The trash factory : ou quand l’art d’un Sciencespiste s’exporte.

trashh.jpgNous vous en parlions il y a déjà presque un an : Stanislas Colodiet, à l’époque futur 3A, exposait ses peintures rue de Montreuil, à Vincennes. Le 15 avril 2010, c’est cette fois à Duke, son université d’accueil de Caroline du Nord, qu’il a organisé une exposition plutôt couronnée de succès. Lisez plutôt l’appréciation qu’en a faite le Duke Chronicle : http://dukechronicle.com/article/student-ends-exchange-program-art-show-auction.

LaPeniche : Où as-tu passé ta 3e année ?

Stanislas Colodiet: « J’ai été à Durham, où se trouve Duke University. 14% de la population vit sous le seuil de pauvreté et plus d’un tiers de la population est issue de la minorité afro-américaine, de nombreuses usines de coton et tabac ont fermé depuis plusieurs dizaines d’années. Durham subit actuellement une dynamique de « gentrification », elle n’est pas le fait des étudiants mais de l’arrivée de nombreux artistes qui viennent s’installer dans les nouveaux lofts et studios crées dans des anciennes friches industrielles. C’est dans ce contexte que j’ai pu tisser de nombreuses amitiés et rencontrer beaucoup de personnes qui m’ont guidé dans mon travail.

Pourquoi cette université en particulier ? Qu’est-ce que tu y as aimé ?

J’ai choisi mon université après avoir découvert les photos de l’atelier de peinture qui venait d’être rénové. L’endroit semblait particulièrement calme ; un bâtiment en briques rouge comme on en trouve beaucoup dans le sud des Etats-Unis, avec à l’intérieur de longues colonnes en bois.

Chaque troisième vendredi du mois, les ateliers d’artistes sont ouverts au public; c’est une excellente opportunité pour discuter avec les professionnels du métier. Les artistes sont très bavards et les questions concernant leur technique ou le prix de leur œuvre ne sont pas taboues. Le « third Friday » fut donc une excellente école pour moi. Il y a également le biannuel « Durham Art walk » qui est fête l’art dans la ville, j’ai pu exposer à cette occasion en participant à une exposition collective d’artistes dans un atelier downtown.

Et au final, cette fameuse exposition ?

Le 15 Avril j’ai donc exposé mes œuvres à la Coffee House de Duke. C’est un café qui fait office de salle de concert sur le campus, les groupes présentés ont déjà acquis une certaine notoriété dans la région. Le manager est un étudiant et nous avons tout de suite eu un excellent contact. Il n’avait jamais organisé d’exposition dans ce lieu et acceptait volontiers de se prêter à l’expérience. La Coffee House étant le lieu bobo par excellence du campus, c’était donc l’endroit le plus approprié pour y présenter les créations d’un jeune étudiant. Les murs sont recouverts par des fresques psychédéliques, le mobilier est volontairement dépareillé (fauteuils en velours jaunes, petites tables en bois ou en plastique, narguilés). J’ai été étonné par les moyens mis à disposition des étudiants qui ont un projet. En l’espace de quarante-huit heures, je récoltais trois cents dollars offerts par le musée académique (Nasher Musuem of Art) et deux cents dollars de la part de l’office du Vice Provost for the Arts pour organiser mon show. Cela m’a permis d’acheter des cadres pour mes œuvres ainsi qu’un buffet pour les étudiants.

Comment as-tu fait ta pub ?

Pour la communication, j’ai imprimé de nombreuses affiches, j’ai contacté mes professeurs et les artistes qui travaillent downtown que j’ai pu rencontrer cette année et la directrice du musée a envoyé un mail au staff du musée qui sponsorisé mon exposition. J’ai également contacté les journalistes du magazine étudiant « The Chronicle » qui a consacré un article à mon exposition.Facebook fut enfin un instrument très utile pour inviter mes amis. Aux Etats-Unis les mots « free food » et « wine and cheese » sont des arguments très convaincants pour attirer des personnes à un événement. (NB : Ca rappelle les goûters LaPeniche…)

Au fait, pourquoi avoir choisi Sciences Po si c’est pour faire de la peinture ?

A vrai dire, souvent on m’a demandé ce que je foutais à Sciences-po. Ma réponse a toujours été qu’il est très difficile de trouver l’inspiration chaque jour. Je pense que la vie d’artiste est très angoissante : « Lève-toi et peins », cette liberté est quasi étouffante.

De quoi te sers-tu pour créer tes œuvres ?

Cette année, j’ai exploré de nouveaux supports de création, notamment le carton et des plaques de peintures séchées que je récupérais sur un pont du campus régulièrement tagué par les étudiants. Ainsi j’ai nommé mon show : « The trash factory ». Mes sujets ont beaucoup été inspiré par la culture pop que l’on rencontre aux Etats-Unis, j’ai peint de nombreuses personnes célèbres, parfois controversées (Mao, Poutine, Andy Warhol, Barack Obama).

Où trouves tu l’inspiration ?

Je recherche toujours de la puissance à distiller dans mes portraits. Cette force, je la puise notamment dans mes frustrations, c’est un thème que j’ai beaucoup développé avec les artistes à Duke : pour créer il faut être frustré. La première de mes frustrations est de ne pas pouvoir peindre quand je le souhaite ; j’ai d’autres impératifs : j’ai des « papers » à rédiger, des rendez-vous. Ainsi chaque séance de peinture est une libération pour moi. Je pense que la création d’une peinture débute bien avant que le crayon effleure la toile pour la première fois. C’est d’abord une idée, une envie et avec le temps une obsession. Je me suis donc entraîné à créer cette obsession. J’attendais le soir pour peindre, j’accumulais la fatigue de la journée et les émotions refoulées, ensuite je me rendais toujours au studio à pied malgré son relatif éloignement, et finissais toujours par courir. Une fois face à la toile j’étais prêt à y jeter beaucoup.

Où en es-tu maintenant ?

Je suis rentré de Duke depuis bientôt 3 semaines, et cette Université me manque beaucoup, notamment le studio de peinture ! Il m’est plus difficile de peindre quand je le souhaite.

D’autres expos, des projets ?

J’ai exposé une série d’encres de Chine réalisées à Duke du 27 au 30 mai à l’Affordable Art Fair Paris. J’ai également rapporté de nombreux portraits sur papier à ma galeriste à Vincennes, malheureusement beaucoup ont été abîmés durant le voyage de retour ; c’est pourquoi je me suis tout de suite remis à la peinture afin de proposer quelque chose de neuf à la galeriste ! »

Stanislas rentre cette année en Master Affaires Publiques, filière Culture. Il espère effectuer un projet collectif dans, on s’en doute, le domaine artistique.

C’est tout ce qu’on lui souhaite !