Opium Philo : vous reprendrez bien un peu de philosophie ?
« Se nourrir au XXIe siècle ». Tel sera le thème abordé par le deuxième numéro de la revue Opium Philosophie, qui paraîtra jeudi 17 avril. Cette année comme en 2013, une cinquantaine de jeunes ont répondu à l’appel à contribution lancé par l’association Opium Philosophie, pour participer à la rédaction et à l’édition de la revue éponyme. Inscrits à Sciences Po ou à Paris Ouest Nanterre, à Panthéon Sorbonne ou à Paris Descartes, à l’ENS ou à l’EHESS, en école de commerce ou en école d’art, tous les jeunes contributeurs de la revue sont issus d’horizons très divers, mais tous sont un peu philosophes. Pour la 2e année consécutive, l’association Opium Philosophie a rassemblé leurs écrits (récits, poèmes, réflexions théoriques, analyses de l’actualité) et a reproduit diverses productions artistiques de leur cru (dessins, peintures, photographies, collages), dans un bel ouvrage de 116 pages.
Revue en papier, revue à succès
Cette année encore, le choix du format papier s’est imposé à toute l’équipe éditoriale. « Quand bien même l’association dispose par ailleurs d’un site Internet, nous avons voulu créer une revue qui permettait mieux de mettre en avant le fait que nos travaux étaient reliés et constituaient une œuvre collective », explique Armande Delage, la rédactrice en chef. Il faut dire aussi que ce caractère matériel de la revue lui donne également un petit côté « rétro » qui, l’année dernière, a semble-t-il séduit les nostalgiques de l’ère pré-numérique. Le 1er numéro s’est en effet vendu comme des petits pains en 2013. En seulement deux mois, les 1000 exemplaires imprimés avaient été vendus. Et quand bien même l’argent récolté grâce à ces ventes n’a pas été suffisant pour pour financer l’édition du 2e numéro, les créateurs de la revue, lucides, ne s’étaient pas fixé un tel objectif. L’autofinancement de la revue, ils le savent bien, ne sera envisageable qu’à long terme. C’est pourquoi en attendant, en 2014, l’association a une fois de plus fait appel à la générosité des étudiants sur la plateforme de financement participatif kisskissbankbank – laquelle permet d’ailleurs aux potentiels acheteurs de la revue de réserver celle-ci à distance s’ils n’habitent pas à Paris. Mais cette année, elle s’est jurée de ne pas se laisser surprendre par l’incroyable succès de la revue. Non moins de 2500 exemplaires seront donc mis en vente à 5€ sur les campus et à 8,90€ en librairie.
Une revue à contre-courant ?
Si le prix peut sembler conséquent, il reste en fait très raisonnable, surtout comparé au prix des autres modèles du genre. Une fois achetée, la revue Opium Philosophie est en effet quelque chose qui se garde. Et pour cause, la qualité du contenu est tout à fait louable (les contributions ont été soigneusement choisies), les réflexions philosophiques proposées, quoique ancrées dans l’actualité, demeurent intemporelles puisque la revue, annuelle, s’inscrit dans le temps long de l’écriture. Par ailleurs et pour finir, le nombre de pages de la revue est plutôt conséquent. Les apprentis philosophes qui en ont rédigé les textes ont en effet eu tout le loisir de déployer leur pensée philosophique dans des articles fleuves ou des poèmes en prose. A l’heure des Tweets, de l’instantané, de l’éphémère et du jetable, à l’heure aussi où la perte de sens de l’actualité semble toujours plus patente, la revue Opium Philosophie, pour le plaisir de tous, s’est donc affirmée comme une revue à contre-courant…
Opium Philo : la Revue XXI des étudiants
Du moins était-ce l’impression que l’on pouvait avoir à première vue, car à n’en pas douter, Opium Philosophie surfe en réalité sur la nouvelle vague des « mooks ». La revue étudiante a en effet délibérément repris les codes de ces « magazines-books », qui connaissent actuellement un succès florissant. Son attachement au format papier, la diversité de ses contenus, mais aussi sa volonté de porter un regard décalé sur l’actualité, concourent effectivement à inscrire Opium Philosophie dans la lignée de la Revue XXI ou même de France Culture Papiers. S’inspirant de ces nouvelles revues, le comité éditorial d’Opium Philosophie a par ailleurs choisi, pour son 2e numéro, de conserver la même maquette que l’année dernière. Les rubriques phares du périodique (y compris les plus humoristiques) sont amenées à se pérenniser, de même que l’alternance entre récits de quelques lignes et textes analytiques de plusieurs pages. En outre, plusieurs éléments qui constituent désormais la marque de fabrique de la revue Opium Philosophie, mais que l’on ne s’attendrait pas forcément à trouver dans une revue de philosophie classique, seront au menu de ce 2e numéro : illustrations à foison, mise en page soignée et graphisme impeccable. Au diable l’austérité des vieux grimoires. Ce que l’association cherche à démontrer en égrenant dessins et photographies au fil des pages de sa publication, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’aborder la philosophie. Et d’affirmer, dans le manifeste du 1er numéro : « la philosophie envisage avant toute chose son statut comme espace d’interactions et de partage de la pensée ». Tout discours, qu’il soit écrit, peint ou chanté, peut être porteur d’une réflexion philosophique féconde.
« Nous défendons l’absolue fécondité de la philosophie » (Manifeste d’Opium Philosophie)
Féconde, la réflexion des contributeurs d’Opium Philosophie l’est assurément, puisqu’elle se veut avant tout utile pour ceux qui vont la lire. Loin de s’en tenir à des considérations purement conceptuelles, creuses et éthérées, les étudiants d’Opium Philosophie cherchent plutôt à inscrire leurs raisonnements dans l’actualité, car si la philosophie vise avant tout à appréhender le monde avec distance, elle n’en est pas moins ancrée dans la réalité. En réfléchissant, dans cette revue, de manière philosophique, éthique et même psychologique sur un objet tout à fait concret voire trivial – la nourriture –, les étudiants d’Opium Philosophie ont ainsi fait un formidable pied de nez à tous ceux qui, aujourd’hui comme à l’époque de Socrate, seraient tentés d’assimiler les philosophes à de piètres moralistes bavards, lunatiques et fous.
« Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation » (Francis Ponge, « Le Pain »)
L’association au nom baudelairien a d’ailleurs organisé des ateliers de philosophie avec des lycéens de ZEP en 2013 et même avec des prisonniers au cours de cette année. « La philosophie pour tous ! » Tel est le mot d’ordre qu’elle souhaite promouvoir. L’on se surprend alors à penser que cette joyeuse incitation à philosopher sonnerait presque comme une invitation rabelaisienne à boire un verre, comme une exhortation pongienne à partager les textes qui ont nourri nos esprits de leur pain. D’ailleurs, pour fêter dignement la publication du 2e numéro de sa revue, l’association Opium Philosophie a décidé d’organiser une soirée de lancement gratuite et libre d’entrée le jeudi 17 avril. Elle se tiendra au Dandy Club dans le 9e arrondissement à partir de 20h30. Au menu de cet événement festif : concert, musique avec DJ, vernissage, sans oublier bien sûr, la vente de l’opus tant attendu. Et parce qu’Opium Philosophie a mis les petits plats dans les grands, elle s’est associée avec l’association Le Banquet afin d’organiser un buffet pour l’occasion.
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