Élections syndicales : que proposent les listes candidates ?
Si vous pensez que « l’UNEF » est un stand de frites aux manifs anti lois travail, « l’UNI » le club des mocassins à gland, « Solidaires étudiant-e-s » l’anaphore de votre lettre d’engagement et « NOVA » la radio préférée de votre grand-mère, cet article est fait pour vous. Ça y est, les élections syndicales sont lancées. Ils sont quatre, et ils ne demandent rien d’autre que la confiance des étudiants pleins d’envie et vides de préjugés que vous êtes. Un outsider contre trois loubards, et beaucoup de projets à vous proposer.
En bon sciencepiste, vous avez lu Pierre Rosanvallon, avez piqué du nez sur Duverger et bavé sur Weber : l’idéologie politique n’a de fait plus aucun secret pour vous. Mais les 13 et 15 mars prochain, c’est le moment de passer à la pratique. À vous donc, de prouver à la face de la bibli du 27 que ces logos « Antifa » ne sont pas là que pour décorer votre Mac Book Air, ou de relever les manches de votre chemise en lin pour aller choisir ceux en qui vous croyez. Et si vous êtes heureux et que vous n’avez pas d’opinion, c’est le moment de faire comme tout le monde : voter. Mais au fait, comment ça marche ?
Pour cette élection, chaque syndicat présente deux listes : la première est pour le Conseil de la Vie Étudiante et de la Formation, en charge de la vie associative et étudiante. L’autre est pour le Conseil de l’Institut, en charge du volet administratif. Huit sièges sont à pourvoir dans chacun des conseils, et ce pour un mandat de deux ans.
À l’aube de ce marathon électoral marqué par le divorce de The Alliance, qui cette année ne sera pas de la partie, la Péniche est allée leur poser quelques questions, afin de faire connaissance avec ceux qui, peut-être, changeront SciencesPo en votre nom.
Qu’est ce qui change dans votre programme cette année par rapport aux années précédentes ?
UNEF : Plus qu’un programme, nous défendons une vision de ce que devrait être l’enseignement supérieur. Nos combats concernent la démocratisation de l’enseignement supérieur, notamment par le biais des frais d’inscription, la lutte contre toutes les discriminations, la défense d’un enseignement pédagogique de qualité pout toutes et tous, l’intégration des étudiant-e-s étrangèr-e-s dans l’enseignement supérieur, et l’information et la défense au quotidien de tou-te-s les étudiant-e-s de manière individuelle et/ou collective.
UNI : Ce qui a changé dans notre programme, c’est d’abord l’esprit. Autour d’une équipe nouvelle, nous souhaitons mettre au premier plan la question de l’égalité des chances car il va de soi qu’une école qui entend incarner le mérite républicain, doit s’assurer que chaque étudiant possède les moyens de réaliser ses rêves. Concrètement, cet esprit s’incarne par la création d’une prépa en ligne gérée par Sciences po et dont le prix sera déterminé selon un barème linéarisé, comprenant la gratuité pour les boursiers. Mais cela passe aussi par le blocage des frais de scolarité, une amélioration du concours afin de le rendre moins socialement discriminant et la gratuité des prépa ENM et prep ‘ENA.
NOVA : Notre programme se base sur quatre piliers, à l’image des quatre lettres de NOVA : nourrir une ambition d’égalité, c’est notre pilier social ; organiser, enfin, la baisse des frais, c’est notre pilier économique ; vouloir une école durable, c’est notre pilier écologique ; et assurer à chacune et chacun respect et épanouissement, notre pilier sociétal.
Solidaires étudiant-e-s : Notre syndicat a procédé à un renouvellement d’équipe cette année, et nous avons, pour les deux ans qui viennent, un programme axé autour des points suivants : émancipation de l’enseignement supérieur, lutte contre les discriminations, antifascisme, accompagnement des étudiant-e-s et des associations, écologie et ancrage dans les luttes nationales concernant l’enseignement supérieur, mais également les luttes interprofessionnelles.
Quelle est la valeur la plus importante de votre syndicat ?
