Mort de Mahsa Amini : des étudiants de Sciences Po se sont rassemblés en soutien aux Iraniennes
Dans le jardin du 27 rue Saint-Guillaume, des étudiants se sont réunis au côté de syndicats et partis politiques de gauche le lundi 26 septembre, pour rendre hommage à la jeune iranienne Masha Amini, décédée dix jours plus tôt suite à son arrestation par la police des mœurs à Téhéran.
Le souffle des souffrances du peuple iranien et de sa jeunesse s’est diffusé au-delà des chaînes de montagne de l’ancien empire perse. Alors que partout dans le monde y compris au Moyen-Orient, la révolte iranienne a été saluée, des étudiants de Sciences Po ont également tenu à apporter leur soutien aux milliers d’Iraniennes et d’Iraniens qui manifestent contre le conservatisme de la République islamique à la suite de la mort brutale de Mahsa Amini, arrêtée quelques jours auparavant par la police des mœurs pour avoir laissé une mèche de cheveux dépasser de son voile.
Cette initiative vient de la section de Sciences Po du Parti socialiste (section Jean Zay), contactée par Afshin, étudiant iranien.
« Regarder les manifestations de loin est une montagne russe émotionnelle. Je ressens de la fierté devant la bravoure du peuple, de la tristesse à cause des tueries, de la honte parce que je ne peux rien faire d’ici et de l’espoir grâce à la perspective possible d’un Iran libre et démocratique » confie-t-il.
Afshin, étudiant iranien.
Les différentes formations politiques et syndicales de gauche, ainsi que des associations féministes, se sont mises d’accord pour organiser un rassemblement dans le jardin du 27. Il s’agissait de saluer la mémoire de Masha Amini et le courage des milliers d’Iraniennes et d’Iraniens dans les rues, en dépit des risques encourus. En somme, « défendre un concept qui nous parle à tous, la liberté » selon Adrien Pourrat, trésorier de la section Jean Zay et organisateur de l’événement.
« Leur courage est plus qu’inspirant »
Tous les étudiants rassemblés ont voulu manifester leur soutien et respect aux mobilisations où retentissent les slogans « Femme ! Vie ! Liberté ! ». « Leur courage est plus qu’inspirant », affirme Adrien Pourrat. « Je n’ai pas de mots pour décrire mon respect pour eux. Je suis complètement en admiration devant leur bravoure » ajoute Afshin.
Une mobilisation estudiantine qui se veut être un hommage aux femmes iraniennes, véritables piliers des manifestations en Iran. « Les femmes sont au premier plan de ces soulèvements et seront au premier plan dans un Iran libre » estime ainsi Afshin, qui tient à préciser que « des hommes – et de nombreuses femmes voilées d’ailleurs – se tiennent aux côtés des manifestantes pour (…) défendre la liberté de choisir de porter ou non le voile».
Un moment historique de concorde nationale
Malgré la violence de la répression des manifestations par le régime de l’ayatollah Ali Khamenei, ce vent de révoltes ne cesse de gagner en intensité, et pourrait bien être le début d’un grand changement, comme l’a d’ailleurs souligné la spécialiste Annabelle Sreberny, interviewée par l’Express. Depuis Paris, les étudiants de Sciences Po ont cet espoir, et cette tragédie pourrait amener le peuple iranien à s’unir vers une marche de liberté et de justice.
« Si je suis tout à fait honnête avec vous, en tant qu’Iranien kurde [N.D.L.R : comme Masha Amini], je me sens vu et entendu par d’autres Iraniens pour la première fois de ma vie », nous témoigne Afshin. « Paradoxalement, sa mort a donné vie à un moment historique où tous les Iraniens se sont réunis en ayant compris que nos destins étaient liés d’est en ouest, du nord au sud et à travers toutes les couches de la société iranienne.»
Afshin, étudiant iranien.
Mais le code vestimentaire n’est pas le seul frein à l’émancipation de la jeunesse iranienne, loin s’en faut. N’oublions pas le rôle de la censure académique, vitale à la survie du régime, pour tuer toute opposition intellectuelle dans l’œuf. « Mais vous ne pouvez pas censurer un esprit et vous ne pouvez pas emprisonner des idées », affirme Afshin. « Les étudiants iraniens qui manifestent dans les rues sont clairement des libres penseurs avec des idées radicalement différentes et beaucoup plus complexes sur la gouvernance et la liberté que le régime. S’ils étaient autorisés à laisser le meilleur argument l’emporter grâce à la liberté d’expression et au débat public, le régime ressemblerait vraiment à ce qu’il est. Une relique du passé. »
L’Iran, une cause importante pour Sciences Po
Ce n’est pas la première fois que l’institut de la rue Saint-Guillaume se mobilise contre le régime iranien. L’école avait entamé des démarches, au côté des autorités françaises, pour libérer Fariba Adelkhah, directrice de recherche au CERI, arrêtée et emprisonnée en Iran en juin 2019 puis en janvier 2022. Plusieurs manifestations de soutien se sont tenues et la banderole à son effigie demeure toujours sur la façade du 27.
« Je voudrais saluer Fariba et tous les défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme en Iran, y compris Nasrin Sotoudeh. Le régime a enfermé les meilleurs et les plus brillants de la nation, mais leur lumière brille toujours à travers les murs de la prison et nous réchauffe tous – même ici à Paris », conclut Afshin.
Afshin, étudiant iranien.
Malgré la distance, ce rassemblement aura permis aux étudiants de Sciences Po d’adresser un message de solidarité au peuple iranien et à ses étudiants, qui, au péril de leur vie, luttent pour un avenir meilleur.