Sciences Po en 2022 : à quoi ressemblera votre école ?

Infographie : Nicolas Rousseaux

En un an à peine, le visage de Sciences Po a bien changé. Les centaines d’étudiants répondant à l’appel de l’UNEF, en 2013 pour occuper l’amphithéâtre Boutmy afin d’obtenir plus de transparence dans la nomination du futur directeur de Sciences Po se sont retirés pour poursuivre d’autres combats.

Si l’année 2012-2013 fut celle de la tempête, alors que la Cour des comptes prêtait sa voix à l’agitation en attaquant les finances catastrophiques de l’IEP parisien, l’année 2013-2014 fut celle du retour au calme, pour notre école comme pour son nouveau directeur Frédéric Mion, qui a achevé sa première année complète à la tête de l’institution du 27 rue St Guillaume.

Désormais solidement installé à la tête de SciencesPo, il était  temps pour le nouveau capitaine d’imposer sa trajectoire au navire sciencepiste : c’est chose faite avec le document d’orientation stratégique SciencesPo 2022 publié début mai. Petite analyse sans prétention de deux points clés d’un document « sans prétention » cherchant à « comprendre le monde pour le transformer ».

 

SciencesPo Paris à Paris, c’est (un peu) fini

Nancy en 2000, Dijon et Poitiers en 2001, Menton en 2005, Le Havre en 2007 et Reims en 2009 : en une décennie, la carte de France a fleuri de six campus sciencepistes délocalisés, auxquels il faudra ajouter le Programme Europe-Afrique intégré au campus de Reims dès septembre 2015. La déconcentration s’est donc enclenchée dès les années 2000 mais jusqu’à présent, elle ne remettait pas réellement en question la taille des promotions étudiant sur le campus de Paris.

Hormis le transfert du Programme Europe-Afrique de Paris à Reims et la volonté de développer ce campus, tourné vers l’Amérique du Nord, en lui faisant accueillir 1600 élèves à l’issue de cette réforme, rien ne menaçait vraiment la supériorité numérique parisienne. Mais le temps des promotions de 700-800 étudiants cohabitant au 27 est sans doute révolu.

Plus restreintes et plus spécialisées, elles permettront de réduire très largement le nombre d’étudiants du Collège universitaire sur le campus de Paris. La question se pose cependant de déterminer si étudier à Reims est plus attractif et plus motivant qu’étudier en plein quartier latin – en plein centre de la ville aux mille opportunités – tandis que le tissu associatif risque de se distendre entre différents campus de taille comparable.

En passant de la déconcentration à une certaine décentralisation, Sciences Po 2022 fait le pari que cette attractivité et cette motivation se maintiendront, en valorisant le cursus en trois ans et en acquérant définitivement une reconnaissance à l’international à travers ces campus délocalisés.

Photographe : Louis Thiercelin
Photographe : Louis Thiercelin

Sortez l’Artillerie ! 

« Mais il est où le « vrai » Sciences Po ? » Vous avez peut-être passé vos oraux d’admission au 13 rue de l’Université sans passer par l’emblématique 27 rue Saint-Guillaume ou encore le 56 rue des Saints-Pères, de l’autre côté du jardin. En réalité, Sciences Po est basé dans quatorze propriétés foncières à Paris. Un nombre conséquent, que Sciences Po 2022 a à cœur de réduire. L’objectif est de diviser ce nombre par deux mais, paradoxalement, cette réduction passe, selon le rapport, par une acquisition non négligeable : l’Hôtel de l’Artillerie, 14 000 mètres carrés, une proximité avec le centre historique que constitue le 27… Que penser d’un tel projet ?

Fustigée par la Cour des Comptes en 2012, la direction de l’IEP parisien tente courageusement de remonter la pente et d’afficher un budget plus équilibré. Les nombreuses locations immobilières de SciencesPo, notamment situées dans le quartier latin, l’un des plus onéreux, engloutissent chaque année six millions d’euros. Certes, le coût de l’acquisition d’un bâtiment aussi important que l’Hôtel de l’Artillerie doit s’élever à plus de cent millions d’euros. Une somme colossale mais qui, sur le long terme, peut être amortie par la réduction du nombre de sites loués par Sciences Po.

Une telle acquisition serait, en outre, bénéfique pour les étudiants et leurs conditions de travail. Les après-midis passés à chercher des places en bibliothèque, à s’entasser dans les couloirs à proximité des prises électriques, à finalement abandonner et rêvasser dans le jardin, les voilà bientôt disparus ! Ces après-midis de désoeuvrement  pourraient être moins nombreux avec la création de nouvelles places de travail, évaluées au nombre de 300 par le document d’orientation stratégique.

Le seul bémol que nous puissions apporter à cette mesure correspond à l’expression d’une tendance contradictoire à celle qu’imprime le rapport dans sa globalité, c’est-à-dire la déconcentration sinon la décentralisation avec les campus délocalisés. En effet, Sciences Po 2022 précise qu’avec la possession de l’Hôtel de l’Artillerie, l’école pourrait accueillir 400 étudiants de plus. Il n’est toutefois pas indiqué quel type d’étudiants : pour le Bachelor, pour les masters, pour la recherche ?

La précision serait la bienvenue puisque s’il s’agit de créer des places supplémentaires pour le Collège universitaire, cela n’a guère de sens au vu de la logique décentralisatrice du rapport, et si cela concerne les Masters, alors il y a une potentielle massification pouvant porter atteinte à leur sélectivité et leur valorisation.