UNEF : La solidarité des étudiant-e-s qui s’organisent ensemble pour défendre leurs droits fondamentaux et l’accès à l’éducation. Solidarité avec toutes les minorités dans la lutte contre les discriminations, qu’elles soient de nature sexiste, raciste, homophobe, transphobe, validiste ou autre. Solidarité d’une jeunesse qui devient une variable d’ajustement pour le budget gouvernemental. Solidarité de nos militant-e-s également, qui donnent beaucoup de temps et d’énergie pour défendre les droits étudiants.
UNI : En premier lieu, toutes les valeurs sont importantes, notre projet est un tout. Il repose sur notre confiance attentive mais profonde en Sciences po et en l’excellence de l’enseignement qui y est dispensé. C’est pour cette raison que nous croyons en les valeurs d’excellence, de mérite, de vivre ensemble, de liberté d’esprit et de solidarité qui sont déclinées dans notre programme.
NOVA : La valeur des femmes et des hommes qui le composent et s’y engagent avec sincérité et envie ! Toutes et tous, dans leur diversité, ont apporté une pierre à notre programme. Pour la première fois, une liste est l’émanation de différentes personnalités et non l’inverse, car nous avons cherché à construire une équipe plutôt qu’à remplir des places.
Solidaires étudiant-e-s : La solidarité est notre valeur principale : nous sommes solidaires des luttes des étudiant-e-s salarié-e-s, victimes de sexisme, d’homophobie, de racisme ou de transphobie, des autres universités dans leur lutte pour un enseignement supérieur gratuit et émancipateur, ainsi que des luttes interprofessionnelles contre les politiques de précarisations menées par le gouvernement Philippe.
Vous avez tous les trois détenus un ou plusieurs siège(s) lors du précédent mandat. Qu’avez-vous concrètement apporté à SciencesPo ?
UNEF : Nous accompagnons les étudiant-e-s, pour des recours administratifs comme en Commission de Suivi Social, ou des cas plus personnels comme auprès de la cellule de veille contre le harcèlement sexiste et sexuel. Nous avons obtenu l’embauche d’une nouvelle psychiatre au Pôle Santé du campus parisien, fait voter un amendement pour inclure les étudiant-e-s salarié-e-s dans la demande de reconnaissance des activités étudiantes, et un second pour faire descendre le minimum de travail requis à 250h par semestre. Nous avons remporté une récente victoire concernant les frais d’inscription, victoire qui est la création d’une tranche supplémentaire, un relèvement de 50€ des seuils des différentes tranches, un gel des frais d’inscription pour les cinq premières tranches, la création d’une nouvelle bourse de 370€ pour les étudiant-e-s non boursièr-e-s de la première tranche, la hausse des bourses Boutmy pour les étudiant-e-s hors UE et la création d’un fond d’aide pour les stages du parcours civiques.
UNI : En effet, nous avons détenu deux sièges dans les deux conseils lors de la précédente mandature. Il ressort de notre bilan 2017-2018, une volonté de faciliter la vie des étudiants et de leur offrir de nouvelles perspectives. Par exemple, avec la création du master joint droit et finance, la créditation des activités artistiques du BDA et la publication sur le site de la bibliothèque de Sciences Po des amphis ouverts aux étudiants. Cette année encore, nous prévoyons de continuer dans cette logique de simplification.
Solidaires étudiant-e-s : Nous avons détenu un seul siège dans les conseils lors du précédent mandat, et n’avons que peu siégé. Néanmoins, depuis la rentrée, nous avons renouvelé notre équipe, qui est engagée à prendre part aux réunions des conseils pour les deux ans à venir. Nous avons conscience que nous serons en position de minorité, et qu’il sera difficile de peser sur les votes. Pourtant, depuis la rentrée, nous fournissons un travail de soutien aux associations dans leurs rapports avec l’administration, nous avons aidé des étudiant-e-s qui étaient dans des situations complexes vis-à-vis de leur scolarité, et nous avons participé à des groupes de travail avec d’autres associations et syndicats, et avec l’administration.
Question posée spécifiquement à NOVA : vous êtes le petit nouveau dans la cour des grands, que pensez‐vous apporter qui n’existe déjà, et comment comptez-vous vous imposer dans cette campagne ?
