou une forme d’éloquence en particulier. Pour Sciences Po, c’est LE concours d’éloquence de l’année, c’est quelque chose d’officiel, d’instauré, et l’école attend un certain standing que nous nous efforçons d’atteindre chaque année.
LPN : Si le PPS était une chanson, qu’est ce que ça serait ? Ou un animal ? Une couleur ?
M [réflexions et reformulation de la question à voix haute, puis] : Extrêmement mauvais ça, si un candidat commence à répéter la question, c’est que ça va pas ahah ! Je ne trouve rien !
LPN : Et pourquoi pas Paroles, Paroles, Paroles ?
M : Justement pas ! J’y ai pensé, mais moi je veux arrêter avec Paroles, Paroles, Parole. Je pense qu’il y a plus que ça derrière : je préfèrerais Paroles, Réflexions, Femmes ! Et pour la couleur, rouge évidemment.
S : Pour moi, ça serait Je ne mâche pas mes mots de Camille. Pour l’animal, ça serait une panthère noire, et pour la couleur comme Manon, rouge passion.
LPN : Même si vous connaissez déjà la composition du jury de la finale, quelle personnalité aimeriez vous voir trôner parmi les jurés ?
M : J’aimerais énormément qu’il y ait Michelle Obama.
S : J’ai une femme et deux hommes en tête. Premièrement j’aimerais bien Fabrice Luchini : on le sait, c’est un virtuose des mots. Après ça n’est peut-être pas le genre de spectacle auquel il voudrait se prêter, il y a un côté un peut trop trivial à son goût la dedans sûrement. La deuxième personne c’est Gaël Faye, une personnalité engagée, qui a pareillement une maîtrise absolument époustouflante des lettres. Et enfin Virginie Despentes. C’est une grande figure, une femme qui a de la gueule, qui a de la force, une grande autrice que j’admire énormément… Mais de même, je ne sais pas si le contexte se prêterait à elle et à ce qu’elle porte.
LPN : Pourquoi avez-vous accepté cette mission d’organisation du Prix ?
M : On m’a beaucoup donné l’année dernière, et ce prix m’a énormément apporté. Ça me tenait à cœur de donner aux autres ce qu’on m’avait transmis.
S : Cette mission, elle est un peu inhérente au poste de Présidente ; ce que j’en attends c’est un bel événement avant tout, auquel les gens prennent plaisir à participer. Je veux que tout le monde le tente. S’essayer aux sélections, c’est une belle opportunité de prendre la parole en public, puis en demie et en finale, c’est l’occasion de venir voir des camarades qu’on ne s’attend pas forcément à voir sur l’estrade. Je souhaite aussi à chacun de venir entendre les textes des discoureurs, parce qu’ils ont une dimension profonde qui peut faire écho en nous. J’ai personnellement été marquée, alors que je préparais Sciences Po, par le discours d’une ancienne finaliste, discours que je n’oublierai pas !
LPN : Dernière question, avez-vous un petit conseil à donner aux six finalistes ?
M : C’est un des meilleurs moments de votre scolarité, alors profitez-en vraiment !
S : No limit ! No limit dans le respect des uns et des autres !
La Péniche : Et PS ?
Manon et Salomé : PS ? PPS !
Propos recueillis par Etienne de Metz