Essayiste, polémiste, science piste : portrait d’Octave Nitkowski

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Octave Nitkowski et son livre « Le Front national des villes et le Front national des champs » dans l’amphi Boutmy. Photographie par Amal Ibraymi.

« S’ils m’attaquent pour atteinte à la vie privée, on en parlera encore plus ». Pari gagné. Assigné par le Front National devant le tribunal de grande instance de Paris, Octave Nitkowski -en première année à SciencesPo- a connu ces dernières semaines une exposition médiatique assez rare pour un jeune étudiant de 17 ans.

La publication de son essai, Le Front national des villes et le Front national des champs a en effet été interdite pour avoir révélé l’homosexualité de Steeve Briois -tête d’affiche du FN d’Hénin-Beaumont- et de son compagnon dont nous préférons taire le nom : il semblerait que le FN soit allé jusqu’aux bureaux australiens du journal Metro pour se plaindre après que le gratuit ait révélé l’identité du compagnon de Briois.

 

Un coming-out qui fait débat

Finalement, le livre d’Octave est paru en librairie début janvier dans une version expurgée des passages contestés. Les péripéties judiciaires de l’essai ont d’ailleurs offert à Octave une com’ inespérée tout en renforçant la visibilité d’un coming-out qui aurait pu passer inaperçu : Steeve Briois n’a pas gagné grand-chose dans cette affaire, si ce n’est de figurer dans la très longue liste des victimes de l’effet Streisand. Octave, lui, a bénéficié d’un nombre important de soutiens, à l’image d’Olivier Duhamel ou de l’Association des journalistes LGBT qui regrettait que « l’homosexualité devait forcément être tue, cachée.» C’est justement au nom d’une « vision décomplexée »  de l’homosexualité qu’Octave justifie sa démarche, saluée par Têtu et Hétéroclite : une véritable icône gay en puissance.

Marine Le Pen et Steeve Briois, probable futur maire d'Hénin-Beaumont.
Marine Le Pen et Steeve Briois, tête d’affiche du Front National  à Hénin-Beaumont.

Vision décomplexée ou dérive en matière de transparence ? La question mérite d’être posée. Pour le compagnon de Briois, conseiller obscur qui n’a ni page Wikipédia ni page fan Facebook (c’est dire !) l’affaire a évidemment eu des conséquences importantes sur sa vie privée. Dans ce cas, la transparence absolue ne va-t-elle pas à l’encontre du droit des individus à garder secret ce qu’ils désirent ne pas voir s’ébruiter : peut-on vraiment dénier ce droit à l’ami de Briois au nom d’une vision « décomplexée » qui n’est visiblement pas partagée par les principaux concernés ?

Un autre argument est alors avancé par Octave et son éditeur pour justifier la démarche du livre : c’est l’homosexualité de ces deux conseillers influents de Marine Le Pen qui explique le faible engagement de la présidente du FN dans la bataille contre le mariage pour tous. Mais là encore, l’argument est contestable. La position de Marine Le Pen sur le mariage gay dépend de bien d’autres facteurs, ce qu’Octave analyse parfaitement également : il n’hésite pas à rappeler que « ça n’est pas ça en premier lieu qui explique le positionnement de Marine Le Pen » mais que la position de l’électorat FN, loin d’être unanime sur la question, a également pesé dans la balance. Ainsi, d’après un sondage du CSA pour BFM datant de mai 2013, seuls 56% des électeurs de Marine Le Pen en 2012 étaient favorable à l’idée d’abroger le mariage pour tous. Soit moins que chez les électeurs de Nicolas Sarkozy.

 

Un essai jugé « extrêmement intéressant et nécessaire »

Mais à force d’évoquer les mésaventures judiciaires d’Octave qui l’ont contraintes à reporter son oral d’IP  pour aller au Palais de Justice (ce qui est avouons le, l’excuse la plus swag au monde.), on en oublierait presque son livre. Un essai jugé « extrêmement intéressant, passionnant, salutaire et nécessaire » par Michel Field. A Libération, Quentin Girard fut moins enthousiaste : le livre est « plutôt décevant » se contentant « de grandes analyses générales et quelques visions prophétiques». Le constat est sévère  : les analyses qui y sont développées, tout en rejoignant celles des politologues les plus confirmés, de Pascal Perrineau à Nonna Mayer, se distinguent également par un vrai talent pour la vulgarisation.

L'enfant du bassin minier qu'est Octave Nitkowski a bien accepté de nous recevoir au café de Flore. Photographie : Amal Ibraymi.
L’enfant du bassin minier qu’est Octave Nitkowski a bien accepté de nous recevoir au café de Flore. Photographie : Amal Ibraymi.

