Le Mag’ : Rentrée cinéma 2018, les incontournables
Alors oui, le mois de Novembre est déjà bien entamé, mais mieux vaut tard que jamais ! Une rentrée cinéma, ça fait toujours plaisir. Ces quelques mois qui annoncent un retour à la routine du travail, et qui aident à ne pas retomber trop brutalement dans cette routine justement. Cette année, j’ai pu attraper, entre autres, 5 des nombreux films que nous ont pondu gros studios et auteurs plus indépendants.Je commence donc avec BlacKKKlansman de Spike Lee. En sortant de la séance, je n’avais qu’une envie, c’était de crier à tous que ce film était révolutionnaire et qu’il fallait courir aller le voir (envie que j’ai d’ailleurs concrétisée en harcelant aussitôt mes proches). Avec le recul et un peu de temps, je maintiens : BlacKKKlansman est une perle à voir de toute urgence si ce n’est déjà fait. Lee revient en force et nous propose de découvrir des Etats-Unis racistes et divisés, sans bien évidemment oublier de nous renvoyer à nos temps contemporains. L’histoire est inimaginable et pourtant vraie : dans les années 1970, un policier afro-américain réussit à infiltrer le Ku Klux Klan en y envoyant un de ses collègues blancs, tout en maintenant un contact téléphonique avec son « correspondant » au clan. L’univers cinglant et cynique renforce l’impression qu’on nous peint une scène actuelle plutôt qu’un fragment d’une histoire à présent révolue. Pour ne parler que d’un détail du film parmi tant d’autres qui le rendent spécial, j’aimerais évoquer les zooms. Lee utilise en effet ce procédé très atypique, qui en temps normal brise presque le quatrième mur et peut même donner un côté kitsch à un film. Pourtant, ici, les zooms donnent plutôt l’impression de rentrer encore plus dans le plot, comme si on nous tirait un peu de nos sièges pour entrer dans l’action. L’humour est subtil, parfois sous la forme d’un comic relief quelconque, d’autres fois par une punchline bien placée. Néanmoins, on ne ressort pas du cinéma avec l’impression d’avoir vu une comédie, mais plutôt avec des frissons tantôt d’angoisse tantôt de plaisir d’avoir vu quelque chose d’aussi réussi.A Star is Born est le quatrième, et dernier en date, remake du classique hollywoodien. L’histoire, pour rappel, est celle d’une femme, Ally, aspirante chanteuse mais un peu désillusionnée, qui fait la rencontre inattendue d’un rockeur, Jackson, aux démons qui le détruisent peu à peu. Sur fond d’une BO interprétée à merveille par Lady Gaga et Bradley Cooper, le film musical est le premier que signe Cooper, et le premier rôle de Lady Gaga. Cette combinaison à priori improbable marche pourtant très bien : l’alchimie entre les deux est palpable, et me rappelle l’appariement de Cooper et Jennifer Lawrence dans Silver Lining Playbooks six ans plus tôt, qui avait aussi beaucoup surpris. Le propos de fond réussit à être cohérent sur le concept des images refaites et surfaites dans l’industrie de la musique : on ressent réellement la frustration d’Ally, après avoir entendu d’innombrables fois le même discours sur sa beauté, ou plutôt son manque de. L’immersion est instantanée : dès la première scène, Cooper joue sur une perspective d’un concert que l’on n’a pas l’habitude d’avoir. En effet, on vit le moment du point de vue de Jackson, qui vit la scène comme un lieu assourdissant mais qui le rend un peu plus vivant que lorsqu’il n’y est pas. La musique est jouissive tout au long du film, et elle est accompagnée d’un jeu sur la lumière qui fait plaisir à voir. Les visages sont éclairés très fortement, alors que les environnements le sont moins, comme pour renforcer l’idée que nous sommes là pour voir une relation entre deux humains et moins leur interaction avec l’extérieur. Les rares scènes ayant un éclairage artificiel sont celles où Ally s’aliène un peu et plonge dans la musique commerciale peu à peu. On est vraiment amené tout en douceur du premier acte, au second : nœud du plot, pour enfin vivre une chute violente jusqu’au dernier acte, qui est fait pour bouleverser. Si je devais faire un reproche au film ça serait sur le pan de l’écriture, qui est parfois bancale et expéditive, surtout sur ce dernier acte justement. A Star is Born est réellement un petit bijou, un cocon qui met des étoiles dans les yeux (oui, on part sur un cliché assumé) et qui donne envie de chanter un petit peu plus tous les jours.Je suis allée voir I Feel Good sans n’en savoir rien, sans même