À La Haye avec IJM

« Tu pourras dire à tes petits-enfants que tu as assisté à un procès pour crime contre l’humanité. » C’est avec cette accroche ô combien audacieuse que l’association International Justice Mission Sciences Po ( IJM pour les intimes ) m’a convaincu de l’accompagner à La Haye, aux Pays-Bas, au beau milieu d’un froid et brumeux mois de février.

Pourquoi la Cour Pénale Internationale  pour le procès Gbagbo ? 

 

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Pour son tout premier voyage, la jeune association avait vu les choses en grand. En effet, La Haye est un haut lieu de la justice, puisque la ville abrite depuis 2002 le siège de la Cour Pénale Internationale. La Cour Pénale Internationale, c’est la seule juridiction universelle et intemporelle, et son rôle est de juger les personnes accusées de crimes contre l’humanité, autrement dit de « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ». Depuis janvier 2016, Laurent Gbagbo, ex-président de la Côte d’Ivoire, est sur le banc des accusés. Pourquoi ? Gbagbo est accusé d’avoir tenté, en tant que président sortant, de conserver le pouvoir dans son pays suite à une élection perdue. Et ce « par tous les moyens, y compris en commettant des crimes ». Un doux euphémisme, puisque d’après les chiffres de l’ONU, le conflit post-électoral, datant de 2011, aurait fait près de 3000 morts en cinq mois.

Une expérience au cœur de la justice internationale

Le but de l’expédition hollandaise organisée par IJM était donc de nous permettre d’assister à l’une des nombreuses audiences du procès Gbagbo. Nous avons donc eu la chance d’entrer dans la forteresse du droit international, la Cour Pénale Internationale ( la CPI pour les intimes ). Évidemment, on n’entre pas dans la CPI comme dans un moulin : comme à l’aéroport, il faut passer le contrôle passeport, traverser un portique de sécurité et remplir un questionnaire afin de prouver que vous n’êtes pas un dangereux terroriste.

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À l’intérieur de la CPI, une salle, dans laquelle nous nous installons. Elle est composée de gradins, qui surplombent la salle d’audience. De là, on peut voir les juges, le parquet, le procureur – théâtral défenseur de l’humanité face à l’accusé – et Laurent Gbagbo, sur la droite, immobile comme une statue de marbre. En ce vendredi 17 février, le centre de l’attention n’est pas le président ivoirien, mais l’un de ses collaborateurs, directeur général de la police à l’époque des événements. Les questions pleuvent, et le témoin répond en laissant parfois des imprécisions qui agacent le procureur. L’audience dure une heure et demie. Quand on sait qu’elles ont lieu cinq jours par semaine depuis un an et que le procès est parti pour durer jusqu’en 2019, on comprend qu’un tel procès nécessite une grande endurance pour tous ses acteurs, qu’il s’agisse des juges, de l’accusation ou des parties civiles. Et en ces temps troubles où la justice fait l’objet d’attaques politiciennes des deux côtés de l’Atlantique, la voir en action était une expérience particulière, a fortiori puisque l’homme qui était jugé, Laurent Gbagbo, l’était pour le crime le plus grave qui puisse être commis par un individu.

La Haye, une ville qui abrite bien plus qu’une instance internationale 

Mais si la raison de ce voyage était le procès Gbagbo, IJM n’a pas pour autant oublié de nous faire profiter de la vie trépidante de La Haye ! L’autre capitale des Pays-Bas regorge de bars, de restaurants sympathiques, de magasins et de coffee shops ( à éviter pour les plus jeunes lecteurs de La Péniche ). Elle possède même un très beau front de mer qui s’étale le long de la Mer du Nord. L’idéal pour un « feestelijke weekend », comme diraient nos amis amateurs de moulins et de tulipes. C’est d’ailleurs le grand paradoxe de La Haye : à quelques encablures du temple de la justice universelle, la vie suit normalement – et agréablement – son cours, de jour comme de nuit.

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Une expérience réussie, donc, pour International Justice Mission. Pour le plus grand bonheur de Theo Cottier, son jeune et fringant président : « Comme on est une petite association, il fallait qu’on fasse un gros truc pour montrer qu’on est une équipe qui est capable de faire de grandes choses en partant de rien. Aujourd’hui, il y a même des professeurs qui ont entendu parler de notre voyage et qui ont salué l’initiative. » Autant dire que ce premier voyage ne sera certainement pas le dernier pour IJM, qui compte déjà une dizaine de membres actifs. « On a plein de projets prévus, et qui vont bientôt arriver » nous dit Theo Cottier avec malice. On ne peut que s’en réjouir !