50 années d’amitié franco-allemande : Quel avenir pour l’Union Européenne, ensemble, à plusieurs ou à deux ?

Avant même de poser le pied dans l’amphithéâtre Emile Boutmy, une équipe des Jeunes Européens de Sciences Po distribue à chacun des spectateurs un court livret. Ce n’est cependant pas un simple programme de la conférence qui va suivre, et encore moins un tract vantant les projets de leur association, mais bel et bien un extrait des « Mémoires d’Espoir » du Général de Gaulle. Tendu comme un symbole, renforcé par la présence d’une réplique du manuscrit original au dos, il revendique l’importance historique de l’Union Européenne, sans bien sûr oublier l’amitié franco-allemande, structurante au cours de cinquante années sous influence du traité de l’Elysée. Finalement, la conférence est placée sous le signe de l’avenir mais c’est bien un retour au passé historique qui semble être nécessaire afin de prendre toute la mesure de l’enjeu.

599064_399599230135558_989153358_nL’introduction à cette conférence organisée par l’association franco-allemande Vasistas, les Jeunes Européens de Sciences Po, l’Asso’PSIA, et l’association du master Affaires Européennes, donne le ton en allemand et en français afin de définir la thématique principale guidant l’intervention. Le but est ainsi de discuter et de confronter des avis divers autour des projets et des acteurs capables de rendre une force conséquente à l’Union Européenne, articulée autour du couple historique formée par la France et l’Allemagne. Pour cela, le travail décisif des diverses associations a permis la venue d’intervenants de marque en la présence de Jean-Louis Bianco (secrétaire général de l’Elysée sous François Mitterand), Nicole Fontaine (présidente du Parlement européen de 1999 à 2002), Evelyne Gebhardt (députée européenne allemande) et Jean-David Levitte, conseiller diplomatique de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, plus intervenant que simple médiateur (voir l’interview sur lapéniche.net).

Après le rappel du rôle historique du général de Gaulle à l’entrée de l’amphithéâtre, les intervenants sont restés focalisés sur le passé pour un temps puisque chacun a invoqué un souvenir personnel marquant en lien direct avec l’amitié franco-allemande, point central de cette conférence. Tandis qu’Evelyne Gebhardt partage son bonheur de ne plus avoir à choisir entre plusieurs nationalités et vante l’existence de la nationalité européenne, Nicole Fontaine se rappelle de la présentation de l’euro en 2001 à Berlin, où elle s’est vue offrir un sachet de confettis représentant le mark, symbole du sacrifice consenti par les Allemands. Jean-Louis Bianco invoque quant à lui la relation entre François Mitterand et Helmut Kohl qui se révèle être un véritable homme d’Etat, alors que Jean-David Levitte nous plonge directement dans l’intimité d’une rencontre informelle entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy tout en citant cette dernière qui a appris « la lenteur de l’espoir », illustration de l’amitié franco-allemande, riche des différences qui la constituent.

Malgré l’importance et la symbolique des souvenirs invoqués, c’est bien vers l’avenir que les intervenants veulent se projeter. Une constatation simple reçoit l’approbation générale, l’Union Européenne est en panne. Cette idée, forte de son adéquation avec l’actualité récente des élections législatives italiennes, permet de prendre conscience que l’Union Européenne a besoin de changements. A Jean-Louis Bianco d’appeler à une coopération plus conséquente pour des projets de taille comme le commerce, la jeunesse, dans une « Europe des peuples » alors que dans un même temps, Monsieur Levitte fait part du projet de défense européenne qu’il voudrait voir émerger. Chacun des intervenants évoquent les causes présumés de ce que chacun voit comme une crise de l’Union Européenne. La député européenne met l’accent sur l’oubli des dirigeants qu’ils sont européens, et expose très clairement les grands acquis de l’Union en matière de libre circulation ou de monnaie. C’est Nicole Fontaine qui va révéler le caractère profondément européen de l’assistance en déclenchant une salve d’applaudissements après une tirade visant directement certains élus européens peu présents dans leur rôle pourtant essentiel. Finalement, c’est le problème des dirigeants qui prend de l’ampleur puisque le peu d’influence de Von Rompuy ou encore de Catherine Ashton est dû en partie à la volonté des chefs d’Etats de ne pas souffrir de l’ombre de personnalités à l’échelle de l’Europe. Les élections européennes de l’année prochaine constituent donc une échéance cruciale qui permettra de modifier la dynamique actuelle.

L’autre question centrale se rapporte à la place occupée dans l’avenir par le couple franco-allemand, par la zone monétaire ou encore par le Royaume-Uni. Nicole Fontaine va rappeler d’emblée la responsabilité qui repose sur les épaules du couple franco-allemand, déclaration complétant l’intervention d’Evelyne Gebhardt qui considère très concrètement qu’un compromis entre le France et l’Allemagne est un signe indéniable qu’un accord similaire peut être trouvé entre les 27 pays membres. La question de la zone monétaire est essentielle dans le sens où elle offre un poids économique sans précédent aux pays européens puisque l’euro devient une devise de réserve. Cela permet par ailleurs de bénéficier d’un véritable budget européen sans se cantonner à l’addition des contributions nationales. Cette déclaration enchante l’amphithéâtre, apparemment transporté par la détermination des intervenants à s’impliquer dans les débats de fond autour de l’Union Européenne. Détermination d’autant plus visible quand est évoqué la place du Royaume-Uni, qui ne doit en aucun cas bénéficier d’un régime spécial, selon les quatre intervenants avec une formule à l’effet certain : « Non à l’Europe self-service ! ».

En guise de conclusion de cette conférence, la place de l’Union Européenne dans le monde est aussi évoquée puisqu’au cœur des préoccupations. Jean-Louis Bianco le défend ardemment, malgré l’inquiétude, et même parfois le mépris à l’égard de l’Union, le sentiment dominant à travers la planète est la fascination, une fascination pour cette construction sans précédent dans l’Histoire laissant apparaître des perspectives exceptionnelles. Les questions de l’assistance consistent en règle générale en des demandes d’éclaircissement de points bien précis malgré l’interrogation un peu provocatrice d’un étudiant apparemment sceptique face à la construction européenne. Il a eu le mérite de mettre en valeur l’absence de tout doute vis-à-vis de l’Union Européenne au fil de cette conférence, interrogation qui aurait pu apporter une dimension supplémentaire, même si le sujet n’était évidemment pas centré sur cet aspect là. C’est donc avec beaucoup d’espoir pour la construction européenne que nous quittons l’amphithéâtre, galvanisés par des intervenants déterminés et soucieux de ne laisser aucune ambiguïté dans le moindre de leurs propos, et dans leur projet qui poursuit la base définit par le général de Gaulle de « tenter de renverser le cours de l’Histoire » (Mémoires d’Espoir).