Trudeaumania en Boutmy ? Retour sur une visite atypique

Nous remercions Lucas Vidal, qui a bien voulu nous transmettre ses photos pour les besoins de cet article !

Semestre de printemps 2018, semaine 11. Une semaine riche en actualité pour Sciences Po qui, avant d’être agité par l’occupation de ses locaux en fin de semaine, recevait lundi 16 avril Jacinda Ardern, premier ministre néo-zélandaise, et Justin Trudeau, chef du gouvernement canadien. Les quelques étudiants chanceux ayant réussi à obtenir une place au terme d’une rude bataille délaissent pour un temps leur papers et autres examens finaux pour se masser en amphi Boutmy. Excitation, murmures et applaudissements nourris lors de l’arrivée du premier ministre témoignent de la Trudeaumania qui n’épargne pas les étudiants de Sciences Po. C’est donc devant un amphithéâtre largement acquis que Justin Trudeau, 23eme Premier Ministre du Canada, prend la parole et entame un discours qui durera plus d’une heure.

Une certaine conception de la démocratie

Dans son discours introductif tout comme dans ses réponses aux questions des étudiants, le charismatique Premier Ministre fait état des tensions qui traversent actuellement la démocratie. Non, nous ne sommes pas en cours de sciences politiques avec Messieurs Reynié ou Perrineau, et, pourtant, Justin Trudeau évoque le déclin de ce modèle politique – qui avait triomphé des régimes autoritaires il y a 70 ans – insistant de fait sur la nécessité de ne jamais prendre la démocratie, la paix et la liberté pour acquises.

Le Premier Ministre canadien s’exprime à la tribune de Boutmy. Crédits photo : Lucas Vidal

Dans un monde de transition, de globalisation, où les nouvelles technologies prennent une importance croissante, c’est un Trudeau pédagogue qui explique que les anxiétés et le cynisme d’une partie de la population deviennent matière à exploiter pour l’extrême-droite et l’extrême gauche, par des discours haineux. Tout en défendant sa politique libérale et d’ouverture sur le monde (CETA, politique d’accueil des réfugiés), Justin Trudeau affirme la nécessité de comprendre cette crise de la démocratie libérale, dans la mesure où la mondialisation a apporté beaucoup en terme de prospérité économique mais que beaucoup reste à faire en terme d’environnement, d’accompagnement des travailleurs et de citoyenneté.

Un message trop optimiste ? 

Justin Trudeau considère cela comme un défi pour les gouvernements et une invitation à ne pas se satisfaire des acquis. Plus encore, c’est une nécessité puisque « répondre à ces anxiétés de façon concrète est essentielle à la défense de nos institutions et de notre démocratie ». Le message de Justin Trudeau est finalement un message d’espoir, très – trop ? – optimiste : le progrès est bien là, malgré le sentiment général qu’il n’existe plus. Il suffit simplement de créer de la confiance au sein de la société et d’aider les plus défavorisés.

Justin Trudeau en amphithéâtre Boutmy. Crédits photo : Lucas Vidal

Une volonté de relever ce défi donc, mais aussi l’expression d’une certaine vision de la démocratie. Une démocratie respectueuse des libertés publiques, d’abord, qu’il s’agisse de la liberté d’expression, de la presse ou de la liberté de culte, tant que celles-ci s’expriment dans le respect de la liberté des autres. En effet, si la liberté doit être préservée à tout prix et ne pas faire l’objet d’un échange « fallacieux et dangereux » contre la sécurité, l’Etat doit s’assurer qu’elle respecte les droits de tous. Justin Trudeau prend alors pour exemple l’excision, s’insurge contre elle et récolte quelques applaudissements dans la salle.

Enfin, selon le Premier Ministre canadien, la démocratie est aussi synonyme de diversité. Défendant ainsi la politique canadienne d’accueil des réfugiés et migrants, il soutient que la diversité d’opinion et d’origine crée de l’emploi, de la croissance économique et «de la résilience dans une société, non de la faiblesse Les sociétés les plus diverses peuvent se trouver plus forte grâce à la diversité».

Réflexion, dialogue, engagement : la place des jeunes dans le monde de Trudeau 

Justin Trudeau connaît son public. Il sait que son auditoire est constitué de jeunes, qui plus est intéressés par les enjeux publics. Cela tombe bien : les jeunes et le dialogue avec ces derniers, c’est l’un des ses fonds de commerce. Face aux défis sociaux actuels, Trudeau a une conviction : les jeunes doivent prendre leur place dans le débat public et doivent devenir des leaders dès aujourd’hui. Pourquoi cela ? Car pour le Premier Ministre, les jeunes sont à un âge de leur vie où les changements sont très fréquents et il faut appliquer cette adaptabilité au changement à la politique.

Cela doit passer par le dialogue, la réflexion, le débat, ou encore par les manifestations et les rassemblements. Trudeau lui-même a décidé d’«être le ministre des jeunes», lors de son arrivée au pouvoir en 2015, car il pense que le déclin du vote des jeunes ne signifie pas que les jeunes sont indifférentes à des thématiques telles que celles de l’environnement ou encore du numérique. Concrètement,  Justin Trudeau a créé un conseil jeunesse du Premier Ministre, rattaché au bureau du Premier Ministre, qu’il consulte mensuellement.

Trudeau, plus sciencepiste qu’il n’y paraît ? 

Le public sciencespiste déjà largement acquis à la personnalité du dynamique Premier Ministre semble conquis par le discours et les thématiques abordés – démocratie, jeunesse, réfugiés, environnement, féminisme. Des thèmes fédérateurs qui rassemblent beaucoup d’étudiants sciencespistes, mais un discours que certains jugent à la fin de la conférence attendu voire trop consensuel.

Justin Trudeau recevant des mains de Frédéric Mion le dossier scolaire de son père. Crédits photo : Lucas Vidal

Frédéric Mion, introduisant la conférence donnée par le Premier Ministre, a rappelé l’étroitesse des liens qui unissent Sciences Po au Canada et à Justin Trudeau. Que ce soit par les échanges universitaire de 3A ou de double BA, par le programme HeForShe, par trois valeurs communes – le refus des réponses simplistes, le goût de l’altérité de la justice, et le « progrès comme horizon de pensée pour l’action – ou à un niveau plus personnel et anecdotique par l’année passée par le père de Justin Trudeau, également Premier ministre, à Sciences Po en 1945, Justin Trudeau semble être parfaitement chez lui à Sciences Po.

Vous avez raté le dialogue avec Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada, le 16 avril dernier ? L’intégralité de l’événement est à retrouver ici ! 

https://livestream.com/sciencespo/events/8154810