Série des Dédicaces (2/4): Arthur Dreyfus

JD.pngÀ l’occasion de la Journées Dédicaces, organisée par le Bureau des Arts le 4 décembre prochain, le Magazine de LaPéniche vous fait découvrir quatre auteurs qui se prêteront au jeu des signatures et autres petits mots d’amour. Deuxième étape: Arthur Dreyfus, issu de Sciences Po, auteur de « La Synthèse du Camphre ». Bonne lecture.

Dreyfus.pngC’est un jeune homme calme et serein, tout de vert vêtu, qui me présente, autour d’un café, son premier roman, La Synthèse du Camphre, publié cette année chez Gallimard et déjà salué par la critique littéraire. Arthur Dreyfus, étudiant de 5e année à Sciences Po, a un parcours plutôt inhabituel puisque après avoir étudié le journalisme et la communication au CELSA, il réussit en 2008 le concours d’entrée du Master Communication. Arthur me confie immédiatement que c’est l’aspect créatif et intuitif de cette formation qui l’avait attiré, qui lui laisse le loisir de s’adonner à la passion de l’écriture. Créatif, Arthur l’est assurément puisqu’il coréalise la série Un Film Sans, diffusé sur TPS Star et collabore en tant que journaliste aux magazines Positif et Technikart.

La Synthèse du Camphre a déjà reçu plusieurs prix littéraires, notamment celui de la Plume d’Or en mai 2010 et celui du Premier Roman du salon Les Mots Doubs en Septembre. Il ne manque plus que le Goncourt pour le lauréat 2009 du Prix du Jeune Écrivain Francophone pour la nouvelle Il Déserte !

Le roman entremêle deux récits se déroulant à des époques différentes. Le premier est inspiré de la vie romanesque de Félix, grand-père d’Arthur, ingénieur chimiste et résistant pendant l’Occupation, ce qui « l’entraînera dans une vie clandestine, puis vers une mort probable en Pologne » pour reprendre les mots de l’éditeur. La seconde histoire est celle d’Ernest qui entretient une correspondance amoureuse sur Internet, ce qui lui permet de conquérir un espace de liberté dans une époque où l’homosexualité est encore taboue au sein des familles. À travers ces deux récits, des thèmes forts sont abordés comme celui du courage, la question de l’identité sur Internet et de la virtualité, les rapports entre l’expérience sensible et la vérité. Arthur cependant refuse de faire passer un message précis, didactique dans son texte et souhaite simplement soulever ces grandes interrogations. Le lecteur est donc libre de déterminer le sens de l’œuvre, d’y projeter ses questions personnelles. L’accent n’est pas mis sur la psychologie des personnages car, pour l’auteur, le risque de caricaturer est grand s’il ne les laisse pas réagir comme dans « la vie réelle » c’est-à-dire impulsivement, sans réelle prévisibilité. Le titre du roman, La Synthèse du Camphre, a été choisi par Arthur lui-même, fait rare pour un premier roman. Il évoque le mystère et la poésie d’une matière insolite et les horizons lointains, l’Egypte selon certains lecteurs. Le titre joue aussi sur les deux sens du mot « expérience » : le sens scientifique de l’expérience en laboratoire et celui de l’expérience sensible de la vie. Le roman est ainsi basé sur la métaphore filée des expériences chimiques, entre action et réaction.

Dreyfus-Arthur.jpgInterrogé sur sa manière d’écrire, Arthur m’explique que celle-ci n’est pas innée. L’écriture s’apparente ainsi à un travail sur les mots et sur soi-même et possède une dimension paradoxale: elle peut s’apparenter à une forme de contrainte voire d’angoisse (la fameuse peur de la page blanche qui saisit tout aspirant écrivain) mais permet de conquérir une dimension de liberté. L’écrivain se fait démiurge quand il crée un univers, si réduit soit-il. L’écriture possède donc un côté abyssal, tout devient envisageable, au risque peut-être de se noyer dans les possibilités. Arthur affirme également devoir relire chaque jour son travail de la veille et ainsi « supprimer quasiment une phrase sur deux » : il est presque impossible de ne pas écrire deux phrases à la suite qui ne veulent pas dire la même chose. La précision n’étant pas toujours meilleure, il vaut mieux « avoir le sens une fois plutôt que deux » selon Arthur, même si l’intention de l’auteur n’est pas toujours claire dans la phrase.

Quels sont les rapports d’un jeune écrivain au monde littéraire germanopratin où certains s’érigent en juges suprêmes des œuvres ? Pour Arthur, qui publie ses premières œuvres, ce milieu lui permet de faire des rencontres enrichissantes et de se constituer un réseau utile. Pourtant, avec l’expérience, prendre du recul devient nécessaire car ce microcosme possède un côté « hors du monde » alors qu’un auteur doit pouvoir parler du et au monde. Arthur reconnaît ainsi qu’il a eu de la chance, par rapport à d’autres auteurs, d’avoir fait les bonnes rencontres au bon moment, ce qui lui a permis de percer rapidement, aidé en cela par les prix qu’il a remportés. En plus de la reconnaissance que cela apporte, ces prix permettent à un auteur de prendre confiance en lui et constituent ainsi un encouragement nécessaire pour continuer à s’arracher les cheveux sur la feuille (ou l’ordinateur, la figure de l’écrivain maudit griffonnant à la plume sur n’importe quel support étant désormais un cliché).

Arthur a plusieurs projets, plus ou moins proches. Il sera bien sûr présent à la Journée Dédicace organisée à Sciences Po le 4 décembre puis au Salon du Livre de Boulogne-Billancourt le 5. Des extraits de son texte seront lus par Guillaume Gallienne sur France Inter début Décembre. D’autres romans sont encore à l’état d’ébauches, mais ne demandent qu’à être concrétisés.

La Synthèse du Camphre s’adresse à tout lecteur et aborde des interrogations fortes de l’existence, la vérité, l’identité, l’expérience et la réalité. Une sorte de leçon philosophique de la vie donc, qui laisse une grande marge d’interprétation au lecteur.