Mélanie Vogel : “Si la jeunesse se mobilise, on peut y arriver”

Lors de son afterwork de rentrée, EELV SciencesPo a reçu Mélanie Vogel, sénatrice et co-présidente du parti écologiste; l’occasion pour la Péniche de lui poser quelques questions. 

Vous êtes sénatrice EELV et vos positions peuvent détonner face à la composition du Sénat parce que la gauche mais aussi les femmes sont minoritaires. N’avez-vous pas l’impression parfois de prêcher dans le vide ?


Non. Jamais. D’abord parce que quand on est parlementaire, on parle évidemment au Parlement, mais aussi à la société. Donc, même quand on n’arrive pas à gagner les batailles parlementaires qu’on voudrait, on a une place dans le débat public. 

J’ai aussi l’impression d’avoir, grâce aux débats dans l’espace public, réussi à remporter des victoires au Sénat, dont une très importante pour moi : le vote sur l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution. Franchement, quand je me suis lancée là-dedans, on me disait « tu rêves ». Mais ça a marché. 

Ce n’est pas par hasard si je suis sénatrice : il y a eu une volonté des écologistes d’amener des profils différents au Sénat. Il y a très peu de diversité au Sénat : je ne représente pas la diversité mais un petit bout.


Justement, où en est le combat pour la constitutionnalisation de l’IVG? 


Le combat est très loin d’être terminé, les combats pour les droits des femmes sont souvent longs, compliqués et frustrants, mais essentiels. Sans les parlementaires féministes et les féministes dans la rue, sans les personnes qui ont écrit aux sénateurs qui ont voté contre, jamais nous n’aurions eu la constitutionnalisation de l’IVG, jamais nous n’aurions gagné le combat. 

Maintenant, où en est le combat ? Il y a deux possibilités pour changer la Constitution : par une initiative parlementaire ou par une initiative gouvernementale. Il y a une différence fondamentale entre les deux : c’est la ratification à la fin. Si ça vient du gouvernement, le président a le choix : le référendum ou le congrès. Si c’est le congrès, donc la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat, ça doit être voté aux 3/5. Si c’est parlementaire, ce qui est le cas aujourd’hui, il ne peut pas y avoir de vote au congrès, mais un référendum. Nous, on veut que le gouvernement fasse un projet de loi : et je m’en fiche si au final ils s’approprient la constitutionnalisation de l’IVG. C’est juste que c’est le plus efficace. Il y a une majorité au Parlement pour inscrire l’IVG, même s’il y a un boulot à faire sur la rédaction, je suis d’accord. 

Mais, on attend, on attend, on attend. Emmanuel Macron annonçait qu’il s’engageait sur la mémoire de Gisèle Halimi à le faire. Mais, il veut le faire dans un projet global de changement de la Constitution sur lequel  il sait qu’il n’aura pas la majorité : on revoit le cumul des mandats etc et en même temps l’IVG. 


Autre combat qui vous tient à cœur : la lutte contre l’homophobie. Le Parquet de Bergame en Italie a décidé en juin dernier de contester les actes de naissance d’enfants nés de PMA en ne reconnaissant que la mère biologique. Pensez-vous que l’Union Européenne devrait se saisir de ce sujet pour éviter ces dérives ?

Ce sont des forces qui prétendent défendre la famille et qui vont priver les enfants d’avoir des parents. Ça met les enfants en danger parce que, quand on n’a plus de reconnaissance de parentalité, et que l’enfant est malade, qu’on doit l’amener à l’hôpital, et dire oui pour une opération… ça a des conséquences très concrètes qui peuvent parfois mettre des vies en danger. 

Il y a des choses qu’on peut faire « rapidement » comme la reconnaissance mutuelle de parentalité puisque c’est la garantie de liberté de circulation : quand on a un couple avec une roumaine et une espagnole qui vit en Belgique, qui a eu un enfant légalement, ce n’est pas normal qu’elles perdent des droits en exerçant la libre circulation dans l’Union Européenne.

Pour aller plus loin : je suis favorable à ce que les droits fondamentaux, les droits sexuels et reproductifs, et de lutte contre les discriminations fassent partie des compétences de l’Union Européenne. Il faut que la charte des droits fondamentaux soit applicable partout en Europe directement.

Vous luttez fermement contre l’importation de produits issus du travail forcé du génocide des Ouighours. Que pensez-vous de la présence du journal officiel du parti communiste chinois à la fête de l’Humanité?


C’est un énorme problème. Je n’ai même pas besoin de développer : l’ambassade de Chine, le PCC qui sont responsables de crimes contre l’humanité ne doivent pas faire partie de nos luttes.

Cette position, la partagez-vous dans tous les domaines ? Nous pensons notamment au débat concernant la présence d’athlètes russes dans des compétitions internationales. Doit-on les exclure ?


Dans certains cas, c’est pertinent de le faire. Par exemple, quand le fait de participer à ces compétitions  présente un intérêt diplomatique pour le pays en question. Mais, il faut toujours réussir à trouver des sanctions qui visent au bon endroit : les auteurs de crime contre l’humanité, et pas les sportifs. 


Dans un tout autre domaine, récemment, Emmanuel Macron a exprimé sa volonté de voir chaque enfant de 11 ans planter un arbre. Parallèlement, les membres du gouvernement et lui-même prennent très souvent l’avion, même pour des trajets très courts. Qu’en pensez-vous?


Emmanuel Macron, c’est ça. Les vrais sujets, par exemple comment mettre la France sur le respect de l’accord de Paris, on ne sait pas faire, donc on met en place des choses symboliques et ridicules. En même temps, on continue d’autoriser les pesticides, on continue de mettre l’argent qu’il faut dans le ferroviaire… c’est toujours la même chose. 

Le changement climatique ce n’est pas le Covid 19. Le changement climatique, on sait ce que c’est, on a les capacités de résoudre la crise climatique. Mais, soyons honnêtes, résoudre la crise climatique, c’est aller en conflit avec certains intérêts. Donc, on ne le fait pas mais à côté on demande aux gens de planter des arbres. Ça a toujours été l’approche des libéraux : faire peser la charge de la solution sur les individus, en priorité les plus précaires.


Raphaël Glucksmann a annoncé sa candidature aux européennes. Pensez vous qu’une alliance serait envisageable ?


Le choix des écologistes, c’est d’avoir une liste écologiste menée par Marie Toussaint, qui défend notre projet.

Je partage beaucoup de combats avec Raphaël Glucksmann, que je respecte beaucoup. J’espère qu’il sera au Parlement. Mais, manifestement, on ne se retrouvera pas sur la même liste.


Pour conclure, avez-vous un mot pour les Sciences Pistes ?

Ce serait bien qu’ils rejoignent EELV Sciences Po [rires]. 

Je crois que l’avenir de l’Europe repose sur la jeunesse engagée, qui pour beaucoup est sur les bancs de Sciences Po. Les prochaines élections européennes vont décider de l’avenir. La dernière fois, c’est la jeunesse qui a fait le scrutin, qui a fait les villes écolos, qui a porté les écologistes en Allemagne, en Autriche, en Irlande. Si la jeunesse se mobilise, on peut y arriver. 

Propos recueillis par Racim Smahi et Orilia Attlan
Crédits photo : Téo Manisier