Interview : Jean-Michel Carlo, directeur de l’École de la Communication
LaPéniche.net avait lancé une série d’interviews d’étudiants en Masters de Sciences-Po et de responsables de ces Masters, afin de vous guider dans votre orientation professionnelle. Il s’agit d’en savoir plus sur leurs enseignements, les stages, les effectifs, les débouchés, bref, tout ce qu’on ne nous dit pas, ou du moins, pas assez ! Voici le tour de la toute récente École de Communication, dont Jean Michel Carlo, son directeur, a accepté de nous faire le portrait détaillé.
- LaPéniche.net : D’où vient la décision de diviser l’ancien master “Communication” en deux masters distincts (“Marketing et études” et “Communication”) ? Pourquoi avoir choisi le format d’une École de la Communication ?
Jean-Michel Carlo : Cela fait plus de trente ans qu’il existe un DESS en marketing à Sciences Po. L’École a une longue tradition de formation de professionnels dans les domaines de la communication et du marketing, mais la révolution numérique qui a lieu depuis plusieurs années nous a obligé à repenser les enseignements : aujourd’hui, la communication est devenue un enjeu crucial pour toutes les entreprises.
Une commission de réflexion a ainsi été mise en place, et ses travaux ont abouti à la scission de l’ancien master. La séparation s’explique aisément : le marketing est un élément -particulièrement technique- parmi d’autres de la communication. L’École de la Communication a pour objectif d’offrir une vision plus large, qui peut aller de la communication commerciale, financière ou politique au mécénat ou encore à la communication interne. L’autre raison de cette séparation est le contexte actuel : la compétition dans ces domaines est rude, et il existe de nombreuses Écoles qui délivrent de bons diplômes de marketing. L’originalité de Sciences Po se veut dans cette maquette repensée, avec un master Marketing & Études tourné vers le business, qui se rapproche du master Finances et Stratégie d’une part, et d’autre part l’École de la communication généraliste mais également très professionnalisante.
C’est justement la raison de la création de l’École : le format permet de se rapprocher des milieux professionnels, et de trouver un meilleur équilibre entre sciences sociales et enseignements professionnalisants. L’École n’a pas pour autant de volonté d’indépendance : le diplôme délivré est le diplôme de Sciences Po avec le grade de master et la mention communication, et c’est bien de là que vient sa compétitivité.
Cela nous permet de bénéficier d’excellents enseignants, de l’image de marque de l’institut et bien sûr aussi, d’excellents étudiants. L’École de la Communication est donc une École personnalisée dans Sciences Po, et cette mixité est un élément auquel je tiens beaucoup.
- LaPéniche.net : En ce qui concerne la maquette pédagogique, comment s’articulent les cours durant les deux années du master ?
Jean-Michel Carlo : En M1, l’École conserve des grands cours de Sciences Po comme celui de Bruno Latour ou un cours d’économie en anglais donné par David Jestaz (voir la maquette pédagogique en ligne) mais trouve son originalité dans de nombreux workshops de sciences sociales (6 par semestre) et ateliers par groupes de dix élèves. L’idée est d’enseigner d’une part les fondamentaux de la gestion, du droit, du marketing, des études de l’économie et de la communication, et d’autre part des aspects plus spécifiques de la communication dans des électifs. A ces cours s’ajoutent des rencontres métiers avec des professionnels (une par mois) et des cours d’anglais orientés sur la communication. En M2, la maquette n’est pas encore totalement terminée, mais l’idée est d’axer le programme sur les différents métiers de la communication, pour que les élèves puissent commencer à se spécialiser. Il n’existe pas encore de mentions à l’intérieur du master qui est encore tout jeune. Venant d’être formé il a encore besoin d’une certaine homogénéité, mais nous en créerons sûrement un jour.
Pour l’instant, la première promotion est composée de 60 élèves. Pour la suivante (NDRL : qui est actuellement en train d’être composée), notre objectif est d’environ 85 élèves au maximum : nous ne pouvons pas dépasser un tel effectif pour l’instant si nous souhaitons conserver la qualité du master, en considérant la capacité d’absorption actuelle du marché.
