Memoria de Jazzy Bazz : La Track a écouté pour vous !

Dans le cadre des élections des initiatives étudiantes de Sciences Po qui se tiennent du 2 au 4 février 2022, La Péniche est partie à la rencontre d’étudiant.e.s à l’origine de certains projets.

Passionnés de rap, venez vibrer et partager votre amour de la culture Hip-Hop. Conférences, playlists participatives, soirées avec du « gros son », c’est par ici ! Pour vous donner un avant-goût, deux membres de La Track vous offrent leur analyse du dernier album de Jazzy Bazz. 

NDLR : cette interview est réalisée à titre informatif et ne constitue pas une incitation à choisir le projet présenté.

Les astres semblaient déjà alignés quand se sont enchaînés les éléments de promotion de Memoria. D’abord, la diffusion du clip de Panorama qui laissait apparaître les attendus d’un album actuel d’un membre de l’Entourage : esthétisme, efficacité, et rap pur. Pas de chichis, des mots et une prod pour garantir la symbiose entre deux MCs désormais renommés, Jazzy Bazz et Alpha Wann. S’ensuivent un passage humoristique sur Konbini (dédicace singulière à Francky Vincent) et la sortie d’Element 115, flamme olympique de l’album. Découverte

Le 21 janvier 2022, le rappeur parisien Jazzy Bazz a sorti son quatrième album solo, Memoria. Entre cette sortie et celle de sa dernière sortie solo Nuit, sorti en 2018, le membre de l’Entourage a présenté en 2021 un projet commun avec Edge et Esso Luxueux, Private Club, ainsi qu’une trilogie d’EP, Memento. C’est après ces projets que l’artiste revient avec un nouveau disque solo. Le dernier album studio en date, Nuit, avait une allure beaucoup plus chantée, assez éloignée de la veine kickage qui fait la fierté des membres de l’Entourage. Memoria fait la synthèse de l’évolution musicale du rappeur sur ces dix dernières années, complétant la dimension plus mélodique exploitée auparavant par un ADN de rimes et de rap “pur” qui satisfait les attentes que le public avait vis-à-vis de ce retour en solo. Memoria, c’est 17 titres, 7 feats, et plus de 12 500 ventes en première semaine. Si l’artiste jouissait depuis longtemps d’un succès d’estime solide dans la scène rap française, Memoria semble aussi être une vraie réussite commerciale, signant le meilleur démarrage de la carrière de Jazzy Bazz et laissant espérer son premier disque d’or dans les mois à venir.

La première qualité du projet, c’est son écriture. La réputation de lyriciste de Jazzy Bazz ne date pas d’hier. Il a pu par le passé démontrer son talent d’écriture dans ses projets précédents, dont la masterclass 64 mesures de spleen. Sur Memoria, le rappeur réaffirme son sens de la formule dans ses morceaux, mettant son style au service de la narration d’une profonde mélancolie qui touche le cœur de l’auditeur.

Pour la production de l’album, il a su s’entourer de beatmakers talentueux qui offrent au disque une toile de fond instrumentale d’une grande qualité. La prod de l’intro, Memoria,  en est un très bon exemple, une pépite signée Monomite et Mad Rey, deux producteurs qui accompagnent l’artiste depuis longtemps dans ses projets solo. Dans une période d’overdose de drill, style de rap auquel beaucoup s’essayent sans réussir à s’y adapter, on retrouve une ambiance nocturne où des sonorités jazz accompagnent les hi-hats et la basse irrégulière caractéristiques de la drill. Un mélange contre-intuitif mais extrêmement efficace qui permet de dresser le décor de l’album, où de nombreuses influences musicales se rencontrent pour créer un univers unique dans lequel le rappeur évolue.

L’album est ambitieux en featurings, avec 7 feats pour 17 titres.  Jazzy Bazz s’offre des invités de marque, Laylow, Alpha Wann, Nekfeu, Edge, Josman et Rodbloc. Les performances sont toutes appréciables, on notera surtout un Nekfeu stratosphérique sur Élément 115. Même si l’instrumentale pourrait toucher légèrement plus d’originalité, l’embrasement des deux MC fait taire et présente une musicalité agréable à l’oreille qui nous rappelle le style d’un Jazzy Bazz qui s’était retiré depuis presque 4 ans. Panorama (en feat avec Alpha Wann)et Élément 115 témoignent d’une volonté commune de ces amis de longue date d’alimenter un esprit de compétition sur chacun de leurs feats pour proposer des sons purs. Plus simplement, on a la sensation euphorique d’entendre du rap, rien que du rap, et à un niveau plus que professionnel. Le plus surprenant reste la collaboration avec Laylow. En effet, l’auteur du fantastique Trinity s’allie parfaitement à Jazzy Bazz, et de cette rencontre résulte un morceau où le rappeur parisien sort de sa zone de confort pour accompagner les sonorités signatures de Laylow. .RAW spleen est un morceau plus que réussi, la prod est superbe et un solo de saxophone interprété par le père de Jazzy Bazz clôture le son avec brio. Le tout crée une atmosphère incroyable qu’il serait presque dommage d’essayer de décrire tant elle est particulière. Véritable étoile filante sur l’album, .RAW spleen est probablement le morceau qui prouve le plus la versatilité du rappeur parisien.

Ajouter autant de feats sur l’album est un pari risqué vis-à-vis de la place laissée à l’artiste pour développer son ADN propre avec des identités aussi marquées chez ses invités. Ce pari est néanmoins amplement réussi, les feats permettant d’oxygéner un album qui peut parfois perdre son rythme.

Malgré tout, Memoria est sans aucun doute un bon, voire très bon album, et on ne peut que vous recommander de l’écouter. Malgré ses dix ans de carrière, le rappeur semble loin d’être à court d’idée, et signe un album qui laisse espérer une année 2022 pleine de projets d’une qualité similaire dans le rap français.

Matthieu Benedetti & Léopold Titeux