avoir vu la bande annonce. Eh bien j’ai perdu 2 heures de ma vie. Ce film est un ovni, et pas dans le bon sens du terme. Le réalisateur a voulu faire une critique de la société de consommation et du capitalisme, en prônant un mode de vie plus communautaire et prétendument plus sain ; où être moche rime presque avec être heureux. La seule chose qui sortait de l’ordinaire en positif était peut-être le ratio de l’écran (presque un 4:3 si je me souviens bien), qui change de l’usuel 16:9, et donne une dimension presque documentaire au film. La BO étant également jouée par des musiciens pendant le film (on voit littéralement des gens en train de jouer la bande son devant nous), cela renforce d’autant plus l’impression qu’on ne regarde pas une fiction, mais plutôt qu’on aperçoit la vie de certaines personnes par une fenêtre. Même Jean Dujardin, pourtant une figure reconnaissable et reconnue, est méconnaissable, bouffi et à la peau d’orange. Si le scénario ne partait pas dans des considérations aussi… particulières à mesure que le film évolue, il aurait été sans doute plus appréciable, mais tel quel, on a l’impression de voir le film à son stade de brouillon un peu fou, sans réelle structure prédéfinie.En sortant de la séance de First Man, j’ai dit à mon amie : « si Damien Chazelle l’avait aussi écrit, ça aurait été le film de l’année ». Avec des si on n’avance pas vraiment, mais je n’ai pas pu m’empêcher de me faire cette remarque. Visuellement, le film est impeccable et se place dans la lignée de Whiplash et La La Land (films précédents de Damien Chazelle), on nous sert de la très grande cinématographie toute polie et aux finitions très nettes. En revanche, le film est trop long, et les longueurs se font ressentir, surtout quand tout le monde connaît la fin. L’histoire de Neil Armstrong est certes très intéressante, mais sans traitement un peu dynamique, le rythme du film en devient vite trop lent. Petit coup de cœur pour Claire Foy, qui joue Janet Armstrong, et qui confirme encore un peu plus son talent. Ryan Gosling est dans la retenue qu’on lui confère habituellement, non me déplaise. En somme, ce film est bon, voire même très bon, mais il aurait pu être un chef-d’oeuvre et manque à la promesse de faire tenir le spectateur au bord de son siège.Pour Bohemian Rhapsody, je ne serai que très peu impartiale étant donné mon amour pour Queen. La campagne de com du film promettait que « la seule plus extraordinaire que leur musique est son histoire ». Et effectivement : le film se focalise sur la personne de Freddy Mercury, incarné par Rami Malek, pour parfois délaisser un peu le reste du groupe. La timeline couvre l’évolution de Queen de sa création en 1970 au concert de LiveAid en 1985, considéré comme l’une des meilleures performances en Live de l’histoire de la musique. Rami Malek est grandiose, et est possédé par l’âme de Farrokh Bulsara (comprendre Freddie Mercury). Il nous émeut, nous fait rire, et surtout nous fait ressentir l’aliénation progressive de Bulsara qui évolue vers Mercury. On voit le mal-être de quelqu’un qui peu à peu trouve, crée son identité. On pourrait reprocher à Bryan Singer, le réalisateur, de ne pas avoir soigné le développement des autres personnages ; mais au final il n’y a pas de confusion à faire : ce film est sur la vie de Freddie. Queen est le vaisseau dans lequel il grandit, mais c’est vraisemblablement son histoire à lui qu’on nous raconte. Qu’on se le dise : la musique est jouissive ! Que vous soyez fan inconditionnel ou pas du tout, la BO est géniale, et les scènes de composition musicale sont exceptionnelles. Voir les géants de la musique que sont Mercury, May, Taylor et Deacon créer et entrer en symbiose pour renouveler le genre du Rock rend heureux je dirais même ! Il y a tout un travail sur les flous et les ralentis qui par moments frise l’hétéroclite et rend l’aspect un peu trop lisse, comme si le grain de l’image visait une perfection irréaliste. Les miroirs sont aussi beaucoup utilisés, notamment pour renvoyer un reflet plus ou moins distordu de Freddie Mercury. On le voit souvent à travers ses lunettes emblématiques, encore une fois pour renforcer l’effet de voir une personne qui elle-même ne se connait pas, et se cache derrière son reflet. En somme, Bohemian Rhapsody est un bel hommage à Freddie Mercury, qui nous donne accès à une histoire réellement hors du commun, et nous fait passer un très bon moment.
Rita Faridi