« C’est le politique qui gagne la guerre, pas le militaire »
Relation entre les politiques et les militaires dans l’armée de l’air.
Par Eugenie Rousak
Jeudi 14 février 2013, les élèves du campus européen franco-allemand de Sciences Po Paris à Nancy eurent l’immense privilège d’accueillir des responsables de la Base aérienne Nancy-Ochey (BA 133). Nos quatre invités, le colonel Louis Pena (commandant de la base), le lieutenant-colonel Yann Bourion (commandant de l’escadron de chasse 3/3 Ardennes et président des officiers de la base aérienne), le lieutenant-colonel Olivier Saunier (commandant de l’escadron de chasse 3/1 Navarre) et le commandant Xavier Rival (adjoint au chef des opérations de l’escadron de chasse 3/3 Ardennes), présentèrent les différentes facettes du Hard Power et expliquèrent son application sur les interventions françaises au Kosovo, en Afghanistan et en Libye.
La venue de responsables de la Base aérienne nancéienne est une première pour notre Campus et l’accueil de nos invités en uniformes bleus se passe dans une ambiance amicale. Olivier Saunier se lance le premier en présentant aux étudiants les différences entre les hard et soft powers, deux outils qui contribuent à la gestion de la sécurité internationale, pour ensuite expliquer les situations dans lesquelles cette intervention militaire ciblée est nécessaire. Le choix entre les deux méthodes se fait, par ailleurs, au niveau des « politiques » qui orientent les stratégies et permettent la mise en place de la tactique d’intervention. « Il faut un plan politique précis et des solutions politiquement séduisantes pour les interventions », précisa le colonel Louis Pena, justifiant ainsi une étroite relation entre la sphère politique et la sphère militaire. Chaque intervention comporte un cadre politique et son but, qu’il soit idéologique, comme par exemple durant le blocus de Berlin, sécuritaire, cas de la Libye en 1986, ou d’imposement et d’obligation de ne pas perdre, comme notamment l’opération de Rolling Thunder durant la guerre du Viêt Nam, est donné au préalable.
Ainsi, « le militaire doit avoir une grande confiance en le politique », poursuivit le colonel, pour « pouvoir exécuter ses ordres et se sentir engagé dans un engagement juste ». Cependant, l’armée de l’air a un avantage considérable et une relation privilégiée avec les politiques, dans la mesure où toute action est « réversible jusqu’au dernier moment ». « Jusqu’à la seconde qui précède le lancement de la bombe », nuance le commandant Xavier Rival, adjoint au chef des opérations d’un escadron de chasse.
Une fois la mission achevée, le militaire doit rendre compte aux politiques, ce qui se fait notamment par le biais d’enregistrements vidéo et de photos prises aériennes. Cependant, ces preuves réelles peuvent également être apportées par les personnes qui travaillent sur le terrain, les médias par exemple. Ainsi, la question du rapport aux journalistes se posa tout naturellement, ces derniers étant souvent présents durant les interventions militaires. « Métier dangereux », répliqua directement Louis Pena, d’autant plus que « les balles ne font pas de différence entre le journaliste et le militaire ». Le risque est le même, mais la préparation est différente. Pour revenir au sujet des politiques, conclut le colonel « c’est le politique qui gagne la guerre, pas le militaire ». En vue de cette relation étroite entre le politique et le militaire, la question d’une force armée européenne vint de soi. En effet, polémique depuis quelques temps déjà, cette possibilité de créer une union militaire suscite de nombreux débats, mais d’après Louis Pena, cette dernière « n’est pas faisable au sein de l’Union européenne à cause de la politique ». Il faut d’autant plus se rappeler que toute union comporte davantage de risques potentiels d’une querelle politique. « L’alliance est le point faible de l’alliance » rajoute le lieutenant-colonel Yann Bourion.
Ainsi, le rôle des politiques dans les interventions militaires est bien défini et, pour toute mission, la technique et la stratégie jouent le rôle déterminant entre les deux sphères. Cette conférence fut conclue par une invitation exceptionnelle pour les étudiants de faire une visite de la base aérienne avec décollage de nuit d’une mission d’entraînement.