L’interface avec les entreprises, la nouveauté des cours et les contenus impliquent encore un nombre réduit d’étudiants. L’une des caractéristiques de l’École est notamment le fait que cette année, pour 60 élèves, nous avons 59 professeurs, autant académiques (tels que Bruno Latour, Dominique Reynié, Thierry Vedel ou Michel Vivant) que professionnels (comme Marie Laure Sauty de Chalon de Aegis Media , Nicolas Bordas de TBWA France, Bernard Emsellem de la SNCF, Jean-Pierre Seguret de DDB, Antoine Sire de BNPParibas, ou encore Brice Teinturier de TNS Sofres). Il y a réellement eu une mobilisation de la profession pour trouver nos enseignants, avec de grands professionnels issus de tous les secteurs de la communication, des groupes de communication aux sociétés d’études en passant par les télécommunications et les médias.
- LaPéniche.net : En plus de faire intervenir des professionnels, comment s’organise le volet “professionnalisation” de l’École ?
Jean-Michel Carlo : L’ancien master “Communications” était déjà l’un des plus professionnalisant de Sciences Po, puisqu’il a été le premier à offrir la possibilité de l’alternance. Aujourd’hui, l’École de la Communication laisse le choix aux étudiants entre stage de longue durée et alternance. Le stage de longue durée, réalisé au quatrième semestre, est diplômant. Pour l’apprentissage, Sciences Po a réussi à négocier des aménagements afin d’éviter le rythme classique de 3 semaines en entreprise/ 1 semaine en cours, qui n’est pas idéal pour suivre le rythme de l’entreprise, en particulier dans le domaine toujours en mouvement de la communication. Nos étudiants réalisent donc un mois d’immersion dans l’entreprise en septembre de M2, puis leur semestre 3 à l’École, pour retourner en entreprise durant tout le quatrième semestre.
Nous établissons nos accords de stage et d’apprentissage avec de grandes entreprises comme l’Oréal, EDF, Peugeot, BNP Paribas ou SNCF (les grands partenaires de Sciences Po) mais aussi via nos enseignants. Beaucoup d’élèves réalisent également des stages durant l’été du M1, ce qui les prépare à celui obligatoire en M2. La deuxième année du master a pour objectif, comme je l’ai déjà dit, de permettre aux étudiants de rentrer dans les métiers : la communication est un domaine tellement large que ces derniers peuvent être très divers, la communication au sein d’un grand groupe n’ayant rien à voir avec celle des médias ou d’une société dans l’événementiel. Nous faisons tout notre possible pour mettre les étudiants en contact avec ces différents métiers pour qu’ils trouvent leur place par eux-mêmes.
- LaPéniche.net : Par quels moyens l’École de la Communication s’ouvre-t-elle à l’international ?
Jean-Michel Carlo : Tout d’abord par les élèves, notamment ceux issus du la procédure internationale, mais également par le métier, qui est par essence international dans un monde globalisé. C’est pour cette raison que nos enseignements insistent sur la maîtrise de l’anglais et que nos professeurs ont pour la plupart une expérience internationale. Quant aux stages, ils peuvent être faits à l’étranger. Aujourd’hui, les enjeux et les métiers de communication sont mondiaux, tout comme les entreprises qui embauchent : l’École vise donc à former des personnes capables de gérer ces enjeux au-delà du niveau national.
Cependant, nous sommes conscients que si les bases sont jetées, l’ouverture à l’international du master doit encore être renforcée. Le nombre d’enseignements en anglais et plus clairement orientés vers l’international devrait augmenter, et nous projetons de créer un ou deux doubles diplômes, dans l’idéal l’un avec une université européenne, l’autre avec une américaine.
- LaPéniche.net : Quel profil recherchez-vous chez les étudiants désirant intégrer le master ?
Jean-Michel Carlo : Le master communication est très complet, proche des masters de business ou de management, il faut donc des qualités de rigueur et de gestion semblables à celles requises pour le master Finances et Stratégie. Cependant, il faut aussi faire preuve d’une sensibilité créative : dans le domaine de la communication, il faut posséder une vraie capacité d’initiative et être capable de trouver des idées neuves. Nous recherchons donc des étudiants au profils complets, sachant démontrer des qualités de leader -car savoir argumenter et convaincre est primordial dans la communication- et aussi d’entrepreneur.
- LaPéniche.net : Comment se déroule la sélection ?
Jean-Michel Carlo : Comme pour les autres masters, les étudiants souhaitant entrer directement en master à Sciences Po à l’École de la Communication doivent être reçus après les épreuves écrites du concours, puis à l’issue d’un oral. Les étudiants issus du premier cycle doivent quant à eux rédiger une lettre de motivation (à rendre avec le dossier) et participer à un entretien (téléphonique, en raison de la 3A à l’étranger). Nous recrutons également des étudiants dans le cadre de la procédure internationale. Enfin, il existe une passerelle pour les étudiants issus d’Écoles d’arts (Les Beaux Arts et les Arts Déco) : sur une quinzaine de candidats, cinq devraient rejoindre la prochaine promotion contre trois l’année dernière.