NOVA : Nous voulons apporter la preuve que l’on peut travailler ensemble pour Sciences Po au-delà des clivages partisans et des étiquettes. Là où les syndicats actuels ont fonctionné depuis deux ans par purges, nous voulons fonctionner par ouverture et pluralisme, tout en formulant toujours des propositions précises et ambitieuses. Dans cette campagne nous mettrons en avant nos idées. Il serait étrange de vouloir s’imposer par autre chose. Notre raison d’être est notre programme, et la conviction que nous avons que celui‐ci peut s’appliquer et qu’il peut changer très concrètement les choses à Sciences Po.
Que reste-t-il à faire, selon vous ?
UNEF : Notre principal combat sera d’obtenir la linéarisation par le bas des frais d’inscription. Nous serons concentré-e-s sur les problématiques d’égalité de genre, en continuant à revendiquer un distributeur de protections hygiéniques dans les toilettes, et qu’un amphithéâtre porte le nom d’une femme. Enfin, nous resterons vigilent-e-s sur l’application de la réforme du collège U, notamment dans les campus délocalisés, grâce à notre représentant nancéen. À plus long terme, nos combats concerneront la réforme des inscriptions pédagogiques, les étudiant-e-s étrangèr-e-s exclu-e-s du système des frais d’inscriptions, les campus dont les spécificités régionales ont été négligées par la réforme, et le concours d’entrée à Sciences Po.
UNI : Nous voulons réformer les inscriptions pédagogiques en créant d’une part, un sondage qui permettra d’évaluer le nombre d’élèves potentiels dans un cours et d’autre part, en créant une liste d’attente pour celles et ceux qui n’auraient pas vu leur choix satisfait. Nous voulons en finir avec le manque de place en bibliothèque. À cet égard, nous proposons qu’elles soient ouvertes 24h/24h, 7 jours/7 et que des salles supplémentaires soient disponibles pour travailler. Le bien-être des étudiants est pour nous, une priorité, il nous paraît important qu’ils puissent évoluer dans un environnement écologique, agréable et pratique, par exemple en installant de nouveaux micro-ondes.
Solidaires étudiant-e-s : Nous voulons aller plus loin dans l’aide que nous apportons aux associations pour améliorer les conditions de vie des étudiant-e-s. Cela passera par la lutte pour un enseignement supérieur gratuit, de qualité et émancipateur, afin de permettre à toutes et à tous d’étudier dans les meilleures conditions. Nous continuerons à accompagner les étudiant-e-s et les associations qui ont besoin de nous afin d’être un appui dans leurs rapports à l’administration. Par ailleurs, la posture de notre syndicat est de donner aux étudiant-e-s une plus grande transparence sur les débats et décisions prises en conseil.
Il restait cependant une question des plus fondamentales à poser. Pourquoi aller voter, alors que chacun aura trois exposés cette semaine-là et que l’on sait très bien que de toute façon Sciences Po vote à gauche ?
Pour l’UNEF, une « participation à la hausse » est un élément déterminant, car il permet à un « rapport de force de s’imposer de fait à l’administration ». L’UNI quant à elle considère que « c’est une question qu’on ne devrait pas se poser », tout en reconnaissant avec critique le manque d’information dont disposent les étudiants. Pour Solidaire.s, c’est « un moyen de continuer de se battre pour l’émancipation de l’enseignement, lutter contre les discriminations (…), garantir une vie associative riche et développée, et s’ancrer dans un combat plus large pour l’enseignement supérieur libre, gratuit, et accessible à tous-tes ». Mais NOVA va plus loin encore, et voit en cette année 2018 « comme jamais auparavant, (…) une chance d’ouvrir de nouvelles perspectives pour Sciences Po ( programme « Retour de soirée », parcours avenir CEP, Campus de la Mer, Conseil des Campus et des Formations…), et d’en finir avec la hausse continue des frais, grâce au nouveau mode de calcul et de financement » par eux proposé.
À vous de jouer maintenant ! Ainsi, les 13 et 15 mars, vous pourrez invalider la thèse d’un ancien ministre français, qui déclarait que si la majorité a toujours raison, la raison a bien rarement la majorité aux élections.