Référendum en Nouvelle-Calédonie : « un acte fondateur qui abolit définitivement notre statut de colonie »
Après des décennies de suspense, le résultat du scrutin est tombé. 56,4 % des électeurs calédoniens se sont prononcés contre l’accession à la pleine souveraineté. Pourtant, le plus dur est encore à venir. D’une part, les responsables politiques devront désormais redéfinir les relations avec le « caillou ». De l’autre, loyalistes et indépendantistes se voient dans l’obligation de construire un avenir ensemble. Qui plus est, le destin de l’île n’est pas scellé, l’accord de Nouméa prévoit qu’en cas de victoire du « non », d’autres référendums pourront être organisés.
En octobre, l’association Sciences Ô organisait 2 conférences sur le sort de la Nouvelle Calédonie, qui abordaient avant le scrutin les principaux enjeux du vote et l’avenir du territoire. Pour vous, La Péniche a donc interviewé Samuel Vanmal, étudiant calédonien à Sciences Po et coorganisateur de la conférence sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie.
LPN : Quelle est votre réaction suite à la victoire en demi-teinte du non ?
SV : C’est un acte fondateur qui abolit définitivement notre statut de colonie, car désormais, la souveraineté n’est plus imposée, mais choisie par le peuple calédonien de par ce vote. Chacun aura voté en son âme et conscience pour l’avenir de notre pays. Toutefois ma seule préoccupation n’est pas le résultat de notre scrutin mais l’éventuel changement que cette échéance pourrait apporter à notre société. À l’annonce des résultats, je ne veux pas que l’on se divise mais au contraire que l’on soit plus soudés dans un avenir que je pense radieux pour notre peuple en devenir. Montrons au monde entier que l’on ne peut pas nous diviser entre Kanaks indépendantistes et Caldoches loyalistes. Je souhaite que mon île préserve la flamme d’un espoir naissant où tout le monde peut apporter sa pierre au progrès. Rêveurs, continuez de rêver, car rien n’est plus beau que l’ambition de faire de notre pays ce qu’il a toujours dû être, un paradis sur terre.
LPN : Quels sont les trois principaux enjeux de ce référendum ?
SV : Le premier enjeu est la question identitaire, avec une recherche d’une identité calédonienne mentionnée dans l’accord de Nouméa mais toujours pas retranscrite dans les faits. Le deuxième enjeu porte sur la question du transfert de compétence. Ce transfert prévu par ledit accord mène à plus d’autonomie pour la Nouvelle-Calédonie, et la question se pose quant à la possibilité de rentrer en co-compétence avec l’Etat sur le domaine régalien, tout en restant dans la République. Enfin le dernier enjeu sous-jacent de toutes les problématiques socio-économiques du Territoire porte sur le rééquilibrage social et la lutte contre les inégalités. L’index de Gini étant 20% plus élevé en Nouvelle-Calédonie qu’en France, la lutte des inégalités est au cœur des conflits ethniques passés et actuels, car la lutte pour la reconnaissance de sa culture s’accompagne d’une lutte des classes.
LPN : Quelle richesse représente la Nouvelle-Calédonie pour la France ?
SV : Les richesses de la Nouvelle-Calédonie sont diverses. Tout d’abord, elle offre énormément de ressources avec sa place de troisième réserve de nickel à l’échelle mondiale, et sa ZEE encore inexplorée qui compose prêt de 20% de la ZEE française. On peut aussi évoquer sa richesse biologique tant sur le plan marin que terrestre, avec d’innombrable espèces endémiques aux propriétés médicinales encore mal connues de l’industrie pharmaceutique. Ensuite, sa ressource en termes de diversité ethnique qui est un vrai laboratoire sur la cohabitation de population aux origines si divers et pourtant en paix. Enfin, la Calédonie est le laboratoire institutionnel par excellence de la France, qui a pu tirer à travers ce territoire de nombreux arrêts du Conseil constitutionnel et Conseil d’État venant enrichir la jurisprudence Française.
LPN : Que retenez-vous de ces conférences ?
SV : Il y a eu en tout trois conférences à Sciences Po, dont deux organisées par Sciences Ô. L’une portait sur un point de vue de deux personnalités politiques : Gaël Yanno et Danielle Goa. Ces deux intervenants ont surtout traité des raisons politiques du référendum. Ensuite la deuxième conférence portait plutôt sur une analyse d’experts externes et de personnalités de la société civile. Ils ont pu approfondir les connaissances des élèves de Sciences Po, en leur exposant une vision avec plus de perspectives du référendum, qu’elles soient institutionnelles, économiques et sociales.
La situation s’annonce donc encore mouvementée en Nouvelle-Calédonie, et nous pourrons compter entre autres sur Sciences Ô pour diffuser cette actualité dans les mois à venir !
Jôsl’ie-Fritz Benenus