L’essai d’Octave Nitkowski dresse un portrait sociologique de l’électorat du Front National en France dont les caractéristiques se trouvent concentrées de manière étonnante à Hénin-Beaumont.

D’un côté, la prolétarisation du discours de Marine Le Pen lui permet d’obtenir des francs succès dans les bassins miniers et les villes ouvrières victimes de la mondialisation, à l’image de Hénin : Octave parle de « droite prolétarienne » pour qualifier ce nouveau discours frontiste, dans un esprit au fond similaire à celui de Raphaël Liogier qui voit ce FN ouvriériste comme un parti « national et socialiste« .

D’un autre côté, le FN croit également dans les territoires ruraux, en voie de désertification, à l’image du village agricole qu’est Beaumont. « La diagonale du vide de la Meuse aux Landes en passant par la Corrèze et la Dordogne offrent un terreau favorable à l’éclosion du FN » note-t-il. Le politologue Charles Fourquet dresse un constat tout à fait similaire  : en 2012, le FN a réalisé des percées importantes dans le « espaces périurbains voire ruraux , (…) regroupant les communes rurales et les petites villes situées entre vingt et cinquante kilomètres  des grandes agglomérations. »

Mais en dressant ce portrait d’un FN des villes ouvrières et d’un FN des champs ou plus généralement des espaces du grand périurbain, Octave fait un choix -assumé- de laisser de côté la troisième composante (et non la moindre) de l’électorat du FN qu’est le front sudiste, celui de Gilbert Collard et Marion Maréchal où le Front National reste ultra-libéral et poujadiste, dans la droite lignée du Le Pen des années 80 qui se faisait le porte-parole de Thatcher et Reagan : à l’opposé complet du FN nordiste d’Hénin-Beaumont où le candidat à la mairie est un fils d’anciens communistes qui n’hésite pas à saluer la mémoire de Pierre Mauroy… Ce grand écart entre le FN nordiste et sa variante sudiste illustre pourtant à merveille l’«hétérogénéité d’un électorat qui n’a de sens commun que la perte de repère» analysé par Octave.

 

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L’essai d’Octave Nitkowski est disponible partout (ne va pas non plus le chercher chez ton charcutier), même à la librairie de SciencesPo.

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Une année 2014 décisive pour Octave et Hénin-Beaumont

Pour Octave, qui enchaîne les plateaux télés et les cafés-débats dans le cadre de la promotion de son livre, l’année 2014 s’annonce chargée. Le second tome de son essai qui sera consacré à la fédération du Nord du Parti Socialiste (dont on connaît l’étendue du talent pour la prévarication) devrait sortir au courant du printemps 2014 avant de conclure la trilogie à la rentrée prochaine par un ultime ouvrage consacré aux élections municipales qui se tiendront à Hénin-Beaumont en mars prochain.

Déjà, le tout jeune essayiste annonce la couleur : il n’hésitera pas à égratigner un PS véreux et surtout Jean-Luc Mélenchon, qui après un parachutage peu concluant a complètement déserté la région : « il faut bien taper sur Mélenchon pour montrer que je suis pas simplement anti-Front National » nous dit-il le sourire aux lèvres.  De ce second tome, on attendra également des révélations sur les dernières élections législatives dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais où Philippe Kemel avait battu Marine Le Pen avec peu de voix d’écart (tout juste 118) mais beaucoup de soupçons de fraude à l’encontre du socialiste : de quoi nourrir la possibilité d’annuler l’élection, finalement rejetée par le Conseil Constitutionnel. 

Enfin, l’ultime essai de la trilogie nitkowskienne sera consacré à des élections municipales qui s’annoncent décisives. Dans la seule ville d’Hénin-Beaumont, Marine Le Pen avait obtenu 55% des suffrages au second tour des législatives et 48% au premier tour : de quoi nourrir des espoirs de victoire pour Steeve Briois. D’ailleurs, Octave en est convaincu, la mairie d’Hénin-Beaumont passera au FN, et ce probablement dès le premier tour, malgré un récent sondage donnant Briois perdant avec 46% des voix au second tour auquel il ne croit guère.  On saura dans moins de deux mois si ce pronostic était juste : l’occasion très certainement de retrouver la plume pleine de promesses qu’est celle d’Octave Nitkowski.

2 Comments

  • Djougachvili

    « L’enfant du bassin minier […] a bien accepté de nous recevoir au café de Flore. » La fabrique du Parisianisme.

  • Charlie

    Octave, tu es le camarade de classe le plus impressionnant que j’aie jamais eu ! Merci pour ton charisme, bisous bisous. Triplette 5 foreverrr 🙂

    Charlotte