L’édito -presque éco- de Dominique Seux
Les millions de lecteurs des Echos sont familiers de sa plume. Les 1,6 millions d’auditeurs matinaux de France Inter connaissent le son de sa voix. Dominique Seux, ancien élève de Sciences Po, est le rédacteur en chef de ce quotidien, où il coordonne le service « France au quotidien », et responsable chaque matin sur France Inter un « édito éco » très populaire. Et il a accepté de nous rencontrer.
Dominique Seux en 4 dates :
• 1984 : entrée à Sciences Po
• 1994 : début de carrières aux Echos
• 2005 : devient rédacteur en chef du service France au quotidien
• 2010 : début des « édito éco » sur France Inter
Dominique Seux est entré en 1984 à Sciences, après un an de maîtrise de droit et de deug d’économie, où il choisit la filière « Service Public » (l’équivalent de notre actuel master Affaires Publiques). S’il n’a pas encore développé de passion particulière pour l’économie, il est en revanche très intéressé par toutes les questions « macros », comme celle des politiques publiques. Après ses études, il passe deux ans au Maroc en tant que responsable d’un bureau d’ingénierie, où il a l’occasion d’être en contact permanent avec la sphère publique marocaine et avec les entreprises. C’est à son retour du Maroc que sa passion de jeunesse lui revient. Dominique Seux est curieux, il veut « comprendre et faire comprendre, donner du sens au bruit ». Pour certains, ça passe par l’enseignement, pour d’autres, par le journalisme. C’est la voie qu’il choisit.
Il est donc aujourd’hui journaliste économique, rédacteur en chef du service France au quotidien du plus grand journal économique français, et éditorialiste économique sur la radio publique à la plus large écoute. Et peut-être que cette fonction n’a jamais eu autant d’intérêt que depuis 2008 et le début de la crise économique. Selon Dominique Seux, « Il s’agit d’expliquer la crise la plus brutale, la plus longue (puisqu’en six ans, on n’en est pas encore totalement sorti), la plus profonde de la zone euro, alors même que les experts ne s’entendent pas sur les ressorts de celle-ci. En un mot, il y a autant d’experts de la crise que de crise des experts’‘ ». Nous vivons une période de basculement économique majeur, où l’Occident perd le monopole de la puissance, et où, selon la phrase de Dominique Strauss-Kahn citée par notre interlocuteur, « la parenthèse ouverte à la fin du XIXème siècle où la puissance économique et financière n’était pas corrélée avec taille d’un pays en train de se refermer » ». Faire du journalisme économique n’a peut-être jamais été aussi passionnant.
Dominique Seux consacre 80% de son temps de travail à son poste aux Echos, où sa mission consiste à raconter, décrypter, et « donner des éléments de décisions aux décideurs », à savoir les entreprises. Les 20% restant sont consacrées à un objectif bien différent, puisqu’il s’agit de condenser en 3min15, pour son « édito éco », un point de l’actualité pour un public de non-initiés, auquel il tente de faire comprendre le plus pédagogiquement possible des réalités qu’ils ignorent, comme l’émergence de l’Afrique du Sud ou de l’Indonésie. L’édito éco est engagé, et suit la ligne libérale du journal. Le journaliste précise que « c’est parfois bien plus difficile de faire simple que compliqué ».
Une belle réussite donc, pour cet ancien sciences-piste. Mais aujourd’hui, beaucoup d’étudiants s’interrogent sur leurs perspectives d’emploi à la sortie de l’école, tant le climat économique et entrepreneurial paraît dégradé. Quelles sont nos perspectives d’emploi ? « Excellentes ! », selon Dominique Seux, « pour des diplômés prêts à se remettre en cause ». Il souligne surtout la chance extraordinaire des carrières internationales, que 10% des salariées pourraient embrasser. Sur ce point-là, Sciences Po a vu juste. Le vrai problème, ce n’est pas pour l’emploi des diplômés, mais pour les gens sans qualifications ni mobilité géographique, pour lesquels le système fait face à un véritable enjeu d’adaptation et de rénovation du système social. Si nous sommes dans le « siècle de l’intelligence », Dominique Seux note deux problèmes principaux pour les futurs diplômés. Tout d’abord, la baisse du nombre de postes dans le secteur public, qui recrute moins à un niveau de moins en moins haut. Mais aussi et surtout, il critique le déséquilibre croissant de la vie au travail, où « On a tiré trop sur la corde dans les relations sociales. Il y a trop de stress, trop de pression, trop de réalités très violentes ». Ce sont ces problèmes auxquels nous auront à faire face.
Une question nous brûle, bien évidemment, les lèvres. Quel regard un économiste, ancien Sciences piste, porte-t-il sur «l’affaire des primes » de Sciences Po ? Dominique Seux sourit, la question était attendue. «’‘ Le procès fait à Sciences Po est excessif, tout comme les compliments dont l’institution avait été louée l’étaient » ». Les compliments adressés à l’IEP prêtaient d’ailleurs à sourire dans le milieu médiatique, puisque « beaucoup de journalistes étaient eux-mêmes issues de l’institution qu’ils louaient ». Si aujourd’hui les dérives sont réelles, méritent-elles pour autant la Une du Monde ? « Brûle ce que tu as adoré », en somme.
L’économiste revient sur son expérience à Sciences Po. Il note la richesse des liens qu’il a tissés là-bas, au moins une vingtaine de personnes qui sont aujourd’hui encore ses amis proches, et un vrai tissu relationnel. Mais il souligne surtout l’apport intellectuel de telles études : à Sciences Po, « On apprend à réfléchir, pas seulement à avaler ». De ces quelques années passées à Saint-Germain, il garde un excellent souvenir, de la Péniche notamment, dont il se souvient en souriant. Le plus beau souvenir qu’il ait, ce sont les conférences de Jean Pierre Landau du lundi soir, alors sous gouverneur de la Banque de France, durant lesquelles « Boutmy était plein, et toutes les filles étaient folles de lui. Il avait cette capacité incroyable de déplacer la ligne, de vous montrer brillamment que le vrai sujet était ailleurs ». Durant ces études, il a eu pour maître de conférence François Hollande, qui était « très bon et plein d’humour», et a croisé sur les bancs Jean-François Copé. Rien que ça. Mais il se souvient surtout d’un certain « snobisme des étudiants parisiens ». Certaines constantes demeurent-elles selon les époques ? Pour finir, quelques conseils aux étudiants qui voudraient s’engager sur la voie du journalisme : « C’est un métier passionnant, mais qui nécessite une organisation de vie particulière, tant il est prenant, et beaucoup de volonté. Rentrer dans le système n’est pas facile ». La diminution de la presse papier et les nouvelles voies de l’information font que le métier est en pleine évolution : « Il faudra de moins en moins donner de l’information, mais donner du sens à l’information. C’est peut-être ça, le vrai métier de journaliste « .
Merci à Dominique Seux d’avoir accepté de nous rencontrer. Retrouvez sa chronique tous les matins à 7h20 sur France Inter, et Les Echos en kiosque chaque jour !
One Comment
Maxime
« mettre de conférence »…