LE MAG – La semaine cinéphile du Mag’

Wrong Cops, de Quentin Dupieux

C’est l’histoire d’un flic, Duke, qui deal de l’herbe en la fourrant dans des rats morts. Quentin Dupieux revisite la figure américaine, récurrente, du flic corrompu et rebelle au système, en nous plongeant dans le quotidien déjanté de toute une bande de Wrong cops : un fétichiste des grosses poitrines, un borgne qui compose de l’électro, un ex acteur de porno gay qui cherche le jackpot dans le jardin de son pavillon propret, à Los Angeles.

Source : Allociné
Source : Allociné

En rassemblant six courts métrages au montage, Quentin Dupieux donne un rythme scandé et haletant à son film, qui rejette le schéma narratif classique. Quant à la bande son électro, composée par Dupieux lui même, plus qu’un accompagnement bien choisi, elle est parti intégrante du scénario. Pour le réalisateur-compositeur, ce rapprochement n’est pas un hasard : on ne demande jamais à la musique d’avoir un sens, dès lors pourquoi une comédie le devrait-elle ? Revendication d’une liberté totale qui se retranscrit dans un polar dégénéré absurde. Il suffit de voir Marilyn Manson, sans maquillage et avec des bagues – sur les dents, oui oui – pour comprendre que nos repères vont être sacrément mis à mal. On s’attend presque à une heure et demie de grand-n’importe-quoi, sous prétexte d’une prétendue démarche conceptuelle d’un cinéma de l’absurde.

Or, loin de céder à cette facilité, Dupieux nous prouve avec audace qu’il maîtrise parfaitement son scénario, mettant de l’ordre dans son propre chaos. Ainsi s’étonne-t-on du réalisme avec lequel Mark Burnham et Eric Judor, le flic bedonnant et son collègue difforme, adoptant le ton très sérieux de deux critiques, se donnent la réplique: « Même une pub pour Tampax n’en voudrait pas. » / « Y’a des tubes Tampax qui sont vraiment cools » !

Judith Lienhard

 

 

Her, de Spike Jonze

Les premiers sourires, les premières déclarations, les premières sérénades, l’amour, le vrai. C’est un peu ça, Her, réalisé par Spike Jonze et Oscar du meilleur scénario original. Un amour qui nous transcende: entre un homme de chair, joué par Joaquin Phoenix qui atteint des sommets d’interprétation, et Scarlett Johansson, toute en douceur et en sensualité, présence invisible mais inoubliable. Un amour qui ne se voit pas, entre l’homme et la machine. On pourrait parler de Her comme un film sur les nerds et pour les nerds,  qui croit au plus profond de son esprit, que la technologie est son seul allié. En effet, la genèse de Her est la rencontre entre Théodore Twombly, un écrivain qui excelle dans son art mais se perd dans sa solitude et Samantha, un OS, un être virtuel qui ne se manifeste que par sa voix.

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Source : Allociné

En réalité, la technologie, le futur ou se déroule l’histoire n’est qu’un prétexte. Her n’est pas un film sur la science-fiction, mais un film sur l’homme: il rend compte des relations humaines dans leur plus grande pureté, de l’amour qui n’est que platonique, sans corps. Clippeur émérite, Spike Jonze atteint avec ce film le paroxysme de l’univers qu’il a pu imaginer dans Adaptation ou Max et les Maximonstres: un monde qui nous dépasse, portrait de notre solitude inévitable, de notre volonté de vivre inévitable. Hélas, ce portrait d’une relation amoureuse agitée et déroutante, se retrouve réduit à son pitch et ne reste qu’une extension du concept présenté dans le film. On trouve dans Her une obsession de l’originalité, jusque dans le personnage de Samantha, qui ne reste qu’une entité sans jamais sortir de son rôle de machine. Surtout, Her manque d’une direction artistique forte, la mise en scène se réduisant à une stylisation du dialogue (les conversations se suivent et se ressemblent) et du visage, omniprésent, de Joaquin Phoenix.

Il est évident que l’influence du clip est important chez le réalisateur, car la beauté de l’image prend souvent le dessus sur la qualité de la narration. Tout comme ses personnages, le film peine à se matérialiser, à s’affirmer. Le postulat du film, l’idée que l’homme aime l’idée d’être amoureux plus qu’il n’aime l’être aimé, est représentatif de ce que film peut nous faire ressentir. Un bon moment, mais on a du mal à se laisser convaincre.

Maëva Saint-Albin