Dans tous les cas, la sélection s’opère sur les mêmes critères : le projet professionnel des étudiants, leur motivation et leurs compétences. La communication mène vers des métiers où il y a besoin de passion, d’idées, dans des carrières très enrichissantes, mais où il faut être mobilisé à chaque instant. Les entretiens permettent de vérifier que les étudiants sont bien intéressés et que leur projet est cohérent. Nous sélectionnons ceux qui nous semblent avoir l’appétit et les qualités pour réussir sur un marché qui n’est pas énorme. Le taux de sélection est assez faible cette année, mais il s’explique une fois encore par le fait que l’École vient d’être lancée, que les formations sont ciblées et que le marché n’est pas illimité.
- LaPéniche.net : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les débouchés de l’École ?
Jean-Michel Carlo : Les débouchés du master sont extrêmement larges ! Nous formons des diplômés capables de travailler dans tous les métiers de la communication, interne ou externe, de la communication de crise à la communication financière. Les structures dans lesquelles nos étudiants se retrouveront sont elles aussi très diverses : les diplômés de l’École pourront travailler dans les direction de communication des grandes entreprises, dans les médias (pour le management des médias, pas de leur contenu), dans les régies de publicité (Google, MSN…), chez les producteurs de contenus (télécommunications) ou encore dans les sociétés de marketing classiques.
La communication est généralement l’arme de la compétition, donc plus courante dans le secteur privé que dans le secteur public. Néanmoins, il est possible de travailler dans le secteur public concurrentiel (SNCF, Areva, EDF…) ou aussi auprès des collectivités territoriales. Mais pour réussir dans les institutions publiques, AP est probablement plus indiqué. En résumé, les débouchés de l’École de la Communication sont quasiment illimités, puisque la communication touche à presque tous les secteurs.
- LaPéniche.net : Pour conclure, quel bilan tirez-vous de la première année d’existence de l’École de la Communication ?
Jean-Michel Carlo : Le bilan est plutôt bon. Nous avons justement lancé un questionnaire de satisfaction et les résultats sont très encourageants. Nous voulions lancer un enseignement innovant, et le pari est tenu, le lancement de l’École a été réussi, tout comme l’équilibre entre sciences sociales, fondamentaux de la communication et enseignement professionnel. Nous essayons de prendre le meilleur de Sciences Po et le meilleur du milieu professionnel.
La révolution qui s’opère dans le milieu de la communication est intéressante, et va nécessiter un réel suivi et une adaptation de l’École aux besoins du marché. Il reste encore des choses à changer, ajouter, améliorer, mais le bilan de cette première année est clairement positif.
- LaPéniche.net : Merci beaucoup pour toutes ces informations, et bonne continuation !
7 Comments
Pauline
Bonjour,
je suis actuellement en 3A et j’hésite à faire l’école de la communication l’an prochain. J’aimerai savoir comment, après Sciences Po, il est intéressant de compléter cette formation?
merci!
J-M Vianney MUTORE
Bonne école! Quelle surprise pour moi qui ai une licence en histoire, option science politique de l’Université du Burundi et qui oeuvre aujourd’hui dans le domaine de la communication! Je suis journaliste reporter à la télévision nationale et en même temps correspondant acccrédité d’un journal électronique pour la diaspora burundaise établie au Canada:www.burunditribune.com
Comment peux-je accéder à votre formation? Y a t-il des bourses ou des stages que votre institution a prévu au bénéfice des lauréats des pays en développement?
Merci pour la bonne réception!
Elise
Un de perdu, vite dit…
Patino, c’est quand même autre chose. C’est notamment grâce à lui qu’a été conclu le double diplôme Sciences Po Columbia en journalisme, qui a de la gueule. Et ce type est une référence dans le milieu…
TrEsOr
JC Lescure est l’ancien professeur d’histoire de première année, semestre deux, qui était aussi jusqu’à juin dernier le directeur de l’école de journalisme de sciences po…
Il n’est plus professeur à Sciences Po depuis la rentrée et au terme d’une carrière longue de plus d’une décennie… Un de perdu, encore.
Pat
céki Lescure ???
Question de com
Pourquoi appeler "école" ce qui n’est qu’une spécialisation du diplôme de scpo ? Pour se la jouer ?
Cox
Pauvre Lescure, si vite oublié …