« Je ne suis pas mort en 1981 ! », Robert Badinter face aux étudiants de Sciences Po-Sorbonne Université
Le jeudi 29 septembre, l’amphithéâtre Emile Boutmy a accueilli l’ancien Garde des Sceaux de François Mitterrand, dans le cadre d’une conférence exclusive accordée aux étudiants en double- diplôme avec Sciences Po Paris et Sorbonne Université.
Rares sont les hommes dont le simple nom évoque un combat tout entier. Plus rares encore sont ceux à l’avoir emporté. Robert Badinter fait sans aucun doute partie de ces hommes-là. Avocat, professeur de droit, sénateur, ancien ministre de la Justice et Président du Conseil constitutionnel, l’ancien proche de François Mitterrand est indissociable de son engagement contre la peine de mort en France, qu’il parvint à abolir en 1981. Robert Badinter, désormais âgé de 94 ans, a accepté de participer à une conférence exclusive organisée par SPIV, l’association des bi-cursus Sciences Po-Paris IV et l’association Lire pour en sortir, dans l’amphithéâtre Emile Boutmy, toujours dans ce désir de transmission qu’il n’a jamais perdu durant sa longue carrière.
Naturellement, les étudiants ont été très curieux de connaître les ressentis et anecdotes que M. Badinter a pu leur livrer sur son combat contre la peine capitale. L’ancien professeur de droit a ainsi narré les coulisses de ces évènements historiques, évoquant notamment ses dialogues avec le Président de la République François Mitterrand, et sa surprise devant la célèbre réplique de ce-dernier à la télévision : « Je suis contre la peine de mort ».
Ne pas vivre dans le passé
Mais après plusieurs questions, concernant notamment le fonctionnement de la Prison de la Santé, où furent guillotinés les derniers condamnés français, l’ancien Garde des Sceaux n’a pu s’empêcher de réagir avec humour :
« Je ne suis pas mort en 1981 ! ».
Robert Badinter a tenu à souligner que ce combat fait désormais partie d’un passé lointain, de maintenant plus de quarante ans ! Bien qu’il comprenne cette fascination pour cette lutte emblématique, l’ancien ministre défend que l’homme, en particulier lorsqu’il est engagé, ne doit pas vivre dans le passé avec le souvenir de causes dépassées, mais désormais se tourner vers l’avenir et ses nouveaux enjeux, car « le passé est mort, mais le présent est vivant », poursuit-il.
De nouveaux combats à mener
Si l’abolition de la peine de mort est acquise pour Robert Badinter, ce-denier a également confié aux étudiants les combats qu’il continue encore aujourd’hui de mener.
Si en France, la peine capitale est « un lointain passé », elle demeure une réalité dans de nombreux pays à travers le monde, y compris dans des états démocratiques. Faisant déjà partie des animateurs du premier Congrès mondial contre la peine de mort de Strasbourg en juin 2001, M. Badinter continue sa lutte pour une abolition universelle.
Néanmoins, il a souligné aux étudiants que persistent bon nombre d’imperfections dans le système judiciaire français, en particulier carcéral. « Une honte », pour l’ancien Garde des Sceaux. Engagé pour la réinsertion des détenus, il défend désormais la nécessité d’une profonde réforme du système carcéral, qui oublierait le droit le plus fondamental de l’homme, celui « de devenir meilleur » selon ses mots.
« Vous ne manquerez pas de causes justes »
Si le poids de l’histoire et de ses accomplissements peut apparaître écrasant, Robert Badinter a invité les étudiants à s’engager dans le milieu associatif pour défendre ce qui leur tient à cœur. « Vous ne manquerez pas de cause juste », déclare-t-il avec bienveillance mais aussi une pointe d’inquiétude. Au sujet de l’Ukraine, il admet qu’il ne pensait pas connaître le retour de la guerre en Europe.
Nul doute que son intervention et son témoignage marqueront cette promotion Sciences Po-Sorbonne, et sa cohorte 2021-2022 : “Badinter”. Après une photo collective, celui qui laissera une empreinte indélébile dans l’histoire de France se retourne une dernière fois face aux étudiants de l’amphithéâtre, concluant sur ces mots teintés d’espoir et de confiance et peut-être aussi de défi : « Allez, bonne chance les enfants ».