Revue Ciné : Semaine N°1

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A toutes vapeurs !

Killer Joe, de William FRIEDKIN.

Des rednecks bêtes comme leurs santiags, de la bière et des god damn guns : la meilleure recette texane, après celle de la T-Bone, est délivrée en ce moment au cinéma par William Friedkin.

Dans la banlieue lointaine de Dallas – autrement dit, nulle part – Chris (Emile Hirsch), 22 ans, se retrouve avec de grosses dettes à éponger. Il part alors à la chasse à l’assurance-vie avec l’aide d’un tueur à gages, Killer Joe (Matthew McConaughey). Problème : ce dernier ne fait pas crédit. S’ensuit alors un mécanisme d’engrenages n’épargnant aucun membre de l’entourage de Chris. Killer_Joe.jpeg Entre l’esprit de Tarantino et l’humour des frères Coen, ce « thriller drame-policier » est un gisement d’or noir en plein Sud : violent, brut, suintant, indélébile. Dès la première scène, le décor est posé : ça sent la bière, le sang séché et la testostérone. Malsain au possible, le scénario est très bien ficelé, les dialogues sont affûtés au canif, et le rythme haletant grâce à une mise en scène réfléchie et réussie. En bref, on rit, on ne s’ennuie pas une seule seconde, on est surpris, et on s’en prend plein les yeux. Cependant, âmes sensibles s’abstenir, violence physique et morale sont au rendez-vous.

Ce western moderne ne manque de rien : performances d’acteur, scénario rythmé et mise en scène enivrante, tout est là pour nous séduire, et ça marche. On en ressort impressionné, avec une petite claque dans la figure. Vous aussi, venez vous surprendre à adorer le sale, la crasse c’est tellement classe.

Palmyre Bétrémieux

Steak de Thon

Wrong, de Quentin DUPIEUX.

Après Steak et Rubber, Quentin Dupieux récidive et nous introduit une fois encore au sein de son univers déjanté. L’ambiance se veut déroutante et la comédie désaxée.

Dolph a perdu son chien, Paul, et perd bientôt la raison. Un gourou l’aurait kidnappé, un détective le recherche et le propriétaire éploré tente la télépathie. Une livreuse de pizza fait irruption dans le quotidien de Dolph névrosé, irruption également dans le lit de son jardinier ressuscité. Retrouvera-t-on Paul ? Vous n’avez rien compris ? Rassurez-vous, pendant 1 heure 34 on cherche une trame et l’on finit par accepter l’absurdité ambiante. L’esthétique reste remarquable tout comme la sonorisation novatrice. On aimerait se dire que ce scénario plutôt lent est une parabole pour suggérer des choses bien plus vastes, seulement on ne trouve pas vraiment. Screen-shot-2011-12-01-at-12.58.08-PM.png Certains apprécieront la réflexion sur le quotidien et notre capacité à agir sur notre environnement. La multitude de détails absurdes interroge également sur la vision de la normalité et le rapport à l’habitude. On irait jusqu’à admettre qu’il y a une certaine poésie dans cette œuvre. Pour autant, ce film ressemble à une succession de banalités disparates à laquelle on reste facilement hermétique.

Pour une comédie on rit peu, ou nerveusement. L’individu qui repeint les voitures en douce sur chaque parking provoque l’hilarité mais la visualisation des souvenirs d’un étron laisse assez dubitatif…

Les adeptes du genre seront conquis par ce film. Les nombreux autres n’y verront qu’une masturbation conceptuelle pour intellos désabusés.

Pierre-Yves Anglès

Angleterre, pavillon en berne

Broken, de Rufus NORRIS

Briques rouges et pull rayé, l’affiche de Broken donne le ton doux-amer d’une sauce Piccalily de ce court-métrage anglais. Dans une petite banlieue britannique, grise et morose comme il se doit, Skunk, 11 ans, entre dans l’adolescence au même moment où son environnement s’écroule peu à peu sous une vague de violence. Alors que son père essaie tant bien que mal de la sauver, elle trouve refuge dans l’amitié muette de Rick, écorché vif. S’impose alors à elle un choix entre deux directions. BROKEN_120.jpg Présenté comme la découverte de la Semaine de la Critique, Broken séduit par son caractère plus que british, son esthétique arty, son casting « indé » que les anglais savent si bien faire, et surtout son thème, la violence dans les banlieues anglaises couplée à une adolescence écorchée au silex. Et c’est peut-être aussi tout cela qui dérange. En effet, tous les clichés de la misère sociale britannique répondent présents, les uns après les autres. Quant au côté arty, qui donne certes un bon rythme en cassant avec l’ultra-violence des faits et donne par la même occasion une approche intéressante du phénomène, il n’en reste pas moins facile, un peu trop tendance. Enfin, on reste soufflé par le nouveau talent qu’est Eloise Laurence (Skunk), ainsi que du retour en grâce de Tim Roth dans son Albion natale, et dont les performances tiennent le film.

En bref, Broken déçoit peut-être par son titre de Découverte de sa Semaine, succédant à La guerre est déclarée. Mais si l’on ne doit pas s’attendre à une claque comme on en a pu en avoir avec ce dernier, il faut y voir une approche très intéressante et nouvelle, plus douce, d’un sujet vu et revu mais qui séduit toujours. Broken n’est peut-être donc pas un pavé dans la mare, ni le film révélation de l’année, pour autant il se laisse voir et l’on se laisse prendre et surprendre par ce long-métrage.

Palmyre Bétrémieux