La sociologie d’Annabelle Allouch

annabelle_allouch.JPGAnnabelle Allouch est doctorante à Sciences Po, dans le cadre d’un entretien, elle explique et interprète son parcours et nous livre sa vision du doctorat.

Annabelle Allouch m’a contactée la première dans le cadre du sujet de sa thèse: “Les Grandes Écoles comme acteurs des politiques de lutte contre les discriminations scolaires et sociales : les dispositifs d’ouverture sociale dans l’enseignement supérieur sélectif en France et en Grande-Bretagne” sous la direction d’Agnès Van Zanten, à l’Observatoire Sociologique du Changement.

Elle s’intéresse notamment aux Conventions d’Education Prioritaire, dont je suis issue. Elle souhaitait poser des questions sur mon lycée, le concours de Sciences Po, les découvertes que j’y avais faites. J’ai oublié le rendez-vous. Donnée non-fiable.

Entre-temps, je m’étais mise en tête d’écrire des portraits pour LaPéniche afin d’affiner ma plume et mon sens du journalisme. Acceptée au rang des rédacteurs, je me rends au second rendez-vous d’Annabelle Allouch.

Je la rencontre en vert, violet, rose, bucolique. Elle n’est même pas rancunière. Nous nous installons au Basile, “deux cafés s’il vous plaît”, et l’entretien commence.

Son parcours est atypique et digne du paradigme atomisitique de Weber. D’origine marocaine, issue d’un milieu peu favorisé, elle obtient un bac L dans les Yvelines et entre à Sciences Po. Dès le lycée, elle se sent différente et veut faire de la sociologie. Post-bac, elle a le sentiment que ses connaissances ne lui permettent pas d’aller assez loin et fait un DEA en Sciences Politiques à Paris I, puis un deuxième en Sociologie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Elle se fait embaucher en parallèle à l’Assemblée Nationale en tant qu’assistante parlementaire. Elle retourne à Sciences Po et commence son doctorat.

Elle raconte ses débuts à Sciences Po. L’entretien prend une tournure plus personnelle. Elle vient d’un lycée difficile et l’entrée à Sciences Po est vécue paradoxalement comme un grand bonheur puis comme un choc. Déprimée, elle en vient à douter de ses capacités d’intégration. De cette difficulté est venu un besoin de comprendre et d’aider les élèves venus de banlieue. Elle s’intéresse en particulier au processus sociologique qui les pousse à tenter Sciences Po. C’est avec la rigueur sociologique qu’elle enchaîne.

Elle m’explique que la sociologie n’est pas seulement de l’analyse. Cela sert avant tout à porter la parole des gens, avec ce qu’elle nomme “l’éthique de la Socio”. Elle s’intéresse à son aspect multiple : complet, humain, analytique, politique, logistique. Elle espère bien-sûr que ses recherches aient un impact et déplore l’influence limitée des sciences sociales.

Elle s’inquiète de l’avenir des doctorants bien qu’elle soit consciente des “conditions exemplaires” qu’offre son labo. Elle reconnaît enfin que le fait d’avoir un salaire et une reconnaissance sociale relativement faible par rapport à l’investissement dans une thèse n’est pas toujours réjouissante.

Ces regrets prennent au fil de la conversation une nouvelle dimension; elle vit la sociologie et pense le doctorat comme un métier à part entière et une formation à la fois. La recherche est un choix personnel, c’est un métier prenant. La sociologie correspond à une vision de la vie et de la société.

Je tiens à remercier Annabelle Allouch pour la qualité de sa contribution.

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