Damien Joliot, Chargé de mission RH chez ING Direct


Damien Joliot, diplômé de Sciences Po en 2006, travaille actuellement au sein du département Ressources Humaines d’ING Direct.

Il a accepté de nous donner sa vision RH du profil Sciences Po:

Quel poste occupez-vous actuellement ? Et après quel parcours ?

Diplômé en février 2006, je suis arrivé à Sciences Po en 2003 après une école d’ingénieur (Centrale Marseille). A l’époque, la scolarité de Sciences Po n’était pas encore organisée en masters et j’ai suivi les enseignements de la majeure Ressources Humaines, l’ancêtre du Master GRH actuel. Après mon diplôme, J’ai rejoint ING Direct France, filiale du Groupe néerlandais. Dédiée à la banque directe, ING Direct est une structure à taille humaine, jeune et très dynamique, dans laquelle j’ai eu la chance de travailler sur toutes les problématiques de la fonction RH (organisation, administration du personnel, recrutement, rémunération, formation, relations sociales, reporting, etc.).

Quelles sont les forces du profil Sciences Po ?

A mon sens, Sciences Po apporte une formation intellectuelle fondamentale tout autant que de fortes capacités de synthèse et d’expression. Le point fort du cursus, et notamment des enseignements de tronc commun, est de permettre d’appréhender, problématiser et présenter des situations complexes. Les enseignements professionnalisants délivrent ensuite davantage aux étudiants des clés ouvrant à des domaines d’activité particuliers, à savoir les principales connaissances fondamentales et un discours propres aux filières qu’ils souhaitent rejoindre.
Mais il ne faut pas pour autant se leurrer, un jeune diplômé sera jugé avant tout sur sa capacité à intégrer rapidement ce qu’il ne sait pas encore, étant entendu que la plupart des compétences qui font un poste s’acquièrent en situation et non dans une salle de cours. Et Sciences Po prépare très bien à cet apprentissage perpétuel devenu indispensable dans une carrière.

Quand on est étudiant, on peut aussi sous-estimer la dimension « savoir-être » de l’enseignement que l’on reçoit: la manière dont on exprime ses idées, à l’oral comme à l’écrit, et dont on interagit avec les autres autour de sujets et problèmes communs. C’est pourtant la marque de fabrique des Sciences Po la plus reconnue et appréciée des recruteurs, et souvent différenciante sur certains postes où ces qualités sont particulièrement recherchées.

Quelles sont les faiblesses du profil ?

Les jeunes diplomés de Sciences Po pourraient montrer une certaine tendance à surintellectualiser, et par un discours un peu trop déconnecté du réel, faire douter des managers plongés dans le quotidien de leur capacité à parvenir simplement à des résultats concrets. Tout le défi pour eux est de démontrer, à l’entretien comme dans leur premier poste, que leur hauteur de vue n’est pas incompatible avec une efficacité opérationnelle. Mais bien souvent, les premières expériences professionnelles, notamment les stages, permettent aux Sciences Po de s’ajuster dans ce sens à condition d’en être conscient et de travailler dans ce but.

Exemple en marketing: le profil Sciences Po, qui peut être préférentiellement attiré par une réflexion stratégique sur la marque ne doit pas oublier que les stratégies marketing s’articulent aujourd’hui de plus en plus sur des logiques de retour sur investissement – et donc d’analyses chiffrées – et qu’il convient pour eux avant tout de maîtriser Excel. Sur ce point, je ne trouve pas qu’il y ait de réelle lacune dans l’enseignement de Sciences Po comparé aux écoles de commerce, qui peuvent avoir la réputation de former des diplomés plus opérationnels en matière de maniement des chiffres. Il faut juste que les étudiants n’hésitent pas à se former par eux-même, comme finalement leurs homologues des autres écoles, notamment au cours de stages qui constituent autant d’opportunités idéales pour consolider ce sur quoi les recruteurs pourraient être plus tatillons compte tenu de leur réputation.

Finalement, est-ce qu’on est classé dans une « case » à part quand on vient de Sciences Po ?

Oui et non.

Oui, l’esprit des Sciences Po, quelque soit leur filière ou leur parcours, les catégorise par sa richesse, tant d’un point de vue intellectuel qu’humain. Non, il ne les met pas à l’écart de la plupart des recrutements accessibles aux autres grandes écoles, loin de là !

Sciences Po est-il suffisant ?

Oui, Sciences Po est suffisant à moins d’avoir un projet qui justifierait une expertise difficilement reconnue sans l’obtention d’un diplôme particulier. D’ailleurs, les Sciences Po qui complètent leur formation par un autre cursus généraliste de type école de commerce sont souvent déçus. Ils n’apprennent finalement que peu de choses en plus, alors que l’accumulation de diplômes n’impressionne un recruteur que si elle fait sens, en démontrant leur complémentarité. Selon moi, il faut chercher avant tout à complèter sa formation par une expérience professionnelle solide, via des stages, un apprentissage ou une année de césure, tous consistants. Attention toutefois à être cohérent dans son choix compte tenu de ce que l’on envisage après le diplôme, notamment dans le choix du master, afin de pouvoir réellement le valoriser ensuite dans un processus d’embauche.

Comment peut-on se valoriser lors d’un entretien ?

En sachant parler à bon escient de ses expériences acquises au cours de stages, projets scolaires ou expériences associatives dans le contexte du recrutement. Ce vécu donnera une véritable substance aux échanges entre le recruteur et le candidat, ce dernier gagnant même en assurance et en crédibilité en voyant l’entretien se centrer sur ce qu’il maîtrise le mieux – ses réalisations. Par cet intermédiaire, il parviendra à mieux parler de lui qu’en des termes convenus sur des sujets souvent flous.

Ainsi, la fameuse question tant redoutée « quelles sont vos qualités et vos défauts ? » n’appelle pas de meilleure réponse qu’une illustration par des exemples concrets en situation. Les étudiants qui passent pour la première fois des entretiens d’embauche sous-estiment souvent ce qu’il ont appris ou accompli, et ne savent pas toujours mettre en valeur ce qui leur paraît évident ou implicite.

Enfin, il faut pouvoir montrer que l’on est en phase avec les réalités quotidiennes liées au poste que l’on vise, et tenir un discours qui parlera au recruteur. Le meilleur moyen pour cela est d’échanger au préalable avec de jeunes diplomés occupant déjà un poste similaire, afin de cerner vraiment ce pour quoi l’on postule, savoir en décrir les aspects les plus concrets, au delà des représentations parfois idéalisées.

Enfin, que pensez-vous du réseau Sciences Po ?

Pour peu que l’on ose les contacter, la plupart des jeunes Anciens accepteront avec plaisir de vous écouter, de parler des choix qu’ils ont fait et de leurs expériences, et vous aideront à vous positionner sur les filières ou les métiers auquels vous aspirez. Ils n’ont pas toujours l’offre de stage ou l’emploi de vos rêves dans leur manche, mais partager un café avec eux vous servira toujours. Et après tout, ils étaient à votre place il n’y a pas si longtemps, et ont eu aussi à se poser les mêmes questions que vous…