« Tu pars où pour ta 3A ? » Le périple (avant l’heure) des 2A –  Episode 2 : La lettre de mes envies.

 

L’étudiant de Sciences Po est fébrile, un seul clic le sépare de la sentence qui va l’envoyer tantôt à Harvard tantôt à Bruxelles. Après avoir retrouvé à grand peine ses codes d’inscription pour l’IELTS, le voilà face à son destin qui se résume à quatre chiffres sur une page blanche. Il souffle un coup : 7 de moyenne, pas de sous-score, ses rêves sont accessibles – en dépit des prévisions pessimistes du professeur d’anglais. Mais l’IELTS n’est qu’un début : il faut désormais s’atteler à la constitution du dossier qui concentre toutes les tensions et inquiétudes des Sciencepistes. Nous sommes allés interroger Kate Vivan – directrice adjointe de Sciences Po International – pour en savoir plus.

Plus novembre avance, plus la 3A approche. Coincés entre des onglets Wikipédia et de Google Slides, fleurissent les prometteurs rapports de séjour. En effet, le moteur de recherche avancé des 470 universités partenaires est depuis peu promu au rang de moteur de recherche préféré des étudiants. Tout le monde se prend à rêver devant les photos des voyages des anciens 3A – qui contrastent avec la grise ambiance de Paris. Grâce aux informations des rapports, les étudiants envisagent déjà, outre les nouveautés académiques, des week-ends à New-York, des vols pour Berlin ou des randonnées en Malaisie.

Mais il ne suffit pas de rêver, les mails de l’administration et les diverses réunions leur rappellent leurs échéances : il faut préparer minutieusement son projet et constituer un dossier composé d’une liste de six vœux, de l’IELTS et d’une lettre de motivation. Qu’écrire dans cette lettre ? Comment jongler entre aspirations personnelles et académiques ?

D’une part, la dimension académique est primordiale : Kate Vivan, directrice adjointe des Affaires internationales de Sciences Po, nous a rappelé que « la 3A, bien qu’elle soit à l’étranger, est une année académique, partie intégrante du cursus du Bachelor. La dimension universitaire est une priorité. ». Il faut donc se renseigner auprès de la Direction des affaires internationales (DAI), sur les sites des universités partenaires, voir ce qu’elles proposent (en lien avec la validation de la majeure notamment) pour justifier de notre intérêt pour les six vœux.

Toutefois, il est aussi encouragé d’évoquer des raisons extra-scolaires qui guident vers telle ou telle université ou zone géographique : « engagements, amitiés, projets divers, expériences du parcours civique », tout est recevable selon Kate Vivian qui incite à « adopter une démarche holistique ».

Deux exigences donc : faire preuve d’un « projet honnête et personnel » et « qui ne soit pas déconnecté du reste du cursus mais fondé sur des expériences passées ou des aspirations pour le futur ».

L’étudiant a compris qu’il doit jongler entre rêves d’évasion et impératifs académiques. S’il a surtout très envie de vadrouiller dans les forêts canadiennes, il doit aussi souligner dans sa lettre son intérêt marqué pour les cours de gouvernance territoriale qui, ça tombe bien, sont proposés à McGill. S’il passe son temps sur Kayak et sur les offres de prêt étudiant pour dessiner les contours d’un budget à peu près tenable, l’étudiant sait qu’il doit aussi préciser qu’il serait passionné par des cours de criminologie, de relations internationales inter-scandinaves ou de droit balkanique. Il se retrouve face à son bureau, comme deux ans auparavant, à chercher des phrases jolies, claires et pleines de sens, à ce détail près qu’il ne souhaite plus intégrer Sciences Po mais s’en éloigner…

Parmi les sources d’inquiétude de l’étudiant au cœur de la préparation du projet de 3A se trouve aussi la sélection des candidatures. Pourtant les critères en sont simples et favorisent la pertinence du projet, qu’il est donc nécessaire de bien développer dans sa lettre. En effet, une fois les dossiers reçus par les chargés de mission de la DAIE, ceux-ci les lisent, les « épluchent » et les classent selon plusieurs critères. Un critère académique d’abord : les notes des deux semestres de première année sont prises en compte, ainsi que les notes du premier semestre de la troisième année, une nouveauté qui « permet de valoriser les parcours en ascension ou qui se maintiennent ». Le second critère est la cohérence du projet. Enfin le troisième critère est le nombre de places disponibles dans chaque université.

A ces trois critères s’ajoutent les compétences linguistiques (les scores de l’IELTS notamment). Kate Vivian précise cependant que ces compétences sont « des pré-requis et non pas des critères pour sélectionner : En clair, si une université demande 6 à l’IELTS, avoir obtenu 6,5 ou 9 ne change absolument rien. »

La directrice adjointe des Affaires internationales a enfin répondu en vrac, et avec le sourire, à beaucoup de questions qui taraudent les esprits anxieux de la Rue Saint-Guillaume. Sur les zones les plus demandées, elle se montre prudente et confirme la diversité des profils à Sciences Po. « L’Amérique du Nord et l’Asie restent très demandés, mais le Moyen-Orient, l’Amérique latine et l’Europe sont aussi très attractifs. » Elle a également tenu à rassurer sur plusieurs points, rappelant que « près de 90% des étudiants ont obtenu un de leurs trois premiers vœux l’année précédente », bien que l’ouverture du choix des universités aux étudiants de tous les campus change la donne pour la Promotion 2022. Elle précise par ailleurs que parler la langue autochtone, dans les universités proposant des cours en anglais, « est un avantage mais pas un prérequis ». Pas besoin donc de maîtriser le finnois sur le bout des doigts pour passer l’année à Helsinki. Enfin, Mme Vivian encourage les étudiants à se renseigner sur d’éventuels prérequis demandés par les masters sélectifs, qui pourraient imposer le suivi de cours spécifiques pendant la 3ème année.

Que l’étudiant, fébrile à l’évocation de sa 3A, se rassure donc.  Puisque son dossier de candidature doit témoigner de sa motivation pour son projet, qu’il mette en mots les sources de ses rêves et sa 3A sera, sans doute, bien engagée !

Louise Hébert et Simon Le Nouvel