Critique ciné : Ma vie avec Liberace (Behind the candelabra)
La Cage aux folles
Bien avant Michael Jackson ou Lady Gaga, il y eut Liberace. Musicien superstar aux Etats-Unis, inconnu de notre côté de l’Atlantique, il amassa pas loin 100 millions de dollars en trente ans de carrière, alternant entre Strauss, Chopin ou Mozart (paix à leurs âmes) et ses propres compositions. Excellent pianiste bien qu’ayant deux ou trois bagouzes à chaque doigt, il avait surtout un sens inné du show. Mais alors un show poussé aux extrêmes limites de ce que le kitsch des années 70 et 80 était capable d’offrir. Homosexuel, il cacha durant toute sa carrière aux mères de famille énamourées ses préférences pour ne pas choquer ce généreux public. Notez que trente ans après, rien n’a bougé, le film ayant été interdit de diffusion dans son propre pays, jugé «trop gay».
Car pour le supposé dernier film de sa carrière, Soderbergh s’est emparé de cette success story sauce fuchsia et s’est véritablement lâché. A l’affiche, le revenant Michael Douglas a accepté de se mettre à poil (comprenez comme vous pouvez) pour incarner Liberace et s’en sort à merveille. En face, Matt Damon campe Scott Thorson, cet amant jeune et fringant qui vécut cinq ans avec l’artiste, pour une prestation d’aussi haute volée. Le film est fidèle à l’esprit kitsch-années 70 avec au programme : le « kitsch palatial », comprenez des colonnes en toc, des limousines à miroirs, des manteaux en hermine de 5m de long, des vestes clignotantes… Au stade ultime du bling-bling, il prétendait soutenir à lui seul l’industrie autrichienne du strass. Ca vous donne une idée.
En bref, un film dégoulinant d’atrocités esthétiques mais c’est si bien fait, si juste que l’on a du mal à trouver ça laid, l’excès de mauvais goût est assumé comme un style personnel. Et puis les acteurs les plus machos de tout Hollywood qui jouent deux tourtereaux valent à eux seuls le détour. Au delà de l’histoire rocambolesque de Liberace (prononcez Liberachi) et d’une histoire d’amour compliquée, c’est aussi le film du star-system. Où l’on découvre la réalité forcément moins rose de l’envers du décor Henri XVI : chirurgie esthétique, couteaux dans le dos et comme partout alcool et drogues dures. Du grand cinéma.